Les restaurateurs après sinistre veulent établir une meilleure communication avec l’industrie de l’assurance. Bien souvent, cette communication est perçue à sens unique. Les restaurateurs après sinistre demeurent toutefois confiants d’améliorer cet aspect.Mario Caetano, président de la Fédération de l'industrie de la restauration après sinistre (FIRAS) ne cache pas que certains de ses membres perçoivent la discussion avec les assureurs comme problématique, à la lumière de certaines de leurs décisions. Le Journal de l'assurance avait fait état l'an dernier que plusieurs assureurs réévaluaient les modalités de leurs ententes avec les fournisseurs après sinistre. Leur objectif? Réduire les couts et hausser l'efficacité de la restauration après sinistre. La tendance s'est accentuée au cours de la dernière année, ont révélé les intervenants interrogés par le Journal de l'assurance.

« Il faut toutefois prendre en compte que nous sommes dans un marché très concurrentiel. On veut bâtir une meilleure communication avec les assureurs. L'intérêt des assureurs est là. Ils veulent aussi voir comment améliorer cette communication. Dès la fondation de la FIRAS, plusieurs dirigeants m'ont approché pour savoir, en tant que président, quels étaient mes buts et objectifs », dit M. Caetano, qui dirige aussi l'entreprise de restauration après sinistre Refexio.

Le mandat que s'est fixé le président de la FIRAS est d'ailleurs de renforcer les liens avec les assureurs et l'industrie de l'assurance en général. « On veut instaurer une communication bidirectionnelle. C'est quelque chose qu'on ne voit pas encore beaucoup au Québec. Les intervenants du milieu de l'assurance auraient tout intérêt à utiliser le regroupement comme une façon de bâtir cette communication », dit le président de la FIRAS.

Daniel Pellerin, président de Phoenix, affirme que la tendance lourde qu'il voit apparaitre dans le marché de la restauration de bâtiments est d'établir un prix de restauration fixe au pied carré, avec des modulateurs quant à la sévérité et la catégorie des dégâts.

« En tant que restaurateur, ça ne nous fait pas plaisir, mais c'est dans cette direction que le marché va. Ça apporte son lot d'inconvénients. Entre autres, on ne s'entend pas sur le prix juste au pied carré. Un assureur peut vouloir payer 2,15 $, mais le restaurateur peut vouloir facturer 6 $. Il y a un écart important en ce moment. Je suis toutefois convaincu que nous allons nous entendre un jour ou l'autre », dit-il.

M. Pellerin a identifié un autre défi lié à ses relations avec les assureurs. Selon lui, les assureurs cherchent de plus en plus à établir des moyens de contrôle administratifs sur les réclamations. « Ça alourdit la bureaucratie des traitements de dossiers. Avant, tout était réglé en un appel. Maintenant, il y a un rapport qui doit être remis en 24 heures. De plus, deux ou trois firmes sont invitées à soumissionner. Il y a aussi des formulaires d'acceptation et de suivi à plusieurs étapes. Ça participe à transformer ce qu'est l'entrepreneur après sinistre », dit-il.

Plus que jamais, les assureurs veulent des ententes contractuelles ou même revoir les ententes qu'ils ont déjà, souligne Christine Dufour, présidente de Sinisco. « Le problème, c'est que tout n'est pas uniforme dans notre industrie. On peut approuver certaines décisions des assureurs de revoir les ententes, car avec chaque compagnie qui est dans le domaine, lire des devis et des factures qui ne sont pas uniformes, ce n'est pas évident », dit-elle.

Mme Dufour reconnait que certains assureurs sont très ouverts à discuter avec les fournisseurs. « Ce sont ceux qui se démarquent dans l'industrie. Ils sont à l'affut et priment sur la qualité. Il y a toutefois d'autres assureurs chez qui les contrats se font sans consulter les fournisseurs », mentionne-t-elle.

Pierre Bédard, vice-président au développement des affaires de Groupe Urgence Sinistre (GUS), souligne que les assureurs ont longtemps concentré leurs efforts de contrôle sur l'automobile. Ils se tournent maintenant vers l'habitation.

