En matière de vol automobile, les assureurs accusent un manque de concertation élevé, une situation qui est tout le contraire de ce qui est observé chez les voleurs qui, eux, sont bien organisés. L’observation s’étend aussi à l’évaluation des systèmes antivol. Ces constatations sont tirées d’une enquête menée par le Journal de l’assurance pour connaitre les pratiques des assureurs en matière de prévention du vol automobile.

À la Journée de l’assurance de dommages 2013, des experts en matière de prévention en vol automobile ont rappelé que les voleurs sont désormais associés à des réseaux criminels très bien organisés. Même si le nombre de véhicules volés est en baisse marquée, ces dernières années, la valeur des vols est en hausse constante, car les réseaux criminels s’attaquent aux véhicules plus luxueux.

Pour mener son enquête sur les méthodes de prévention du vol de véhicules, le Journal de l’assurance a expédié un questionnaire sur ce thème à une vingtaine d’assureurs. Neuf d’entre eux ont accepté d’y répondre.

Première question soulevée lors de l’enquête : à qui la responsabilité de créer et gérer le programme des systèmes d’antivol incombe-t-elle? La réponse varie d’un assureur à l’autre. Dans quatre cas, c’est l’actuariat qui en est responsable. Pour deux autres, la prévention est sous la responsabilité de la division de l’assurance des particuliers, tandis que pour deux autres, ce sont les divisions des produits et de la tarification qui s’en occupent. Dans un seul cas, la prévention de ce type de criminalité relève du département de la gestion des risques.

De la même manière, l’efficacité des programmes de prévention est révisée de façon assez inégale. Dans six cas sur neuf, la révision est réalisée, au mieux, sur une base annuelle, ce qui est la fréquence minimale si l’on considère que les fabricants révisent annuellement les marques et les pièces utilisées dans leurs produits. Chez deux assureurs sur neuf, on révise le programme « au besoin », sans préciser la fréquence.

Peu de révisions

Pour un seul cas, plusieurs réunions annuelles sont tenues avec les responsables de la prévention du vol. « Nous rencontrons nos fournisseurs de systèmes antivols plusieurs fois par année pour nous assurer que le système en place continue à répondre à nos besoins et aux besoins de notre clientèle. De plus, nous nous assurons que notre département des réclamations nous conseille sur les nouvelles tendances dans les vols d’automobiles, et nous mettons à jour nos normes selon leurs expériences », indique cet assureur.

Une grande variété de systèmes antivols est offerte aux fabricants ou directement aux consommateurs. Aucun assureur ayant participé à notre enquête n’a dit mesurer ses pertes pour déterminer l’efficacité du système recommandé aux assurés. Dans seulement deux cas sur neuf, des discussions sont menées avec les fournisseurs pour déterminer la validité des caractéristiques de leurs produits. Un seul assureur semble avoir établi un processus assez rigoureux d’accréditation des systèmes.

Un assureur a par ailleurs indiqué qu’aucun des systèmes ne reçoit de certification. « On se limite à les reconnaitre. Nous maintenons notre vigie en permanence pour l’évaluation des systèmes, avec les collaborations des fournisseurs, les commentaires des utilisateurs et la performance du produit dans le marché », explique cet assureur.

Malgré l’absence de certification, les assureurs s’empressent d’offrir des rabais de primes aux assurés qui installent ces systèmes antivols sur leur véhicule. Dans tous les cas, ils comparent leur réduction tarifaire à celle offerte par les assureurs concurrents. Le tiers des répondants associe l’analyse de l’expérience des sinistres à l’efficacité des systèmes.

Les rabais de primes pour l’installation d’un système antivol sont accordés par le même service que celui qui gère la prévention, en l’occurrence, les responsables de l’actuariat ou de la tarification. Pour un seul cas, le service de la gestion des risques est associé à la détermination de cette réduction de tarifs. Un seul assureur ayant collaboré à notre enquête impose l’installation du système qu’il préconise, afin d’accorder une réduction de la prime. Chez deux autres assureurs, aucun rabais n’est accordé et aucun système antivol n’est imposé aux clients. Chez les six autres, on encourage les assurés à installer un système plutôt qu’un autre, mais on tolère les produits concurrents et les rabais de primes sont tout de même consentis.

Certains systèmes plus couteux peuvent être payés par versements mensuels égaux. Nous avons alors demandé aux assureurs s’ils vérifiaient que l’assuré payait les sommes dues au fournisseur. Ce n’est pas le cas pour aucun d’entre eux, et le rabais peut donc être consenti, même si l’assuré ne paie pas le système installé sur son véhicule.

Le Journal de l’assurance a aussi demandé aux assureurs s’ils échangeaient avec les concurrents pour déterminer les types de véhicules les plus fréquemment volés ou l’efficacité des systèmes antivols existants. Dans deux cas sur neuf, l’échange d’information existe. Pour les sept autres, non.

Le Journal a poussé le questionnement plus loin, pour savoir pourquoi il y avait des différences entre leurs critères et ceux de leurs concurrents. Là encore, les réponses divergent.

Un premier assureur a identifié comme critères l’expérience de sinistre, la location des risques, sa stratégie d’affaires et son type de clientèle. Un autre a plutôt affirmé qu’une étude interne de l’efficacité des produits est réalisée, ainsi qu’une analyse interne sur les véhicules les plus ciblés pour le vol. Un troisième assureur a quant à lui affirmé que puisque « la plupart des systèmes peuvent être contournés facilement, nous avons déterminé que les systèmes antivols avec une équipe de repérage ont de meilleurs résultats ».

Pour un autre assureur, l’accès à l’information joue un rôle, puisque chaque assureur n’a pas accès aux mêmes données, en même temps. « Il arrive qu’un système antivol soit plus efficace dans une région que dans une autre, parfois pour des questions d’ordre technologique. Cet élément devient important pour un assureur dont la clientèle n’est pas répartie uniformément dans toute la province. De plus, en comparant avec d’autres systèmes similaires, nous tenons compte de notre propre expérience avec ces systèmes. Finalement, il peut toujours se glisser un certain élément de subjectivité influencé par l’expérience, la prudence et le jugement des personnes qui analysent la situation », dit cet assureur.

Un autre assureur croit au contraire que « les assureurs utilisent sensiblement les mêmes critères. Toutefois, chacun doit tenir compte de sa propre sinistralité, ainsi que de sa stratégie corporative, pour établir ses critères. »

Pour un sixième assureur, c’est son expérience de sinistres et sa base de données qui sont les critères d’analyse. Pour un autre, l’expérience de perte dans certains territoires et pour certaines marques peut entrainer des différences. Dans un autre cas, le système de prévention est une combinaison de son historique de réclamations et des statistiques générales de l’industrie. Cet assureur précise toutefois garder cette information pour lui. Le neuvième assureur ayant participé à l’enquête du Journal de l’assurance n’a pas répondu à cette question.

Comment mène-t-on les enquêtes sur les sinistres de vols complets? Dans deux cas sur trois, les enquêtes réalisées à la suite d’un vol complet sont menées au téléphone. Trois répondants ont confirmé l’existence d’une équipe d’enquêteurs vouée à ce type de criminalité. Des indicateurs de fraudes sont utilisés dans certains cas, mais pour les vols qui relèvent des réseaux organisés, aucun assureur ne dit avoir instauré de mécanisme formel de prévention. Un autre assureur dit vérifier avec la police pour voir si des suspects ont été arrêtés.