Les dégâts d’eau ne sont pas tous causés par les précipitations abondantes, les égouts qui débordent et les ondes de tempête. Une bonne partie des réclamations faites aux assureurs concernent des fuites des appareils reliés à la tuyauterie des édifices. Dans les immeubles en copropriété, les assureurs incitent les syndicats de copropriétaires à installer des systèmes de détection des dégâts d’eau.
L’Association de prévention des dégâts d’eau du Canada (Prevcan) compte désormais sept compagnies d’assurance parmi ses membres. Après Aviva, Desjardins, Intact, Northbridge et Promutuel, Wawanesa a rallié les rangs de l’organisme à la fin de 2024, suivie par TD Assurance plus récemment.
« La participation de ces assureurs représente l’un des avantages les plus importants pour les membres installateurs et membres manufacturiers de la PREVCAN, puisqu’ils font la promotion de nos services auprès de leur clientèle et de leurs courtiers en favorisant les fournisseurs accrédités PREVCAN », indiquait Gilles Fréchette, président sortant du conseil d’administration, dans son message aux membres en vue de l’assemblée générale tenue en février 2025.

Jean-Hugues LaBrèque a pris la relève de M. Fréchette comme président du conseil d’administration. Président-directeur général de Nowa, un fabricant de systèmes de détection, M. LaBrèque était le trésorier de l’organisme. Il est l’un des fondateurs de l’Association de prévention des dégâts d’eau du Québec (Prevdeq), qui a été créée en novembre 2017.
M. LaBrèque a récemment accordé une entrevue au Portail de l’assurance, accompagné par Patrick Mailloux, administrateur de l’organisme et vice-président de la firme Akisens, autre société qui conçoit et installe des systèmes de détection d’eau. M. Mailloux est le secrétaire et le trésorier de Prevcan.

Outre les assureurs, l’Association compte parmi ses membres cinq entreprises manufacturières accréditées, de même que près d’une cinquantaine de firmes spécialisées dans l’installation. Différents partenaires sont aussi membres, notamment des cabinets de courtage. Le courtier Vincent Gaudreau, président de Fort Assurances et Services financiers, est administrateur de Prevcan.
Au fil des ans, les assureurs ont insisté pour que le processus d’accréditation mis en place par la Prevdeq soit étendu à l’ensemble de l’industrie au Canada, ce qui a mené à la création de Prevcan. D’autres associations provinciales ont été créées, d’abord en Ontario, puis en Alberta et en Colombie-Britannique.
M. LaBrèque mentionne que quatre fabricants canadiens ont déposé leur dossier pour obtenir l’accréditation de la Prevcan. La certification des systèmes est faite par le Centre d’innovation en microélectronique du Québec (CIMEQ), qui vérifie la conformité du cahier de charges aux exigences techniques. On veut notamment confirmer que la communication fonctionne de manière efficace entre les détecteurs, les panneaux de contrôle et la centrale de surveillance.
Des chiffres à mettre à jour
Dans le cadre de la Journée de l’assurance de dommages en 2023, le vice-président de l’Association, Robert Demers, de la société Akisens, avait présenté le tableau « Profil de l’expérience réelle pour les bâtiments en hauteur ».
On y comparait divers types d’immeubles : résidence pour personnes âgées d’un à cinq étages, des tours à condominiums de différentes tailles et des immeubles voués à la location, où des systèmes de détection avaient été installés depuis au moins trois ans. Au total, l’échantillon totalisait 5 000 unités résidentielles.
L’historique de réclamations précédant d’au moins trois ans l’installation des systèmes apparaissait au tableau. La valeur des réclamations totalisait 31,8 millions de dollars (M$). Trois ans après l’installation, aucune réclamation ne s’était ajoutée, même si 7 740 fuites avaient été détectées grâce aux quelque 28 137 détecteurs installés dans les unités de ces immeubles.
Pour atteindre un tel résultat, les détecteurs doivent être connectés à un système qui permet d’interrompre l’alimentation en eau dès qu’une fuite a été détectée. « Si tu veux acheter un produit de la marque X qui coûte 20 dollars dans une quincaillerie, et que cela fait juste émettre une alarme quand il y a de l’eau, tu peux le faire. Mais ce n’est pas un produit complet », indique M. LaBrèque.
D’ici juin 2026, Prevcan promet de mettre à jour les données sur les réclamations à partir d’un échantillon de 50 000 unités. « Il a fallu trouver une manière d’anonymiser les données, parce que nos membres manufacturiers sont aussi des concurrents », souligne le président de l’organisme. La même préoccupation pour la protection des renseignements personnels se pose pour les données transmises par les assureurs.
L’organisme espère ainsi être en mesure de produire un rapport qui aidera à déterminer, en fonction du nombre d’unités, de la hauteur de l’édifice et de l’âge du bâtiment, le nombre d’alertes et la source à l’origine de la fuite.
Ultimement, Prevcan espère établir des liens entre la réduction du nombre de réclamations chez les assureurs et la présence des systèmes de détection. « Ce n’est pas simple à faire, car les assureurs doivent nous fournir l’historique de réclamations de l’immeuble », note Patrick Mailloux.
