À la suite de la publication de ses résultats financiers du premier trimestre de 2025, iA Groupe financier a tenu l’assemblée générale annuelle de ses actionnaires à Québec, le 8 mai dernier.
« On a été les meilleurs depuis la démutualisation. On l’a prouvé », a dit son président et chef de la direction, Denis Ricard, lors d’une entrevue avec le Portail de l’assurance*, tenue quelques minutes après la clôture de l’événement.
En février 2025, iA célébrait les 25 ans de sa démutualisation et son entrée à la Bourse de Toronto. Lors de la Journée des investisseurs tenue le 24 février dernier à Toronto, Denis Ricard a souligné que l’entreprise a réussi à outrepasser la performance des marchés boursiers et de ses principaux concurrents en assurance de personnes durant le dernier quart de siècle.
« En 2000, si vous aviez investi 100 $ dans l’indice TSX, votre investissement valait 278 $ 25 ans plus tard, soit 4 % de rendement annuel », réitère-t-il lors de l’entrevue.
« Si vous aviez investi 100 $ dans le cours moyen de l’action de mes trois compétiteurs (ndlr : Sun Life, Great-West et Manuvie), vous avez maintenant 1 337 $, soit un rendement de près de 11 % par année. C’est très bon. »
Cependant, les mêmes 100 $ investis lors de la démutualisation valent aujourd’hui 3 047 $. « Cela représente un rendement annuel de 14,7 % », précise Denis Ricard. « On a surperformé nos pairs. Sur un horizon de 25 ans, ça veut dire qu’on a obtenu 4 % de plus de rendement par année, ce n’est pas rien. »
Pour la fusion des chambres
Un peu plus tôt, lors de l’assemblée, un actionnaire lui a demandé si le volume de réglementation qu’on imposait à la société lui semblait adéquat. « C’est sûr qu’il pourrait y avoir plus d’harmonisation entre les provinces, sans qu’elle soit nécessairement totale, mais il faut un peu de cohérence dans l’industrie entre les différentes juridictions », souligne M. Ricard.
Il poursuit : « Tout récemment, le gouvernement du Québec a posé un geste intéressant, en fusionnant la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l’assurance de dommages. Nous, on supporte cela, car ça amène de la simplification dans la réglementation. »
Le Portail de l’assurance n’a pas disposé d’assez de temps lors de l’entrevue pour demander à M. Ricard de préciser sa pensée sur ce projet de fusion.
Fonds distincts
Au premier trimestre de 2025, clos le 31 mars dernier, le secteur de la gestion de patrimoine a enregistré des ventes records et a continué de se classer premier au Canada. Les ventes brutes de ce produit ont augmenté de 52 % par rapport à la même période en 2024 pour atteindre 1,9 milliard de dollars (G$) au premier trimestre de 2025. Pour les mêmes périodes observées, les ventes nettes de fonds distincts, lesquelles ont atteint 1,2 G$, sont en hausse de 111 %.
La performance était similaire pour ce produit pour l’ensemble de l’année 2024. Qu’est-ce qui explique le succès d’iA dans ce créneau ?
« Ce n’est pas compliqué, dit M. Ricard. Les fonds distincts, c’est vendu par des conseillers qui ont un permis d’assurance. Nous mettons l’accent sur le marché de la famille, qui est plus adapté aux fonds distincts, des fonds distincts diversifiés. Tout est vendu par nos réseaux de distribution d’assurance, en complément du reste. »
La société a formé ses conseillers pour qu’ils offrent des fonds distincts, et ça fait partie de la stratégie de vente, selon M. Ricard.
Transactions
Au 31 mars 2025, la société dispose d’un capital disponible pour déploiement évalué à 1,4 G$. Outre le rachat de débentures subordonnées de 400 millions de dollars (M$) au premier trimestre, et le rachat d’actions qui se poursuit, que compte faire la société avec ce capital ?
« Pour chaque transaction que nous faisons, il nous faut en analyser une vingtaine. Celles que je regarde sont un petit peu plus grosses qu’avant. C’est autant de travail d’en faire une petite que d’en concrétiser une plus grosse », explique M. Ricard.
Pour l’instant, les opportunités sont plus grandes aux États-Unis, où le marché de l’assurance de personnes est nettement plus fragmenté qu’au Canada, un peu comme l’est le système bancaire. « Il y a des milliers de compagnies, et la majorité d’entre elles ne sont pas en bon état », poursuit-il.
