À quelques semaines de son départ du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), Jeremy Rudin a livré un plaidoyer incitant les institutions financières à ne pas baisser leur garde face aux effets des risques accrus que pose le climat.
Ce n’est d’ailleurs pas sa première prise de position à cet égard. M. Rudin avait aussi fait part de ses inquiétudes avant la pandémie.
Le surintendant des institutions financières a abordé ce sujet lors d’un webinaire sur les questions environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG) organisé par le cabinet légal Torys LLP le 7 avril. Pour le surintendant, le risque climatique est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre depuis un certain temps. « On y consacre de plus en plus de temps, de ressources et d’énergie mentale au BSIF », a-t-il aussi affirmé d’emblée de jeu.
Quelle est, et quelle sera, l’incidence des changements climatiques sur les institutions encadrées par le BSIF ? Quelles mesures le BSIF prend-il pour en prévoir les répercussions concrètes ? Que faisons-nous, de concert avec nos partenaires, pour assurer la résilience du système financier ? Ces questions sont au cœur de ses préoccupations, dit M. Rudin.
« Une chose est certaine, dit le surintendant, c’est que le climat au Canada est en train de se réchauffer, et qu’il se réchauffe en grande partie à cause des gaz à effet de serre produits par l’activité humaine. On sait aussi que les changements climatiques entrainent des phénomènes météorologiques extrêmes, au Canada et partout dans le monde. »
M. Rudin a aussi rappelé que le gouvernement du Canada a pris l’engagement de lutter contre ce phénomène en œuvrant pour limiter la hausse des températures à l’échelle mondiale au cours des prochaines décennies. Il en donne pour preuve le fait que le Canada a ratifié l’Accord de Paris sur le climat, puis que le pays a adopté des politiques qui contribuent à la résilience climatique et visent à réduire considérablement (sinon éliminer) les gaz à effet de serre dans l’activité économique.
La responsabilité du BSIF
« Au BSIF, c’est sous l’angle prudentiel que nous abordons le problème. Autrement dit, notre unique but, c’est de garantir la stabilité financière de la population canadienne malgré les bouleversements à venir. C’est un rôle très important, et que nous prenons très au sérieux – d’autant plus que le BSIF est le seul organe de l’État canadien qui soit outillé pour l’assumer », dit M. Rudin.
Car combattre le risque climatique vient avec des incertitudes, dit M. Rudin. Il en donne pour exemple la réduction des gaz à effet de serre qui vient avec une inconnue de ses effets sur la transition économique qui en découlera.
« Les risques de transition ne sont pas les seuls risques sur lesquels il faut se pencher. Il y a aussi les risques matériels que fait peser sur les parcs mobiliers et immobiliers la perspective des tempêtes, des cataclysmes, de l’augmentation du niveau de la mer, etc., qui peuvent s’avérer onéreux pour les assureurs mal préparés. Et il y a aussi les effets potentiels directs sur les institutions financières, et surtout sur les emprunteurs et les placements », dit-il.
Le danger des poursuites
Une autre catégorie de risque inspire de la crainte au surintendant des institutions financières, soit celui des poursuites. Il en donne deux exemples : l’affaire La Rose et al. c. Sa Majesté la Reine et l’affaire Mathur et al. v. Her Majesty the Queen, en Ontario dans ce dernier cas.
« Reste à voir si le secteur privé sera attaqué de la même manière, mais on observe déjà des actes de militantisme judiciaire ailleurs dans le monde, lesquels pourraient se traduire par des réclamations en assurance responsabilité et par des condamnations d’institutions financières », souligne M. Rudin.
Quant aux questions environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG), elles viennent avec un risque d’atteinte à la réputation pour l’industrie, dit-il. « Dès que les gens hésitent à investir dans une institution financière ou à faire affaire avec elle, le problème devient d’ordre prudentiel. Les institutions financières supervisées par le BSIF, connaissent parfaitement nos attentes en matière de gestion du risque. Il leur incombe d’agir dans une optique prospective et préventive pour voir venir tous les risques qui les menacent, sous toutes leurs formes. Y compris le risque d’atteinte à la réputation. »