« C’est notre défi de relier les données entre elles. On veut prouver la performance de nos systèmes. L’assureur peut alors faire confiance aux équipements installés et tarifer le risque en conséquence », ajoute M. LaBrèque. La très large majorité des systèmes présents dans les immeubles en copropriété ont été installés après plusieurs réclamations coûteuses.
Le neuf et le vieux
Si l’assureur présent à l’origine n’a pas encore exigé l’installation d’un système de détection, il est fort possible que celui qui prendra la relève en fasse une exigence.
Cependant, les assureurs sont en concurrence entre eux. « Celui qui va rendre obligatoire ce système-là à l’étape de la souscription peut perdre le mandat pour un autre assureur », note M. LaBrèque.
La Prevcan allègue que l’installation de ces systèmes permet d’éliminer pratiquement toutes les réclamations reliées à la plomberie de l’immeuble et aux appareils qui y sont connectés.
Dans les immeubles neufs ou en construction, l’intérêt des promoteurs immobiliers demeure mitigé, reconnaît Jean-Hugues LaBrèque. « Le taux de pénétration demeure anémique », dit-il.
« Les promoteurs immobiliers ont de la misère à respecter les budgets de construction. Quand ils doivent réduire les dépenses, c’est la prévention qui prend le bord », poursuit M. LaBrèque. Dans certains cas, l’assureur du promoteur exige l’installation des équipements requis au fur et à mesure que les étages s’ajoutent dans l’édifice.
Installer les valves de coupure d’eau au préalable permet de réduire les frais d’installation des systèmes de détection qui seront ensuite sous la responsabilité du syndicat des copropriétaires, une fois qu’il aura été formé, selon M. LaBrèque. Patrick Mailloux confirme que l’installation au préalable des valves est de plus en plus courante dans les nouveaux immeubles.
Avec la collaboration de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ), la Prevcan fait des pressions pour que le Code du bâtiment soit amendé afin d’y inclure l’installation des valves dès la construction d’un immeuble en copropriété. « On pousse là-dessus, mais c’est un travail de longue haleine », précise Jean-Hugues LaBrèque.
L’installation des systèmes dans des bâtiments déjà habités n’est pas si complexe. Le président de la Prevcan estime qu’il faut environ une heure de travail pour installer la valve sur l’entrée d’eau de l’unité.
L’intérêt des syndicats de copropriété à installer des systèmes de détection de fuite est accentué quand l’immeuble a connu plusieurs sinistres, souligne M. Mailloux. En pareil cas, les assureurs peuvent contribuer à faire pression sur les copropriétaires en exigeant l’installation des systèmes pour maintenir la couverture. L’augmentation de la franchise est un autre moyen incitatif, ajoute M. LaBrèque.
La Prevcan offre depuis quelque temps une formation conçue pour les courtiers en assurance de dommages. Elle peut être suivie en ligne et dure trois heures. Le cours permet à l’Association de générer des revenus, car ses moyens demeurent limités, avec une seule personne à la permanence qui ne travaille pas à plein temps.
La surveillance
Pour être reconnu par l’assureur dans l’établissement de la prime ou de la franchise au contrat d’assurance de l’immeuble en copropriété, le système installé doit inclure un panneau de contrôle, un système de surveillance et une valve de fermeture.
« Si on installe des systèmes et qu’il n’y a aucune surveillance ou de supervision des fuites qui sont détectées, quand on mène des inspections deux ans plus tard, on s’aperçoit que 50 % des unités sont débranchées », explique Jean-Hugues LaBrèque. Les propriétaires de condos se plaignent du trop grand nombre d’alertes.
« On a des modules de supervision qui gèrent les systèmes installés, qui sont toujours actifs, et qui compilent tous les incidents », indique M. LaBrèque. Le syndicat de copropriété se voit accorder l’accès à un portail web qui lui permet de gérer les problèmes de fuite en temps réel.
Cet aspect est particulièrement utile pour la surveillance d’une unité vouée à la location à court terme ou qui peut être inoccupée pour des périodes plus ou moins prolongées. Une fuite d’eau dans une unité sans surveillance peut causer des dommages considérables.
Les systèmes offerts par les manufacturiers et installateurs visent le marché des immeubles en hauteur de plus de 16 unités, et non pas la résidence unifamiliale, insiste M. LaBrèque.
Ailleurs au pays
Dans les autres régions du pays, les représentants de la Prevcan constatent un intérêt grandissant de la part des syndicats de copropriété pour l’installation des systèmes de détection, surtout à Vancouver et à Toronto. « Mais il y a encore très peu de demandes », dit M. LaBrèque. Selon lui, le marché de la construction neuve en condominiums tourne sérieusement au ralenti dans la capitale de l’Ontario.
Le travail de sensibilisation à la prévention des dégâts d’eau a été entrepris il y a plusieurs années au Québec, mais il y a encore du travail à faire ailleurs au Canada, ajoute Patrick Mailloux.
En intégrant de nouveaux membres, notamment des assureurs, l’Association aura plus de moyens et de partenaires pour mener ce travail d’éducation à la prévention des sinistres, conclut M. LaBrèque.