Le traitement équitable des consommateurs de produits et services financiers est au centre des préoccupations des organismes de régulation en assurance. Depuis le 1er juillet 2025, tous les intermédiaires de même que les institutions financières ont dû mettre à jour leur politique de traitement des plaintes et de règlement des différends.
Publié dans la Gazette officielle du Québec le 15 février 2024, le Règlement sur le traitement des plaintes et le règlement des différends dans le secteur financier est entré en vigueur le 1er juillet dernier. Il avait été l’objet d’une consultation menée en 2023 par l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Le nouveau règlement « vient établir des règles, obligations et pratiques communes au secteur financier notamment quant au délai à respecter pour traiter les plaintes formulées par les consommateurs », indique l’Autorité. Cette nouvelle disposition s’inscrit dans son Plan stratégique 2025-2029, rendu public en juin dernier, lequel vise entre autres « à renforcer l’expérience des consommateurs ».
Dans son rapport annuel 2023-2024, où l’on mentionnait la publication de la version finale du règlement, l’Autorité indiquait : « Ce règlement élève la barre en matière d’encadrement du traitement des plaintes. Il se distingue du cadre réglementaire établi par d’autres régulateurs provinciaux et organismes d’autoréglementation, notamment par la portée de la définition de “plainte” et le délai à l’intérieur duquel les entreprises doivent en assurer le traitement. »
Le nouveau règlement introduit un processus de traitement simplifié des plaintes. En effet, les renseignements requis peuvent être communiqués dans les 20 jours suivant la réception d’une plainte. Celle-ci peut alors être traitée par d’autres membres du personnel.
Si le client n’est pas satisfait des réponses obtenues ou de l’offre faite pour régler le différend, il a le droit de porter une plainte formelle auprès de l’Autorité. Des sanctions administratives peuvent être imposées à l’entreprise qui n’a pas respecté le cadre réglementaire établi.
La consultation
Lors de la consultation menée en 2023, la grande majorité des interventions provenaient de l’industrie financière, de la gestion de patrimoine et des valeurs mobilières. Les deux principales associations nationales réunissant des assureurs avaient aussi soumis un mémoire. La durée du traitement des plaintes et la définition de ce que représente une plainte étaient au cœur de leurs préoccupations.
Dans son mémoire, l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) disait craindre « les conséquences d’adopter au Québec une définition de plainte qui s’éloigne de celle actuellement utilisée aux fins de consignation et de déclaration des plaintes à l’Autorité et au CCRRA [Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance] à l’échelle nationale ».
Le Portail de l’assurance a sollicité les commentaires de l’ACCAP sur l’entrée en vigueur du nouveau règlement. Sa porte-parole nous a transmis ce qui suit :
« De manière générale, nos membres ont salué les efforts de l’Autorité à trouver un équilibre entre la charge administrative imposée aux assureurs et le traitement équitable des plaintes formulées par les consommateurs. Le traitement équitable du consommateur étant un sujet d’importance pour les assureurs, nous avons souligné la volonté de l’Autorité de mettre en place une réglementation qui vise à offrir aux consommateurs des mécanismes de traitement des plaintes simples, accessibles et équitables pour l’ensemble du secteur financier. »
« Nous soulignons par ailleurs la collaboration et l’écoute dont a fait preuve l’Autorité dans le processus de consultation, ce qui a permis de répondre à certaines interrogations et apporter des précisions qui ne peuvent être que bénéfiques pour l’expérience client », ajoute l’ACCAP.
En assurance de dommages
Dans son mémoire de 2023, le Bureau d’assurance du Canada (BAC) estimait que « la situation actuelle ne nécessitait pas une refonte complète, mais une bonification des principes existants et quelques clarifications quant aux plaintes devant être consignées et rapportées à l’Autorité ».
L’organisme ajoutait : « La nouvelle version du règlement qui est proposée ne favorise malheureusement pas le traitement équitable du consommateur. » Le BAC recommandait à l’Autorité de réviser de nouveau la définition de plainte à la lumière de l’ensemble des commentaires reçus. Consulté par le Portail de l’assurance, l’organisme n’a pas été en mesure de préciser si la version finale publiée en février 2024 correspondait à ce vœu.
De son côté, la Corporation des assureurs directs de dommages réclamait que si le projet de règlement était maintenu tel quel, le délai pour son implantation devait être d’au moins deux ans « afin de donner le temps aux assureurs et aux cabinets de développer et mettre en place les processus d’affaires requis et de former leur personnel ». Le délai finalement accordé avant l’entrée en vigueur aura été de 16 mois et demi.
