Desjardins Assurances générales et un syndicat de copropriété d’un immeuble de Montréal ont essuyé un refus devant la Cour du Québec.

L’assureur réclamait plus de 32 000 $ en recours subrogatoire pour récupérer le coût des travaux correctifs résultant d’un dégât d’eau survenu en septembre 2018 dans un immeuble en copropriété situé sur la rue Boyer à Montréal.

D’autre part, le Syndicat des copropriétaires Le Point Vert — Phase 1 réclamait 5 000 $ pour la franchise d’assurance payée. 

Les parties défenderesses dans ce litige sont Les Immeubles Devler, une société qui a agi à titre de promoteur et d’entrepreneur, et l’entreprise Lavallée-Dufour, spécialisée en plomberie et sous-traitant de l’entrepreneur. 

L’affaire a été entendue en avril dernier par le juge Jean-François Roberge. Dans son jugement daté du 16 mai dernier, la Cour du Québec rejette la demande de l’assureur et du syndicat. 

Article 2118 

Les demanderesses ont fondé leur recours sur l’article 2118 du Code civil du Québec, qui dit ceci : « À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur et le technologue professionnel qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol. » 

Le promoteur n’a pas été représenté par un procureur au procès et n’a soumis aucune défense en raison de la précarité de sa situation financière. 

De son côté, la firme de plomberie allègue que le sinistre a été causé par le défaut du copropriétaire habitant l’unité où le sinistre a eu lieu. Ce dernier n’aurait pas entretenu adéquatement l’appareil d’air climatisé. De plus, la défenderesse affirme que le système de plomberie respecte les règles de l’art. 

Il est admis par les parties au litige que le sinistre est survenu en 2018, soit à l’intérieur des cinq premières années de la construction de l’immeuble par l’entrepreneur Devler. La valeur des indemnités payées au syndicat et au copropriétaire est aussi admise. 

Trois conditions 

Selon le tribunal, les demanderesses doivent démontrer de manière prépondérante les trois conditions requises pour l’application de l’article 2118 :

  • la perte réelle ou potentielle est de nature à nuire à la solidité de l’immeuble ou à limiter substantiellement son usage ;
  • la perte est le résultat d’un vice de conception, de construction ou de réalisation qui affecte les travaux faits ;
  • le vice de construction a été constaté dans un délai maximal de cinq ans.

Avec ce régime de garantie légale de responsabilité qui est d’ordre public, les défenderesses n’ont que deux moyens pour s’opposer à la réclamation.

Premièrement, elles peuvent prouver que le vice de construction découle des décisions imposées par le client qui a commandé les travaux. Deuxièmement, le vice peut résulter d’une erreur dans les plans de l’architecte ou de l’ingénieur. 

L’analyse 

Selon le juge Roberge, les demanderesses ont fait la preuve d’un vice de construction quant à la plomberie. Cependant, les dommages prouvés n’atteignent pas le degré de gravité requis pour démontrer la perte de l’immeuble et remplir les conditions prescrites à l’article 2118. 

Les photos soumises en preuve montrent que le raccordement entre l’unité de climatisation et le système de plomberie ne respectent aucun des schémas présents dans le guide des bonnes pratiques de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ). 

Dans l’unité du copropriétaire où le dégât a eu lieu, le plombier du sous-traitant a installé un tuyau réservoir pour recueillir le trop-plein d’eau du climatiseur et un coude à angle de 90 degrés avec des joints de raccord en laiton sur un tuyau de polyéthylène réticulé (PEX) de 3/4 de pouce. Aucun schéma du guide de la CMMTQ ne suggère une telle installation. 

Le guide de la Corporation recommande plutôt un raccord en Y pour conserver la descente de l’eau en pente, après l’installation d’un siphon, et la nécessité de maintenir le diamètre de la tuyauterie à 3/4 de pouce pendant tout le trajet. 

Or, il n’est pas contesté que le dégât d’eau a été causé par un tuyau bouché. Le tuyau réservoir était plein d’eau lors de l’inspection menée par l’architecte et l’entrepreneur général en septembre 2018, soit quelques jours après le dégât d’eau. Le plombier n’a pas contesté le caractère déficient de son installation. 

Les dommages ne correspondent pas à la perte de l’immeuble, car ils n’affectent pas sa solidité, sa stabilité ou sa sécurité, ajoute le tribunal. Certes, le dégât d’eau a causé des dommages à l’appartement du copropriétaire qui ont nécessité la démolition et la reconstruction de parties de murs de gypse, de plinthes et de moulures, de planchers de bois, d’isolant et de quelques structures de bois dans les murs et le plafond. 

Le tribunal constate cependant qu’aucun dommage n’est survenu dans les quatre autres appartements de l’immeuble. Aucune expertise soutenant la destruction éventuelle de l’immeuble n’a été soumise. 

Même s’il y a eu des traces de moisissures, la santé des occupants n’est pas menacée. Les travaux correctifs ont eu lieu à l’été 2021, soit près de trois ans après le sinistre, sans que la sécurité du public ait été en jeu. Cela « ne témoigne pas d’une urgence sécuritaire ou d’une menace de destruction », indique le juge au paragraphe 24.

L’immeuble n’est pas impropre à son usage et ne subit pas une diminution importante de sa valeur marchande. En conséquence, le tribunal conclut que les conditions ne sont pas réunies pour appliquer la présomption légale de responsabilité contre le promoteur et son sous-traitant en vertu de l’article 2118 du Code civil.