Les régimes de retraite canadiens à prestations déterminées ont affiché leur plus faible rendement trimestriel depuis trois décennies, lors du deuxième trimestre de 2022. C’est le constat que tire RBC Services aux investisseurs et de trésorerie de son univers des régimes de retraite.

Selon cet univers, les régimes de retraite canadiens ont enregistré des rendements négatifs dans l’ensemble des catégories d’actifs des marchés publics au cours du dernier trimestre. La santé économique mondiale, la liquidation du marché boursier et l’augmentation des taux obligataires ont fortement miné l’actif des régimes à prestations déterminées, observe RBC Services aux investisseurs et de trésorerie. L’actif des régimes a diminué de 8,6 % au deuxième trimestre de 2022, portant le rendement annuel cumulatif à -14,7 %, révèle RBC. 

Le gestionnaire de régime observe que la baisse du deuxième trimestre 2022 est la plus importante depuis celle de 8,6 % survenue au troisième trimestre de 2008. Le troisième trimestre de 2008 avait alors battu le record du plus faible rendement trimestriel jamais signalé par RBC, depuis son premier suivi en 1994. 

Ukraine, inflation et variant 

« L’incertitude des perspectives économiques mondiales, notamment en ce qui concerne la guerre en Ukraine, la flambée de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt exigée par les banques centrales du monde entier et une nouvelle souche de la COVID-19, a conduit à ce résultat », a déclaré Niki Zaphiratos, première directrice générale, propriétaires d’actifs, RBC Services aux investisseurs et de trésorerie. 

Le rendement des régimes de retraite canadiens pour la catégorie des actions mondiales a fléchi de 12,2 % au deuxième trimestre de 2022 et 18,5 % depuis le début de l’année. En ce qui touche la catégorie d’actifs à revenu fixe, les régimes de retraite canadiens ont obtenu un résultat de -9,8 % au cours du deuxième trimestre et une baisse de 19,0 % depuis le début de l’année. Le rendement en actions canadiennes des régimes suivis par RBC a décliné de 11,3 % au deuxième trimestre et de 8,1 % en cumul annuel. 

« Bien que le marché boursier canadien ait profité d’une forte proportion de titres du secteur de l’énergie (26,2 % en cumul annuel), il a perdu du terrain au cours du trimestre, car des secteurs tels que la finance et les matières ont été affaiblis en raison des préoccupations relatives à la hausse des taux d’intérêt et au ralentissement de la croissance économique », a expliqué Mme Zaphiratos. 

Le passif protégé par la hausse des taux 

« La montée des taux obligataires à long terme a toutefois amélioré les ratios de solvabilité des régimes », a-t-elle poursuivi.

Des consultants en avantage sociaux ont fait écho à cette amélioration au deuxième trimestre. Malgré la chute de la valeur des actifs et une inflation record, la situation financière des régimes de retraite à prestations déterminées s’est améliorée au deuxième trimestre de 2022, a constaté pour sa part Mercer.

F. Hubert Tremblay

L’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite est passé à 109 %, alors qu’il était de 108 % au 30 juin 2022. L’indice Mercer mesure le degré de solvabilité médian des régimes à prestations déterminées figurant à sa base de données. 

Aon a dressé un constat similaire, notant que la santé financière des régimes de retraite canadiens s’était très légèrement améliorée au deuxième trimestre de 2022. Son ratio de capitalisation global des régimes de retraite canadiens associés à l’indice composé S&P/TSX est passé de 100,5 % à 101,5 % au cours des trois derniers mois se terminant au 30 juin 2022. L’indice était à 96,9 % au début de l’année. 

Si les marchés boursiers ont continué d’être secoués par la volatilité en juillet, la hausse des taux d’intérêt a été d’un grand secours aux régimes. « Malgré les rendements négatifs importants du côté des actifs, le bond fulgurant des taux des obligations a eu un effet plus que favorable sur la situation financière de la plupart des régimes PD (prestations déterminées) », a indiqué F. Hubert Tremblay, conseiller principal du domaine avoirs de Mercer.  

Claude Lockhead

Associé exécutif, solutions pour le patrimoine, chez Aon, Claude Lockhead croit que la hausse rapide des taux d’intérêt a fait baisser le passif, « ce qui a compensé le piètre rendement de l’actif au cours du trimestre ». Les actifs des régimes de retraite ont perdu 11,9 % au cours du deuxième trimestre de 2022, selon Aon. 

Selon les statistiques de la Banque du Canada, le taux des obligations types du gouvernement canadien à long terme a amorcé l’année 2022 à 1,85 % pour atteindre un sommet de 3,35 % au 15 juin 2022. Il s’est ensuite replié à 2,82 % au 26 juillet 2022. 