À la Chambre
Le 8 juillet dernier, la Chambre de l’assurance de dommages a publié un résumé des objectifs des changements apportés au règlement et leur impact sur la pratique des représentants certifiés.
Elle rappelle notamment qu’une « plainte est une insatisfaction ou un reproche acheminé par un consommateur à une entreprise en lien avec un service ou un produit reçu ». Une plainte « inclut une attente explicite ou non que l’entreprise remédie à la situation », ajoute la Chambre.
« Mieux vous comprenez ce en quoi consiste une plainte, plus vous êtes en mesure de diriger le client vers la bonne ressource de l’entreprise selon sa demande. »
Ces nouvelles notions d’aide au consommateur, poursuit-elle, « sont alignées sur les obligations des agents, des courtiers et des experts en sinistre, dont :
- ne pas induire le client en erreur;
- placer les intérêts avant les siens;
- appuyer toute mesure visant la protection du public. »
La Chambre indique aussi que la tenue adéquate des notes au dossier par les professionnels certifiés permet à la personne responsable « d’avoir toutes les informations nécessaires pour analyser la plainte et y répondre ». En effet. « sans note au dossier, il est difficile de comprendre les différentes interventions effectuées et vérifier si le client a été traité équitablement », conclut-elle.
Chez les courtiers
La présidente du Regroupement des cabinets de courtage du Québec (RCCAQ), Lucie Fréchette, indique avoir consulté le règlement publié en février 2024. « Ma première réaction a été de dire : il me semble qu’on fait déjà pas mal tout ça. Le règlement vient encadrer ce qui était déjà demandé aux cabinets », dit-elle en entrevue avec le Portail de l’assurance.
« L’adoption d’un processus simplifié, pour les plaintes qui sont moins formelles, c’est une chose que nous avions demandée », ajoute Mme Fréchette. Elle confirme que l’organisme n’avait pas produit de mémoire lors de la consultation menée par l’Autorité en 2023, mais le RCCAQ a pu exprimer son point de vue auprès du régulateur.
Comme courtier, notre client, ce n’est pas l’assureur, c’est le consommateur. C’est dans notre intérêt de bien le servir .
– Lucie Fréchette
Selon elle, les intermédiaires en assurance de dommages se sentent moins concernés par les changements apportés en matière de traitement des plaintes. « Comme courtier, notre client, ce n’est pas l’assureur, c’est le consommateur. C’est dans notre intérêt de bien le servir », dit-elle.
La croissance du volume de primes d’un cabinet passe par un taux de rétention élevé au renouvellement, reconnaît Mme Fréchette. « S’il y a un vrai différend avec le consommateur, il faut voir cela comme une opportunité d’améliorer nos processus d’exploitation », dit-elle.
« C’est sûr que pour les plus petites équipes, les exigences imposées représentent une charge supplémentaire », note Mme Fréchette. La nécessité de tenir un registre des plaintes était déjà une exigence imposée au cabinet, rappelle-t-elle.
Le règlement indique aussi les compétences requises par la personne responsable du traitement des plaintes, et ces précisions sont bienvenues, selon la présidente du RCCAQ.
Boîte à outils
Le RCCAQ a confié à un cabinet de consultants le soin de préparer une formation pour les personnes désignées comme étant responsables du traitement des plaintes dans leur entreprise. Il estime important de se conformer aux dispositions du nouveau règlement, notamment les suivantes :
- la mise à niveau de la politique au site Internet (version complète ainsi que le résumé);
- la procédure pour la gestion des plaintes;
- le registre pour répertorier les plaintes;
- les modèles de lettre.
La boîte à outils offerte aux membres sert à faire des rappels, indique la présidente du RCCAQ. Mais elle répète que ces procédures sont déjà implantées dans les cabinets. « Les procédures doivent être révisées et c’est une bonne chose de valider les façons de faire », poursuit Mme Fréchette.
Les représentants en assurance de dommages font de grands efforts pour documenter le dossier du client. « Ce n’est pas toujours la même personne qui répond à l’appel du client, alors il faut avoir un dossier bien documenté », dit-elle. En assurance des biens des particuliers, les occasions de parler au consommateur sont nombreuses : déménagement, achat d’un nouveau véhicule ou ajout d’un conducteur, etc.
L’Autorité affirme que le cadre proposé vient s’harmoniser avec ce qui se fait ailleurs au pays. Comme gestionnaire du cabinet Orbite Assurance dans le Centre-du-Québec, Lucie Fréchette fait partie d’une entreprise qui exploite d’autres cabinets ailleurs au Canada. « Le concept du traitement équitable des consommateurs, à ce que je sache, ça n’était pas si différent d’une province à l’autre », dit-elle.