Développement immobilier mal planifié, restrictions budgétaires dans les services de lutte contre les incendies par l’administration municipale, gestion suspecte des réservoirs d’eau, lacunes dans l’entretien du réseau de distribution d’électricité : ce sont quelques-unes des raisons pouvant être à l’origine des feux qui ravagent la Californie en ce moment, d'après diverses sources consultées par le Portail de l'assurance

Selon Climate Central, peu importe la cause, il importe de rappeler que les changements climatiques contribuent à empirer la fréquence et la sévérité des événements météorologiques extrêmes et les dommages qu’ils provoquent.

Climate Central est un organisme sans but lucratif qui fournit des outils aux journalistes pour mieux traiter des enjeux environnementaux. Lors d’un webinaire tenu le 14 janvier auquel le Portail de l’assurance a participé, Kaitlyn Trudeau, chercheure principale de l’organisme, a parlé de l’impact du « coup de lapin climatique » (climate whiplash) que représentent des extrêmes météorologiques qui se succèdent. Ceux-ci ont fini par créer les conditions qui ont permis aux incendies de se propager. 

Après plusieurs années de sécheresse depuis le début du millénaire, les hivers 2023 et 2024 ont été particulièrement humides dans le sud de la Californie, ce qui a permis à la végétation arbustive de pousser en abondance. Mme Trudeau rappelle un épisode de rivière atmosphérique particulièrement intense survenu durant l’hiver 2024.

Cependant, on a enregistré à peine 25 mm de pluie dans la région depuis mai 2024. Ces conditions de sécheresse et plusieurs canicules, qui sont aussi des extrêmes météorologiques, ont transformé le feuillage des arbres et les arbustes en combustible. Une fois allumés, les feux se sont propagés rapidement en raison des vents saisonniers plus forts que d’ordinaire. Ces vents ont empêché l’utilisation des aéronefs chargés de l’extinction du feu durant les premières heures du sinistre, le 7 janvier. 

Les vents 

La saison des feux, qui est récurrente en Californie, dure deux mois de plus que durant les années 1970, souligne Mme Trudeau. L’impact des changements climatiques sur la pression barométrique, qui elle-même alimente les courants atmosphériques et les vents, est un phénomène mal compris et peu étudié, ajoute-t-elle.

En conséquence, on ne sait pas encore si le climat a contribué à la violence des vents chauds de Santa Ana en provenance du nord du Mexique. Ces vents sont courants en hiver en raison de la morphologie de la région, où les crêtes montagneuses sont nombreuses tant du sud vers le nord que de l’est vers l’ouest. Mais les vents de 80 à 90 milles à l’heure (129 à 145 km/h) enregistrés en 2025 dépassent nettement les valeurs saisonnières, indiquent les experts présents lors du webinaire.

L’accès à l’assurance  

Selon Morningstar DBRS, les feux de janvier 2025 qui touchent la région métropolitaine de Los Angeles représentent déjà le sinistre du genre le plus coûteux de l’histoire, non seulement en Californie, mais aux États-Unis. 

Dans la note publiée le 14 janvier, intitulée Los Angeles Area Wildfires Will Cause Record Insured Losses; Solutions to Adress Insurability Are Needed, l’agence rapporte qu’au moins 12 000 bâtiments ont déjà été détruits par les feux. Les dommages assurés seront d’au moins 30 milliards de dollars américains (G$ US). En dollars américains de 2024, cette facture dépasse de loin les sinistres les plus coûteux aussi survenus en Californie, soit les feux Camp en 2018 (12,6 G$) et Tubbs en 2017 (11,2 G$).

En 4e place et toujours en 2018, le feu Woolsey avait coûté 5,3 G$ en dommages assurés. Deux autres feux survenus en 2017 apparaissent dans ce classement : Atlas (6e) et Thomas (9e), qui ont totalisé 6,7 G$ cette année-là.