En 2024, iA Groupe financier a fait des acquisitions aux États-Unis, en achetant des portefeuilles appartenant à Prosperity Life, assureur établi en Arizona. En juillet 2024, la société a aussi complété la transaction touchant Vericity, annoncée en octobre 2023, acquisition faite par l’entremise de sa filiale iA American Holdings. Dans les deux cas, « c’est payant et on a de la croissance », souligne Denis Ricard.
Au premier trimestre de 2025, iA a étendu son offre dans le marché des services aux concessionnaires en faisant l’acquisition de Global Warranty, firme établie à London, en Ontario. La firme offre des garanties mécaniques sur les véhicules usagés. « Nous sommes deux joueurs principaux au Canada dans les services aux concessionnaires. Il y a une société albertaine nommée First Canadian Insurance et nous », dit-il.
Cette acquisition permet à iA d’élargir son offre en Ontario et dans l’ouest du pays. Il affirme que la transaction n’a pas été motivée par la décision du gouvernement du Québec d’interdire, en juillet 2026, la vente de produits d’assurance par les concessionnaires automobiles. Ce changement a été annoncé lors de l’adoption en mai 2024 du projet de loi 30. « On aurait fait la transaction, ça n’a rien à voir. La compagnie n’est pas active au Québec, alors le projet de loi 30 ne l’affecte pas du tout », observe M. Ricard.
« Cette transaction nous apporte une diversification géographique, mais c’est surtout basé sur notre volonté de croissance », ajoute-t-il.
Depuis la démutualisation, la société a réalisé quelque 70 transactions. « Chaque fois, on travaille à obtenir de la croissance », note M. Ricard en indiquant qu’il a en tête un seul cas où l’acquisition n’a pas porté ses fruits.
Il cite en exemple la réussite obtenue à la suite de l’achat de l’assureur American-Amicable en 2010. La compagnie n’était pas rentable au moment de l’acheter, mais l’acquéreur savait qu’il réunissait les conditions pour améliorer le bilan. « Premièrement, leurs compétences financières étaient ordinaires. Deuxièmement, les actionnaires ne voulaient pas investir pour faire croître l’entreprise. »
La société a eu besoin de quatre années pour redresser la situation. Les ventes annuelles sont passées de 26 M$ US en 2010 à 201 M$ en 2024. « On a une rentabilité qui dépasse plusieurs de nos lignes d’affaires canadiennes », dit-il.
Affaires américaines
D’abord avec les analystes, puis devant les actionnaires de la société, Denis Ricard a été questionné sur l’impact de la bataille commerciale lancée par le président américain Donald Trump. Les activités des services aux concessionnaires, tant aux États-Unis qu’au Canada, sont-elles menacées ? « Ce secteur-là dépend des ventes de voitures. Il dépend un peu aussi du prix des voitures et des pièces », dit-il.
Les garanties mécaniques sont offertes lors de la vente du véhicule, et le produit est consommé si le client fait une réclamation. Selon la valeur des pièces au moment de leur remplacement, si l’assureur n’a pas bien évalué le coût, cela aura un impact sur la rentabilité, explique le grand patron de la société.
« Aux États-Unis, il y a 75 % du risque d’inflation des pièces qui est assumé par le concessionnaire. Nous prenons la différence. Si nos hypothèses d’inflation ne sont pas bonnes, que les prix des pièces montent plus, ça nous coûte plus cher, on fait moins de profit. C’est ça la préoccupation des analystes », poursuit-il. La situation est la même pour les garanties offertes au Canada.
Activité économique
Les turbulences découlant des décisions de l’administration Trump ne préoccupent pas trop Denis Ricard. Il travaille depuis 40 ans chez iA, et la société a connu des bouleversements nombreux durant cette période.
Certes, l’impact sur l’activité économique et l’inflation, de même que les perturbations des chaînes d’approvisionnement, sont susceptibles de perturber la rentabilité du côté des services aux concessionnaires. « Peu importe qui est président, les gens continueront d’acheter des véhicules. Peut-être qu’ils achèteront des véhicules moins chers, ou plus de véhicules usagés. Et nous sommes capables d’ajuster la prime du produit », précise M. Ricard.
Selon Denis Ricard, la société est diversifiée et elle est capable de compenser les pertes dans un segment par la croissance des résultats dans d’autres activités. « Notre horizon, ce n’est pas un an, trois ans, cinq ans, ni 10 ans. C’est sur 20, 30, 50 ans. On a une vision à très long terme », dit-il.
Le caractère volatil des marchés sera maintenu dans le futur. « On a des hypothèses de rendement à long terme pour les titres non fixes. Oui, il y aura une fluctuation à court terme en raison de la volatilité des marchés boursiers, mais nous avons le capital pour absorber ces écarts », affirme-t-il.
*Entrevue menée avec Serge Therrien.