Recherche de reconnaissance

« Il y a une certaine structure d'encadrement qui est en train de s'établir. Auparavant, les assureurs signaient plusieurs contrats avec des fournisseurs. Maintenant, ils recherchent des ententes de trois ans ou cinq ans, avec des contrats signés en bonne et due forme. C'est plus structuré et organisé. Certains logiciels d'estimation ont aussi amené une procédure qui n'existait pas auparavant. C'est plus professionnel qu'avant », dit-il.

Les restaurateurs après sinistre continuent aussi à travailler afin que leur profession jouisse d'une meilleure reconnaissance. À cet effet, la FIRAS, qui a vu le jour il y a un an, joue un rôle de premier plan.

Éric Vidal, directeur général de la FIRAS, a œuvré principalement à la mise en place de la structure de l'organisme au cours de la dernière année, ce qui n'a pas empêché son organisme de travailler à la reconnaissance de la profession.

Ainsi, la FIRAS a poursuivi ses démarches avec Enviro Compétences, un organisme soutenu par Emploi-Québec et qui établit des normes pour différentes professions liées à l'environnement. Le but de la FIRAS est d'obtenir une attestation de reconnaissance en milieu de travail d'Enviro Compétences d'ici la fin de 2011.

« En ce moment, les entrepreneurs en restauration après sinistre sont laissés à eux-mêmes en ce qui a trait au recrutement, à la formation et aux façons de faire de notre industrie. C'est ce que va nous procurer Enviro Compétences. La formation qui sera offerte reflétera mieux le travail fait sur le terrain. Cela nous permettra ainsi d'avoir un bassin de candidats qui auront les qualités et les pré requis nécessaires pour faire ce travail. Ce sera plus facile que d'aller les chercher dans la rue ou de transformer un employé de maintenance en restaurateur après sinistre », explique Mario Caetano, président de la FIRAS.

L'association a aussi établi des contacts avec un organisme américain : l'Institute of Inspection, Cleaning and Restoration Certification (IICRC). Il s'agit d'un organisme qui agit à titre de corps professionnel pour l'industrie de la restauration après sinistre et qui lui fournit une accréditation. Tous les membres certifiés de la FIRAS doivent d'ailleurs obtenir leur certification de l'IICRC. Le seul hic : cet organisme ne dispense pas de formations en français et ses manuels sont disponibles uniquement en anglais. « Nous travaillons à nous rapprocher de cette institution pour franciser sa documentation et favoriser l'évolution de notre industrie au Québec. Au lieu de réinventer la roue, on préfère travailler épaule à épaule avec eux », explique M. Caetano.

Doubler le membership

La FIRAS compte 56 entreprises membres, répartis partout au Québec, dont 39 certifiés, 12 associés (firmes de génie et de construction entre autres) et 5 affiliés (regroupements). Au départ, elle en comptait 30. D'ici un an, elle veut doubler son membership. La FIRAS estime qu'elle peut puiser dans un bassin potentiel de 200 entreprises membres certifiés au Québec.

M. Pellerin voit d'un bon œil la venue la FIRAS. À tel point qu'il a accepté d'en devenir l'un de ses administrateurs. « La venue de la FIRAS va rehausser les standards minimums de notre industrie. A l'origine, notre secteur était constitué des nettoyeurs de tapis. Les besoins en restauration ont changé et la nature des entreprises en restauration aussi. C'est assez novateur ce que l'on fait au Québec avec la FIRAS », dit le président de Phoenix.

Mme Dufour croit aussi que son industrie doit se démarquer. Elle a confié au Journal de l'assurance que lorsque les assureurs comparent les firmes de restauration entre elles, ils affirment qu'elles se ressemblent toutes. Elle leur répond alors qu'il en est de même pour les assureurs, ce qu'ils n'aiment guère.

« Le consommateur ne fait pas toujours la différence entre les différents assureurs. Pour eux, une assurance, c'est un prix à magasiner. Nous, nous savons que chaque assureur a ses particularités. comme nous avons les nôtres», souligne la présidente de Sinisco.