L’agence note que la valeur moyenne des résidences pour l’ensemble de l’État est de 800 000 $ US, selon l’estimation faite par Zillow à partir des transactions immobilières. Dans les deux localités les plus touchées ces valeurs sont plus élevées, soit 3,3 millions de dollars (M$) à Pacific Palisades et 1,2 M$ à Altadena,. 

Même si des assureurs comme State Farm et Allstate ont cessé d’accueillir de nouvelles affaires en Californie pour limiter leur exposition à ce risque, ils devront néanmoins payer leur part des dommages, soit ceux qu’ils assurent directement ou par l’entremise de leur contribution au régime public de l’État de la Californie (California FAIR Plan).

Comme ce programme limite la couverture offerte à 3 M$, Morningstar DBRS s’attend à ce que des assureurs comme Chubb et AIG, qui sont davantage présents dans le marché des maisons de haute valeur, doivent verser des indemnités plus élevées que leur part de marché respective (voir tableau ci-dessous). 

À la mi-année 2024, le régime public couvrait le risque de feux de forêt pour environ 4 % des propriétés de l’État, alors que cette proportion n’était que de 1,2 % en 2017. Cela représente une exposition au risque estimée à 458 G$ US, dont 6 G$ à Pacific Palisades, une des localités les plus dévastées. 

Selon l’agence, la croissance du régime public n’est pas soutenable à long terme, car le programme requiert un marché fonctionnel pour que les assureurs privés y contribuent. Les primes continueront de monter, ce qui causera des problèmes d’accès à l’assurance pour plusieurs propriétaires. 

La réassurance 

En conséquence, la mutualisation des risques les plus élevés ne peut fonctionner que si tous les acteurs de l’écosystème (assurés, assureurs et réassureurs) y trouvent leur compte, estime Morningstar DBRS. 

Après les feux Camp, au nord de Sacramento, et Woolsey (Los Angeles), les réassureurs se sont montrés de plus en plus réticents à couvrir le risque des feux de forêt en Californie, indique l’agence. Après plusieurs hausses de taux importantes chez les réassureurs, les assureurs ont augmenté leurs capacités pour couvrir seuls ce risque en diversifiant leur portefeuille. 

« Les feux de forêt devenant plus fréquents, des capacités pourraient être disponibles pour fournir une couverture, notamment par le biais d’instruments de capital de réassurance alternative multirisques, mais la tarification restera probablement un point de friction », ajoute l’agence. 

Démographie 

Dans ses perspectives 2025, l’agent général Burns & Wilcox citait une étude publiée en juillet 2024 par l’agence AM Best. Intitulée Migration to CAT-Prone Areas Adds to U.S. Homeowners Insurers' Performance Volatility, l’agence avait souligné l’importance de la croissance démographique concentrée dans certains des États américains. Entre 2010-2020, quelque 53 % de la croissance démographique du pays a été concentrée dans six États : Californie, Floride, Georgie, Caroline du Nord, Texas et l’État de Washington. 

« Ces États sont parmi ceux qui sont les susceptibles d’être frappés par des catastrophes naturelles liées au climat », souligne l’agent général dans ses perspectives publiées en fin d’année 2024. Le segment de l’assurance habitation a enregistré une perte de souscription de 15,2 milliards de dollars en 2023, rapportait AM Best. 

Burns & Wilcox citait un autre chiffre rapporté en août 2024 par la société CoreLogic, selon laquelle il y a environ 1,2 million d’habitations qui sont situées dans des zones présentant un risque très élevé d’être frappées par des feux de forêt dans l’ouest du pays. Quelque 1,4 million de propriétés sont établies dans des zones à risque modéré. 

Sur ce total de 2,6 millions de propriétés, CoreLogic indiquait que le coût de reconstruction de ces résidences atteignait 1 200 milliards de dollars (G$). Quelque 70 % de ces résidences sont situées dans trois États : Californie, Colorado et Texas.