Tourmente des marchés financiers  

« En raison du risque accru de récession, du conflit qui persiste en Ukraine, des niveaux d’inflation sans précédent et de la volatilité sur les marchés financiers, on peut s’attendre à ce que les niveaux de capitalisation des régimes PD demeurent extrêmement volatils », croit M. Tremblay. 

De son côté, M. Lockhead pense que les promoteurs de régimes sont susceptibles de poursuivre leurs activités de réduction du risque, « afin de protéger davantage les positions de financement des régimes alors qu’ils composent avec la volatilité ». Il croit que les promoteurs le feront soit par le renforcement des couvertures de taux d’intérêt ou par des activités de transfert de risque, « comme les opérations d’achat de rentes, avec ou sans rachat des engagements. » 

Embellie en vue ? 

Sébastien Mc Mahon

Stratège en chef, économiste sénior et vice-président, répartition d’actifs, gestionnaire de portefeuille au sein d’iA Gestion de portefeuille (iAGP), Sébastien McMahon signalait toutefois une semaine positive à la fermeture des marchés du jeudi 28 juillet 2022. 

Dans son survol économique dédié au mois de juillet, il a qualifié la dernière semaine d’assez positive du côté des actions et des obligations. « On est en train de voir les taux d’intérêt baisser. Est-ce qu’on a vu le sommet des taux d’intérêt en 2022 ? Si oui, nous verrons des rendements plus intéressants du côté des portefeuilles obligataires », prévoit M. McMahon.

Il signale que l’indice des obligations canadiennes à long terme FTSE TMX Long a affiché un rendement de 1,57 % durant la semaine se terminant le 28 juillet, mais rappelle que l’indice affiche -16,42 % depuis le début de l’année. « Il serait étonnant de voir ce chiffre revenir en territoire d’ici la fin de l’année. 

Encore une semaine positive pour les actions, a signalé l’économiste stratège en chef d’iAGP. L’appréciation du dollar canadien de près de 1 % a été un vent de face pour le rendement des actions étrangères. Avec un rendement de 2,58 %, l’indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto a surperformé celui du parquet américain S&P 500, dont le rendement a été de 1,94 % en dollars canadiens. En devise locale, le S&P 500 affiche cependant un rendement 2,81 %, le NASDAQ un rendement de 2,78 %, l’indice de l’Europe et de l’Asie EAEO un rendement de 0,78 % et l’indice MSCI Émergents de 0,36 %.

“On est clairement en rallye du côté des actions”, lance M. McMahon. Il est selon lui encore trop tôt pour présumer qu’un creux est atteint. “L’inflation demeure un sujet important en juillet. Elle a encore accéléré : 9 % du côté américain et 8,1 % ici.” L’économiste ajoute que l’augmentation du prix de l’essence a poussé l’inflation à la hausse en juin, mais observe les signes précurseurs d’un sommet. “Le prix de l’essence reculé en juillet, donnant un peu de répit aux consommateurs, ajoute-t-il. Si ce n’est pas le sommet, on commence à s’en approcher.” 

Récession : mal nécessaire 

Vice-président du conseil et président de Capital Group, Rob Lovelace s’attend à une récession “saine” d’ici deux ans. “Bien qu’elle soulève beaucoup de préoccupations, une récession modérée s’avère nécessaire pour corriger les excès de la dernière décennie”, soulève M. Lovelace le, dans son rapport semestriel intitulé Perspectives 2022. “Toute période de croissance soutenue doit être ponctuée d’un repli occasionnel pour équilibrer les choses, soutient-il. Il n’y a rien de plus normal et naturel.” 

Dans le rapport, Capital Group explique que de puissantes tendances ont ramené les principales économies du monde au point où elles se situaient juste avant la pandémie, soit fermement en territoire de fin de cycle. Capital Group s’attend également à une volatilité accrue pendant que la Réserve fédérale lutte contre l’inflation. 

M. Lovelace croit que les investisseurs ont intérêt à détenir un portefeuille de placements équilibré qui peut résister aux intempéries, quelle que soit la conjoncture. “Cela est particulièrement vrai en ce moment”, ajoute-t-il. Dans son rapport, Capital Group rappelle que la période actuelle est marquée d’une grande période d’incertitude. Son équipe d’économistes Night Watch s’interroge : la guerre en Ukraine va-t-elle s’intensifier ou prendre fin ? L’inflation va-t-elle augmenter ou diminuer ? Assisterons-nous à une récession mondiale ou à une reprise de la croissance ? 

Le rapport de Capital Group décrit la fin de cycle comme une période de rétrécissement du marché du travail et de montée en flèche des coûts. Cette période s’accompagne également de la contraction des marges de profits des sociétés et du resserrement de la politique des banques centrales.

Capital Group énumère également les signes d’une récession : déclin de l’activité économique, contraction du crédit et hausse du chômage.