La Chambre de l’assurance de dommages propose cinq pistes de solution afin de protéger le public dans un environnement de vente d’assurance en ligne 100 % automatisé.

« On sait que la vente par Internet de l’assurance est un incontournable. Internet est synonyme d’efficacité et de rapidité dans les opérations, de diminution des couts, de désintermédiation, et d’automatisation de certains procédés. Cela répond aux besoins des consommateurs », a affirmé Maya Raic, PDG de la Chambre, dans un discours prononcé lors de la Journée de l’assurance de dommages.

Elle a mis l’accent sur le fait qu’il faut transformer l’industrie avec un modèle innovant qui tire parti des nouvelles technologies, ajoutant par ailleurs que les clients sont prêts à acheter leurs protections d’assurance en ligne. Mme Raic ajoute que ceux-ci se tourneront vers des joueurs non traditionnels comme Google, Amazon, Facebook et Apple si les assureurs ne l’offrent pas.

L’organisme d’autorèglementation soulève que des enjeux s’interposent dans cette réforme de l’industrie qui ne tardera pas à arriver. Si le manque de connaissances en matière de finance est bien documenté, une littératie numérique et médiatique déficiente est un concept relativement nouveau qu’il faut prendre en considération afin de protéger le consommateur, dit Mme Raic.

On définit la littératie numérique comme la maitrise des technologies numériques, par exemple, en sachant utiliser Internet pour trouver ce que l’on cherche ou faire des transactions en ligne. Une étude du CEFRIO démontre que 45 % des Québécois croient qu’ils ont un niveau de compétences numériques élevé, alors que 20 % d’entre eux se considèrent faiblement compétents pour conclure des transactions sur Internet comportant des paiements en ligne.

D’un autre côté, la littératie médiatique est la capacité de discerner les vraies des fausses informations, reconnaitre les publicités et identifier les sources crédibles. Un rapport de l’Université de Stanford illustre que plus de huit jeunes Américains sur dix ne font pas la différence entre un contenu journalistique et un contenu commandité par une entreprise qui souhaite vendre quelque chose.

« Ce sont les milléniaux qui sont les plus susceptibles d’adopter la vente d’assurance en ligne. On se rend compte que bien qu’ils sont plus éduqués que les générations précédentes, seulement 24 % d’entre eux ont des connaissances de base en littératie financière », souligne Mme Raic.

Dans un contexte où la vente sur le Web est inévitable et où les connaissances financières, numériques et médiatiques ne sont pas totalement maitrisées par l’ensemble de la population, comment est-il possible de la protéger ? « Il n’existe pas de solution unique » à savoir comment remplacer la responsabilité professionnelle du représentant tout en maintenant le même niveau de protection du public, a expliqué Mme Raic.

C’est pourquoi la Chambre propose cinq pistes de solution, soulignant que la réponse se trouvera au carrefour de celles-ci. D’abord, la Chambre propose de transférer la responsabilité des individus aux entreprises, en leur imposant un code de déontologie universel qui tiendrait compte du code de déontologie des professionnels, ainsi que de changer le fonctionnement de l’accès au fonds d’indemnisation pour que celui-ci inclue tous les moyens de distribution.

Repenser les produits

Comme deuxième piste de solution, la Chambre recommande de repenser les produits afin que ceux-ci soient rédigés en langage simple et clair, pouvant faciliter la compréhension. L’organisme appuie la suggestion de l’Autorité des marchés financiers, qui invite les assureurs à bien choisir les produits qu’ils vendront en ligne pour qu’ils soient adaptés à ce canal de distribution.

À cet effet, Mme Raic indique les lois européennes dictent qu’une entreprise doit encadrer les produits adaptés à la vente en ligne selon le canal de distribution. Par ailleurs, il faudrait repenser la conception des produits pour que les consommateurs puissent mieux les comparer, afin de faire un choix mieux éclairé.

Ensuite, Mme Raic propose d’analyser les expériences internationales « afin de comprendre les risques, observer les réactions du public, analyser les conséquences et ajuster la législation ». Elle réitère une proposition faite à l’Autorité en 2012 lors de leurs consultations sur la vente par Internet de prévoir un droit de résiliation de 14 jours sans pénalité, en plus de renverser le fardeau de divulgation des renseignements, qui obligerait les distributeurs à poser des questions précises.

Actuellement, il convient à l’assuré de dévoiler toutes les circonstances susceptibles d’influencer l’acceptation du risque et la tarification, sans avoir les compétences nécessaires pour déterminer de telles circonstances. Ce qui peut faire que l’assuré omette des faits importants en toute bonne foi, fait remarquer la PDG de la Chambre.

Par ailleurs, la Chambre plaide pour une transparence accrue face aux plaintes et problématiques vécues par les consommateurs, comme c’est le cas en Angleterre, où les plaintes formulées à l’ombudsman des services financiers sont publiques. Chaque année, le nombre de plaintes, les produits concernés, le taux de résolution, en plus des 20 produits les plus problématiques sont divulgués.

La quatrième piste de solution met le représentant de l’avant et le rôle clé que celui-ci joue pour « contrer le déséquilibre informationnel », soit la différence de compréhension entre les professionnels et les consommateurs, qui ne s’y connaissent pas beaucoup en la question. La Chambre soutient que les clients veulent avoir confiance que l’assureur sera là en cas de besoin, lors d’une réclamation, par exemple, et cette confiance se construit dans le développement de la relation, qui se bâtit avec le professionnel.

« Le consommateur qui souhaite se procurer une assurance en ligne et qui se croit apte à le faire doit pouvoir bénéficier de l’expertise d’un professionnel. Le représentant doit être accessible à tout moment de la souscription, il a une valeur ajoutée pour analyser les besoins, prodiguer les conseils et les explications, adapter son discours au niveau de compréhension du client, être proactif, car il va au-devant de ses besoins » plaide Mme Raic.

Finalement, la Chambre prône un modèle hybride comme solution gagnante, qui allie les avantages d’un robot et d’un algorithme à ceux d’un professionnel. Mme Raic cite qu’à l’échelle mondiale, sept consommateurs sur dix se disent prêts à utiliser un robot-conseiller pour leurs protections assurances. Toutefois, deux consommateurs sur trois désirent encore interagir avec un humain.

Ce modèle mixte répond aux besoins d’avoir plusieurs canaux de distribution de produits et à l’enjeu du manque de littératie, indique Mme Raic. « La stratégie gagnante combine donc les compétences et les obligations d’un professionnel certifié, avec les avantages de la technologie. Retirer le professionnel de l’équation signifie retirer un maillon de la chaine de protection du public. Pour nous, c’est forcément un enjeu prioritaire », dit-elle.