La transparence : c’est l’enjeu que des courtiers veulent mettre de l’avant pour contrer des dispositions du projet de loi 150.

Un comité de travail a ainsi vu le jour. Pour le moment, il est composé des cabinets Ostiguy Gendron, Geska Assurance, EGR et Mp2B. Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec Jean-Philippe Martineau, qui a œuvré à mettre sur pied ce groupe de travail, qui ne s’est pas donné de nom pour le moment. M. Martineau dit aussi s’attendre à recevoir l’appui d’autres courtiers au cours des prochaines heures.

Son but : que le courtage parle d’une voix uniforme face aux dispositions du projet de loi 150. Et le temps presse. Le bruit court que le projet de loi pourrait être adopté le 8 ou le 9 décembre s’il n’y a pas d’opposition à son égard à l’Assemblée nationale. C’est avec cet échéancier que travaille M. Martineau et son groupe.

Pour M. Martineau, l’élément déclencheur de former un groupe de travail a été la publication par le Journal de l’assurance des propos de Gérald Charest, président de Geska Assurances, face au projet de loi 150. Ajouté à cela tous les débats qu’il y a eu dans le courtage depuis le début 2017, les deux hommes ont discuté de la chose et ont décidé d’aller de l’avant, a relaté M. Martineau.

Pour Intact ou contre Intact

« Nous avons eu un débat dogmatique et polarisant sur les droits de propriété dans le courtage et les conflits d’intérêts qu’ils peuvent amener. Il s’agissait de savoir si l’on croyait dans un modèle ou pas. L’Alliance pour un courtage plus fort est ensuite arrivée et elle a été taguée comme porte-parole d’Intact Assurance. Le débat a alors tourné à savoir si les cabinets étaient pour Intact ou contre Intact. On ne peut continuer ainsi. Il y a des éléments dans le projet de loi 150 qui désavantage le réseau de courtage. Personne ne peut le nier », dit M. Martineau.

Il prend pour exemple la demande du gouvernement de présenter quatre soumissions. « C’est inapplicable. Le gouvernement ne tient pas compte de la réalité du réseau, que ce soit pour les petits ou grands cabinets. Dans certains cas, c’est impossible d’en offrir quatre, même 2 dans certains cas. Il y a un consensus autour de cela. Ça enlève beaucoup d’agilité au courtage. Ce sont des restrictions qui affectent nos opérations, peu importe le modèle d’affaires, du courtier », dit le président du cabinet Ostiguy Gendron.

M. Martineau a présenté son projet à l’assemblée générale du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) ce matin. Il a eu l’aval de l’assemblée pour tenter de présenter des arguments fédérateurs et rassembleurs pour le réseau de courtage, mais aussi outiller les cabinets qui se sentent démunis face aux représentations à faire. Le groupe de travail vise à présenter d’ici vendredi un document que tous les courtiers pourront utiliser et ainsi parler d’une voie uniforme.

Mettre de l’avant la transparence

Pour le groupe de travail, le problème actuel du courtage ne touche pas le nombre de soumissions qui sont présentées au client. Là où le bât blesse, c’est quant à sa notion de transparence.

« Le client ne demande jamais combien de soumissions nous avons pour lui. Il veut être certain que nous travaillons pour lui. Dans notre pratique au quotidien, il se peut qu’il y ait un problème au niveau de la transparence. Il faut être plus transparent », dit M. Martineau.

Un courtier a un avantage concurrentiel qu’un assureur direct n’a pas, rappelle M. Martineau. Il offre des options, dit-il.

« Le courtier a bâti une expérience qu’il met au profit du client. Le législateur n’a rien à faire dans la façon dont nous menons nos opérations. Ce n’est pas lui de décider comment et quand justifier notre avantage concurrentiel. C’est un équilibre que le gestionnaire doit avoir entre son efficacité et sa rentabilité. »

L’obligation de divulgation devrait aussi être imposée aux assureurs directs, croit le groupe de travail. « Un assureur direct a-t-il tous les produits pour couvrir les besoins d’un commerce ? Pas encore. Il devrait être obligé de le divulguer. On ne veut pas embarquer dans une logique de cas particuliers, comme en aviation par exemple. C’est une réalité de terrain ! La transparence est le baume à tout cela. C’est ce qu’on veut mettre de l’avant. »

« Loi inefficace, partiale et injuste »

M. Martineau ajoute que si la loi est inefficace d’emblée de jeu, elle ne peut devenir une loi. Elle peut devenir un règlement ou être intégrée à un code de déontologie, mais sans plus, souligne-t-il.

« On ne peut dire à quoi ressemblera l’assurance dans cinq ans. Il y aura combien d’assureurs sur le marché ? Verra-t-on des courtiers traiter avec des assureurs directs ? Le projet de loi est inapplicable aujourd’hui et le sera encore plus demain. Il défavorise un segment de l’industrie. Une loi doit encadrer des lignes directrices et émettre des balises. Mais quand elle s’ingère dans les opérations, elle devient une loi partiale et injuste. »

M. Martineau ajoute que les courtiers auront de la difficulté à demeurer compétitifs si le projet de loi 150 passe dans sa forme actuelle. « Des cabinets commencent déjà à se questionner sur leur rentabilité, leur avenir et leur succession. Ils vont donc vendre. Ça impactera nos économies régionales. J’ai parlé à beaucoup de cabinets qui envisagent de se transformer en agences. Mais ils ne le veulent pas. Ils se disent : aussi bien vendre ! Ça fera descendre les prix des cabinets. Ça pourrait avoir des répercussions à très long terme. »