Le courant anti-facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui déferle actuellement sur les États-Unis ne contamine pas le Canada, révèle Millani dans son étude semestrielle de juin 2023 sur le sentiment ESG des investisseurs institutionnels canadiens.

Y ont participé 40 investisseurs institutionnels qui représentent plus de 5,8 billions (1 billion = 1 milliard) de dollars canadiens d’actifs sous gestion. L’étude du consultant mondial en intégration des facteurs ESG révèle en outre que l’Europe est aussi épargnée par le revers vécu par l’investissement responsable en sol américain. 

Revers et exercice sain 

Les tensions croissantes qu’entraîne le terme ESG et son utilisation par les personnalités politiques produisent l’effet inverse aux États-Unis, où l’on appelle ce phénomène « recul ESG ».

Au Canada, 89 % des investisseurs institutionnels canadien ont répondu à Millani que le recul ESG américain n’a eu aucun effet sur leurs affaires. La plupart voient au contraire le choc entre le recul ESG aux États-Unis et les efforts réglementaires en faveur de l’ESG à travers le monde comme un exercice sain, à moyen et à long terme.

Millani observe en outre que les investisseurs passent les processus d’investissement responsable au peigne fin. Ils intègrent davantage la prise en compte des facteurs ESG dans leurs approches fondamentales, ce qui la rend plus courante. 

Accélérer la réglementation  

L’industrie semble fonder beaucoup d’espoirs sur les normes d’information liées à la durabilité, sur lesquelles planchent l’International Sustainability Standards Board (ISSB) et son antenne au Canada, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID). Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont d’ailleurs accueilli favorablement les deux premières normes : IFRS S1 Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et IFRS S2 Informations à fournir en lien avec les changements climatiques.

Un investisseur institutionnel dont l’étude de Millani a rapporté les propos exprime sa hâte de voir l’effet qu’auront les deux normes de l’ISSB. Il croit que les deux normes apporteront un minimum de balises aux entreprises et à l’industrie de l’investissement. « Nous sommes impatients de voir l’impact que les normes de l’ISSB auront sur les entreprises et sur nous, en termes d’investissement responsable. Elles instaureront un certain seuil minimum pour les entreprises, et rendront les choses plus simples, plus présentes à l’esprit pour le directeur financier moyen », a-t-il commenté. 

Enrayer l’écoblanchiment 

D’autres s’impatientent. Étant donné le manque de progrès dans l’ébauche de repères pour évaluer ce qui se qualifie d’ESG (taxonomy dans l’étude), l’étude de Millani constate que des investisseurs institutionnels ont commencé à créer leurs propres directives d’investissement pour des produits qui se qualifient habituellement d’ESG (en vertu de la taxonomie existante).

Parmi les investisseurs institutionnels sondés par Millani, 36 % ont une taxonomie ou y pense : 9 % disposent de leur propre taxonomie, 15 % y travaillent et 12 % prévoient le faire. Ils disent vouloir commencer à classer les investissements et éviter les accusations d’écoblanchiment.

Dans son étude, Millani souligne que la taxonomie canadienne ressort comme un outil fondamental pour aider à mobiliser et accélérer le déploiement de capitaux pour lutter contre le changement climatique. « Pour atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici 2050, le Canada aura besoin d’investissements climatiques d’environ 125 à 140 milliards de dollars (G$) canadiens par an. Le rythme actuel d’investissements climatiques au Canada est d’environ 15 à 25 G$ par an », peut-on lire.

Selon le sentiment qui se dégage de l’étude, une taxonomie canadienne fournira un langage commun pour identifier ce qui est considéré comme écologique et ce qui ne l’est pas, atténuant ainsi le risque d’écoblanchiment. 

Mission transition 

Les participants à l’étude se demandent si l’appétit des investisseurs envers les produits d’investissement axés sur la transition (énergétique) est suffisant. Certains mentionnent que la demande est là, mais que la capacité du marché n’est pas encore ample. 

Les investisseurs institutionnels anticipent que le besoin d’investissements pour favoriser la transition du Canada vers une économie à faible émission de carbone pourrait aller jusqu’à 115 G$ par an. Et cela sur une période de cinq ans. Selon eux, il y a un grand intérêt et de l’appétit de la part des investisseurs envers les produits axés sur la transition écoénergétique. Plusieurs ont toutefois exprimé l’importance d’en considérer le rendement. 

Climat et EDI 

Le climat est sur toutes les lèvres. Parmi les sujets ESG qui les préoccupent, 98 % des investisseurs institutionnels ont mentionné le climat. Ils sont 45 % à avoir mentionné le sujet de l’équité, diversité et inclusion (EDI) parmi leurs préoccupations en ESG. Le sujet des droits et du capital humain, de la réconciliation avec les Premières Nations et des relations communautaires a aussi été mentionné par 45 % des participants. 

En ce qui touche l’EDI, le Journal de l’assurance d’octobre 2023 consacre un dossier à l’assurance collective destinée à couvrir les frais liés à la transition de genre (voir Transition de genre : le début d’une nouvelle ère, pages 16-20). Près d’une dizaine de compagnies d’assurance ont ajouté cette garantie à leur offre d’assurance collective privée traditionnelle faite aux employeurs.