Les médecins de famille du Québec jugent qu’ils passent trop de temps à remplir des papiers et documents de toutes sortes. Ils demandent aux assureurs membres de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) qui ont abandonné les formulaires normalisés de l’ACCAP d’y revenir, ce qui leur ferait gagner des heures qu’ils pourraient consacrer à donner des soins cliniques à leurs patients. Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot, veut en faire un dossier prioritaire en 2023.
Diagnostics, assurabilité d’un assuré, billet d’exemption de travail pour raison médicale, émission d’un deuxième ou troisième billet pour le même patient, confirmation d’invalidité, et bien d’autres, les médecins de famille doivent remplir beaucoup de formulaires réclamés par les compagnies d’assurances, en plus de ceux de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), la Commission des normes de l’équité, de la santé et de la sécurité du Travail (CESSST) et d’autres organisations.
Une enquête récente auprès des médecins membres de la FMOQ a révélé qu’ils consacraient près de 25 % de leur travail à faire de la « paperasse » comme on le dit dans le milieu, une proportion qu’ils voudraient réduire à 10 % et même moins, révèle son président. La FMOQ affirme qu’il manque 1000 médecins de famille et les gens éprouvent beaucoup de difficultés à obtenir un rendez-vous en première ligne. Réduire les heures qu’ils consacrent à des formulaires leur permettrait de voir plus de patients.
« Remplir tous les formulaires qu’on nous présente, c’est un cauchemar », a commenté une médecin de famille de Québec qui préfère garder l’anonymat.
Compléter un seul formulaire exige en moyenne une quinzaine de minutes, dit le Dr Amyot. Donc, un médecin pourrait en remplir en moyenne quatre à l’heure. Ce temps, ils leur prennent sur leur temps clinique en cabinet au détriment de leur clientèle ou à la maison.
Un formulaire normalisé développé avec l’ACCAP
En 2017, l’ACCAP a convenu de formulaires simplifiés et normalisés avec les différentes fédérations médicales afin d’améliorer les processus de réclamation nécessitant la signature d’un médecin. Ils portent sur les règlements liés à l’invalidité de courte et de longue durée, l’hospitalisation et aux dossiers de santé mentale.
« La pratique des assureurs est d’accepter les formulaires normalisés, au même titre que leur propre formulaire, précise la présidente d’ACCAP-Québec, Lyne Duhaime. Toutefois, il peut arriver des cas où le formulaire normalisé est refusé lorsqu’un employé d’une compagnie n’est pas au courant de la pratique, par exemple. L’ACCAP et ses membres collaborent avec les associations professionnelles lorsque ces situations surviennent pour y remédier. »
Néanmoins, au fil des années, de nombreux assureurs ont progressivement cessé d’y recourir et exigent que les médecins remplissent leur propre formulaire maison, qui diffèrent en plus d’une compagnie à une autre, ce qui ajoute de la complexité à la tâche et aux médecins qui les remplissent.
« Je ne prête pas de mauvaise volonté aux compagnies d’assurance, commente le Dr Amyot en entrevue avec le Portail de l’assurance. Je pense que de nouveaux dirigeants arrivent en poste et n’ont pas cet historique au sujet des formulaires normalisés. Ce serait important d’y revenir. L’entente est encore valide. Quand vous remplissez toujours le même formulaire, vous le faites presque par automatisme. C’est beaucoup plus facile et beaucoup plus rapide pour les médecins d’avoir un seul formulaire type pour l’ensemble des assureurs. »
Rappel aux assureurs
Une lettre datée du 22 novembre 2022 provenant de la FMOQ accompagne des documents remplis par les médecins de famille qui sont retournés aux assureurs. Ils demandent à ceux qui ont abandonné le formulaire type de faire marche arrière.
« La FMOQ encourage les assureurs à s’en tenir au formulaire normalisé de l’ACCAP, insiste la Fédération. Lorsqu’un assureur a besoin d’informations additionnelles pour un assuré, elle l’incite à adresser une demande spécifique au médecin pour obtenir l’information manquante ».
Des formulaires à répétitions ou inutiles
La FMOQ dénonce aussi des formulaires que les assurés doivent faire remplir à répétition. Des gens doivent revoir leur médecin après une absence de trois jours pour obtenir un nouveau certificat médical. Des assureurs réclament toujours le fameux billet du médecin pour accepter de couvrir ou de rembourser les traitements, comme c’est le cas en physiothérapie et en psychothérapie.
« Ces exigences génèrent une visite qui n’est pas médicalement requise, dit le Dr Amyot, exaspéré par ce type de demande. Je ne connais personne qui va chez le physiothérapeute quand il est pleine santé et qu’il n’a pas de douleur. Il faut que ça s’arrête les gens qui sont forcés par leur assureur d’aller voir un médecin pour justifier ce type de couverture ! »
Abandonner de vieilles pratiques établies, c’est possible, précise-t-il. Il cite en exemple la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) qui n’exigera plus systématiquement un examen médical pour les 70 ans et la Sun Life, l’assureur des fonctionnaires fédéraux, qui ne réclamera plus à compter de 2023 un billet médical pour couvrir les frais de visites ou de traitements de psychologues et physiothérapeutes et certains autres services assurés. La Sun Life a toutefois refusé de nous corroborer cette information même si elle est l’assureur concerné.
Pas la fin du papier de médecin
Le président de la FMOQ ne réclame pas la fin des fameux papiers de médecin, mais leur diminution. Qu’un patient doive retourner voir un omnipraticien après trois jours d’absence pour se justifier et obtenir une prolongation n’a aucun sens à ses yeux. Il décrit cette consultation forcée comme non pertinente et nuisible, car le patient malade risque d’en contaminer d’autres. Un délai de sept jours avant de revoir le médecin lui semblerait acceptable.
Le Dr Amyot se dit contre le fait que d’autres professionnels de la santé que les médecins puissent émettre des diagnostics, mais, si on ne joue pas avec le diagnostic, insiste-t-il, il serait favorable à ce que des physiothérapeutes ou des psychothérapeutes puissent attester auprès des assureurs qu’un patient nécessite un arrêt de travail en raison de sa condition, ce qui épargnerait d’autres visites inutiles auprès des médecins de famille.