L’Autorité des marchés financiers a mis en place une série de mesures pour élargir la portée de sa surveillance et augmenter sa force de frappe à l’endroit des contrevenants dans l’industrie des services financiers.Les nouvelles mesures s’inscrivent dans une philosophie plus combative face à la criminalité financière. « Nous voulons faire comprendre au marché que nous ne faisons pas que parler, mais que nous agissons », a lancé Nathalie Drouin, directrice générale aux affaires juridiques et secrétariat à l’Autorité, lors d’une entrevue exclusive accordée au Journal de l’assurance. Un message qu’elle souhaite entendre résonner clairement aux oreilles des divers acteurs de l’industrie des services financiers au Québec.

Mme Drouin, qui est aussi avocate, pousse son affirmation un cran plus loin. « Aux yeux des contrevenants, des gens qui sont non conformes face au marché, nous voulons leur faire comprendre que l’Autorité sera ‘redoutable’ ». La directrice générale a d’ailleurs insisté plusieurs fois sur ce mot.

Ce mot d’ordre est d’ailleurs répété, tel un mantra, à toute la chaîne de commandement de la direction de l’inspection et des enquêtes. « Je conseille à tous mes employés d’être redoutables dans leurs fonctions », tonne Mme Drouin.

Un questionnaire pour les fonds

Pour mener ses ambitions à terme, l’Autorité a presque doublé son personnel à la direction des enquêtes et des inspections entre 2004 et 2006, passant ainsi de 47 à 84 personnes.

« Notre priorité sera d’accroître la détection dans les marchés. Nous ne parlons pas uniquement de la surveillance boursière, mais de la surveillance des nouvelles tendances et des nouveaux produits », a affirmé Nathalie Drouin.

D’ailleurs, l’Autorité lancera bientôt une grande démarche d’interrogation dans l’industrie des valeurs mobilières, particulièrement dans le secteur des fonds d’investissement. Seront appelés à y participer spécialement les cabinets en épargne collective ainsi que les conseillers en valeurs.

Son objectif? « Mieux comprendre et mieux connaître l’industrie et ses pratiques d’affaires », répond Mme Drouin. Sans donner de dates exactes, elle révèle que les questionnaires partiront bientôt puisque l’Autorité veut avoir obtenu et compilé les réponses avant Noël.

L’Autorité veut ainsi se donner les moyens de déceler les tendances et les pratiques douteuses qui pourraient survenir chez des assujettis avant que ne soient commis des crimes économiques.

« Cela nous permet d’identifier les zones à risques et de renforcer notre détection, explique Mme Drouin. Lorsqu’on connaît son industrie, on peut mieux inspecter à la bonne place. »

Elle justifie cette démarche entre autres parce que l’industrie se complexifie. Par exemple, elle s’interroge sur les billets à capital protégé. Qui est en mesure de les distribuer adéquatement? Les cumuls de chapeaux vont en croissant, ajoute-t-telle.

L’industrie de l’assurance de personnes suivra après, révèle Nathalie Drouin. Elle vise toujours à sortir un rapport d’inventaire des pratiques d’affaires avant Noël, dit-elle. Ce rapport, qui se fait attendre depuis des mois, comprendra-t-il des mesures coercitives du genre de celles qui ont été imposées à l’industrie de l’assurance IARD au début de l’année? « Ce sera différent, répond Mme Drouin. Le travail est long parce que je ne trouve pas de pratiques aussi communes que dans l’industrie IARD. Mais le rapport posera des questions à l’industrie. Et elle devra y répondre. »

« Nous travaillons beaucoup sur l’optimisation de nos ressources et de nos outils en termes de techniques d’enquêtes. Nous ne leur disons pas pas simplement : ‘remplissez ces questionnaires et retournez-les nous’. Nous avons procédé cette année à certaines perquisitions. Nous avons aussi fait des enquêtes surprises où nous débarquons chez des assujettis », dit-elle.

L’AMF écrit également à plusieurs plaignants afin de comparer leurs réponses et d’obtenir une version aussi proche que possible de la réalité. « Nous le faisons pour éviter que l’information qui nous parvient soit modifiée par la personne que vise l’enquête », ajoute Mme Drouin.

Craint-elle une mauvaise réaction de l’industrie? « Les bons joueurs réagissent bien, répond Mme Drouin, parce que tout le monde a intérêt à ce que cela fonctionne bien. »

Le règne de la répression

Aussi prioritaire: accroître l’efficacité des inspections et des enquêtes, deux termes que Mme Drouin réunit sous le vocable « répression » (enforcement). « Nous pouvons aisément utiliser cette expression pour désigner de manière générale la surveillance des marchés car elle se rapproche davantage de la réalité des crimes économiques », ajoute celle qui est appelée, à l’interne, la directrice de la répression, lance à la blague Philippe Roy, porte-parole de l’Autorité présent lors de l’entrevue.

La direction des affaires juridiques de l’Autorité affirme aussi vouloir travailler activement à sensibiliser la communauté juridique face aux crimes économiques. Cela afin de favoriser l’imposition de sanctions plus sévères que les seuils minimaux actuellement imposés, et ce rapidement. Un travail long, dit Mme Drouin, qui se félicite de certains succès. Ainsi, les délits d’initiés sont maintenant sanctionnés par une pénalité de quatre fois le gain empoché. Des peines de prison ont été allongées pour certains délits.

Mme Drouin salue d’ailleurs l’initiative rapportée à la une du Journal de l’assurance dans son édition d’août dernier, à l’effet que des compagnies d’assurance décident de s’attaquer aux représentants escrocs. « Toute action visant à protéger les consommateurs et à redorer l’image de l’industrie est une excellente nouvelle. L’Autorité appuie ces assureurs », a fait savoir Nathalie Drouin.