M. Bédard confirme cette perception des assurés. « Souvent, le client ne fait pas la différence entre l'assureur et le restaurateur après sinistre. On est le prolongement du service de l'assureur. Souvent, quand on fait des travaux, le client croit que c'est l'assureur qui débarque chez lui », dit le vice-président de GUS.

Il s'agit là d'une autre raison pour laquelle les restaurateurs après sinistre veulent se démarquer. Il y a encore trop de gens qui s'improvisent restaurateur après sinistre du jour au lendemain et qui causent du tort, selon M. Pellerin.

« Avec la récession, on a vu une amplification de ce phénomène. Les petits contracteurs et rénovateurs qui sont en manque de travail se rabattent sur l'après sinistre. Il y a une compétition accrue dans notre domaine. On le voit partout en Amérique du Nord. C'est difficile de percer dans le domaine et d'en tirer un profit important. Ainsi, c'est par la qualité de ce qu'on offre comme produit qu'on se distingue. On doit présenter une expérience client avec le moins d'inconfort possible, que ce soit au niveau de l'assureur ou de l'assuré », dit-il.

Mme Dufour affirme que la situation économique a empiré le phénomène des gens qui s'improvisent restaurateur après sinistre. « Les gens trouvent une certaine facilité à le faire. M. et Mme Tout-le-monde s'y essaie, mais avec le temps, ils voient que ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air. Le nombre d'années d'expérience de notre entreprise nous permet ainsi de nous distinguer de nos compétiteurs », dit-elle.

Sinisco a aussi misé sur la diversification de ces services. « On a développé un volet construction dans toutes nos succursales. Nous sommes ainsi restaurateurs après sinistre et entrepreneur général, sans aller au-delà de la réparation des dégâts. Nous avons aussi investi en publicité et recruté les Denis Drolet pour nous démarquer. Il faut toujours demeurer à l'affut des tendances. Il ne faut jamais avoir les yeux fermés », affirme Mme Dufour.

Pour M. Pellerin, l'immobilisme est impossible lorsqu'on veut prospérer dans ce domaine. « L'augmentation de la concurrence est notre principal défi. Je ne vois pas cela négativement. Ça nous oblige à devenir très bons dans quelque chose de très pointu. Il y a une pression. Si on veut survivre et prospérer, il faut se démarquer et être les meilleurs. C'est bon pour l'industrie, car nous sommes une jeune industrie », dit-il.

Au devant de la parade

Il travaille aussi un autre aspect pour demeurer au devant de la parade, soit se tenir à jour en matière de nouvelles avancées technologiques. « Les dégâts d'eau ont remplacé les feux et ce n'est pas près de changer. On a de nouvelles techniques qui révolutionnent la façon de traiter les dégâts d'eau et qui permettent de diminuer de moitié la durée de l'assèchement. Ces techniques impliquent aussi moins de bruit et moins de dérangement pour les clients. Ça demande toutefois des investissements de notre part, autant en matière d'équipement que de formation du personnel », précise M. Pellerin.

M. Bédard convient aussi qu'il y a beaucoup de compétition en restauration après sinistre. C'est pourquoi GUS mise sur la formation continue de ses franchisés. Ainsi, GUS compte maintenant parmi ses rangs le seul instructeur certifié IICRC francophone en Amérique du Nord, soit Michel Forget. Il forme les franchisés GUS, mais les compétiteurs de l'entreprise peuvent aussi faire appel à ses services.

Au cours de la dernière année, GUS a aussi fait l'acquisition de l'entreprise Frank Langevin, accentuant sa présence à Montréal et à Québec. Le plus grand défi de GUS est maintenant de poursuivre son expansion pancanadienne. GUS compte maintenant 225 franchisés, dont 10 en Ontario. Elle devrait en compter sept de plus en Ontario d'ici les prochains jours.

« Cette expansion tient au besoin des assureurs de faire affaires avec un fournisseur pancanadien et qui a les mêmes standards de qualité à travers le Canada. Notre défi sera d'avoir la même structure organisationnelle de franchisés partout au pays », explique M. Bédard.