La prévention sera au cœur du programme particulier qui pourrait être offert aux producteurs agricoles, peu importe la forme qu’il prendra, reconnait-on à l’Union des producteurs agricoles (UPA).

« Ça sera une sorte de pierre angulaire, la prévention, ça sera très important. Ça n’est pas sorcier : si on en fait, il y a moins de sinistres », souligne Me Marie-Andrée Hotte, directrice des affaires juridiques.

Pour obtenir le renouvèlement avec leur assureur actuel, les producteurs doivent réaliser les travaux recommandés. Les assureurs sont moins patients lorsque le client demande plus de temps pour faire les changements requis. « Les producteurs ne sont pas des banquiers. Ils demandent de prolonger le délai, mais on le leur refuse. Et ils reçoivent une lettre disant que si les travaux ne sont pas faits, la police ne sera pas renouvelée. J’en ai eu plusieurs », précise-t-elle.

Délais serrés

Au cabinet Gosselin Assurances établi à Huntingdon, Serge Gosselin s’occupe lui-même des producteurs agricoles. Il reconnait que les agriculteurs sont parfois un peu coincés par les délais imposés dans les recommandations des assureurs. Les entrepreneurs sous-traitants sont débordés, et la pandémie empire le problème.

Un de ses clients a demandé des soumissions à cinq électriciens, et un seul pouvait faire les travaux dans les 60 jours, cite-t-il en exemple. « Dans mon secteur, toutes les fermes laitières ont été inspectées. Si j’en ai 10 en même temps qui ont des travaux à faire, et sept d’entre elles font affaire avec le même électricien, il ne peut évidemment faire les travaux partout dans le délai requis », dit-il.

Le courtier arrive à obtenir un délai additionnel pour la réalisation des recommandations un peu moins importantes. « On dit à l’assuré qu’il aura toute la collaboration de l’assureur tant que les recommandations sont en cours de réalisation », note M. Gosselin.

Des assureurs ont reconnu un nouveau système de détection des problèmes électriques et ils offrent un rabais de prime ou paient pour le faire installer. Cela renforce le message de prévention, selon Serge Gosselin. Par ailleurs, il encourage les producteurs à faire inspecter leurs installations. Le rapport de l’électricien peut couter de 300 $ à 500 $, mais la réduction de la prime obtenue après cinq ans vaut la dépense.

Finie la tolérance

Chez Hénault Assurance, Benoit Hénault souligne que les assureurs ont déjà été plus patients envers leurs clients de longue date. En matière de respect des normes de construction, « on tolérait plus avant, c’est moins le cas maintenant », dit-il. Le courtier ne déplore aucun cas où l’assureur a cessé de couvrir un client qui ne suivait pas ses recommandations.

Il y a déjà eu plus de disparité d’un assureur à l’autre à l’égard des inspections, de la prévention et des recommandations, mais ça n’est plus le cas, selon M. Hénault. « Les assureurs ont tous du personnel compétent et ils appliquent les mêmes règles pour la construction et l’électricité. »

Pour les nouvelles affaires, si le client a déjà fait deux réclamations en cinq ans, certains assureurs ne prendront pas la peine de faire une soumission. « On conseille alors au client de rester avec son assureur actuel et d’attendre que son dossier soit meilleur. On essaiera plus tard de lui trouver un assureur, parmi ceux avec lesquels on fait affaire », indique Benoit Hénault.

Factures à payer

Selon Maxime Poulin, du cabinet Ostiguy Gendron, « il est normal que les assureurs imposent des conditions plus strictes, parce que les outils technologiques existent ». Il estime que l’UPA peut contribuer à améliorer la prévention, notamment en aidant les producteurs à adopter ces nouvelles technologies de détection.

Le nouveau programme projeté par l’UPA sera confronté aux mêmes problèmes de rentabilité. « À un moment donné, il faut que tu passes la perte dans tes livres. Dans les membres de ton groupe, il y en a combien dont les installations électriques sont problématiques, combien d’entre eux ont fait des réclamations, etc. ? », ajoute-t-il.

Plus le client accepte de prendre une plus grande part du risque à sa charge, plus il investit en prévention. « Ce n’est plus l’assureur qui paie tout, le client aussi, alors il a intérêt à s’assurer que tout est conforme aux normes et bien entretenu, parce qu’une perte importante lui fera mal », souligne Maxime Poulin.

Chez les assureurs

Chez Estrie-Richelieu, sur les 55 employés de la mutuelle spécialisée en assurance des risques agricoles, 10 sont des conseillers en prévention qui visitent les fermes. « Je ne peux m’imaginer qu’un autre assureur veuille se lancer dans ce marché sans faire autant de prévention », lance Stéphane Bibeau.

La pandémie n’a pas eu d’impact sur la sinistralité, mais la situation pourrait changer. Dans le cas des cabanes à sucre commerciales qui ne peuvent accueillir de clients depuis mars 2020, le risque moral augmente avec la dégradation de la situation financière des exploitants, selon M. Bibeau. « Ils peuvent couper sur l’entretien, ce qui augmente le risque de sinistre », dit-il.

Chez Promutuel, Guy Lecours indique que les relations sont très bonnes entre les préventionnistes de l’assureur et les entrepreneurs agricoles.

« Ce sont des gens qui ont beaucoup de compétence et d’expérience, ils sont proches du milieu agricole, ils le connaissent. Je pense que la négociation se passe bien, les gens savent de quoi ils parlent. L’idée est de faire en sorte que le risque est adéquat, on ne tombe pas non plus dans les exigences de la perfection en demandant des choses farfelues ou impossibles à réaliser », dit-il.

Chez Intact Assurance, on compte sur une équipe d’experts en prévention incluant des spécialistes du secteur agricole, indique Nadine Hudon-Paquette. « Nous soutenons nos assurés dans la mise en place d’actions concrètes visant à gérer les risques de façon proactive pour ainsi diminuer le nombre de sinistres », dit-elle.

Mme Hudon Paquette ajoute que les préventionnistes du secteur agricole travaillent présentement à installer des appareils de détection des anomalies électriques, afin de diminuer significativement la fréquence des sinistres.