Deux pharmaciens montréalais qui avaient élaboré un stratagème durant la pandémie de COVID-19, afin de frauder un programme fédéral de médicaments par l’entremise d’un assureur, viennent d’en payer le prix. Le conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) les a condamnés le 31 mars à des amendes respectives de 25 000 $ et 17 500 $. Le principal fautif a été radié pour une période de deux mois. 

Joseph Alexander Basa et Mathieu Roberge étaient co-propriétaires d’une pharmacie située dans l’arrondissement Saint-Laurent, à Montréal. Ils ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés et ont plaidé coupables. Ils ont réclamé en remboursements à Croix-Bleue Medavie des médicaments plus coûteux que ceux servis à leurs clients.

Ils ont instauré et entretenu ce manège entre les mois de février et d’octobre 2021. Il a été interrompu à la suite d’une plainte transmise en novembre de la même année à l’Ordre des pharmaciens, ce qui a mené le Bureau du syndic à ouvrir une enquête.

Les manœuvres des deux pharmaciens leur avaient permis de réaliser des profits de 205 000 $ pour deux substances.

Programme fédéral de santé intérimaire 

Le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) a été mis sur pied par le gouvernement fédéral afin d’offrir une protection temporaire à certains groupes de personnes au Canada qui ne bénéficient pas d’un régime d’assurance-maladie provincial, territorial ou privé. Il est toujours en vigueur en 2025. 

C’est Joseph Alexander Basa qui était responsable du PFSI à son établissement et qui gérait principalement les réclamations au programme. 

« Les services réclamés par les intimés en lien avec le PFSI pendant la période mentionnée à la plainte ont représenté une source de revenus significative pour la pharmacie durant la pandémie », a constaté la syndique de l’Ordre des pharmaciens. 

Contrairement à d’autres assurances collectives, les remboursements des médicaments en cause ne pouvaient être demandés en temps réel, mais uniquement de façon manuelle et en différé. Ils étaient versés par un tiers payeur, Croix-Bleue Medavie, en collaboration avec le PFSI. 

Au plus fort de la période des chefs de la plainte contre les deux pharmaciens, environ 150 à 200 patients étaient couverts par le programme à leur pharmacie. 

Les médicaments en cause 

Le premier chef d’accusation déposé contre M. Basa lui reprochait d’avoir réclamé le coût de l’éthanol 95 %, un produit qui coûte plus que le gel à main remis aux clients, à 3000 reprises. Son collègue Mathieu Roberge l’a fait 200 fois de son côté. 

Lors de l’enquête du syndic, il a été déterminé que tout en remettant aux patients en toute connaissance de cause des gels hydroalcooliques de type désinfectant de prix moindre pour les mains, ils facturaient de l’éthanol 95 %.

« La somme réclamée au PFSI était majorée de façon importante par rapport au prix des produits réellement remis aux patients », dit le Conseil de discipline. 

Au plus fort de la période concernée, plus de 100 patients faisaient l’objet d’une facturation mensuelle au PFSI pour de l’éthanol 95 %. Leur substitution, faite sciemment, leur a permis de réaliser un profit de 115 000 $. 

Ils ont aussi fraudé le programme fédéral avec un autre produit : M. Basa a réclamé à 1200 reprises le coût de trois types d’écrans solaires de la marque La Roche-Posay, qui étaient couverts par le PFSI. De son côté, M. Roberge l’a fait à une cinquantaine de reprises. 

Or, en raison d’un problème d’approvisionnement, ils donnaient à leurs clients des écrans solaires de marque Neutrogrena sans modifier les inscriptions aux dossiers. Ils réclamaient à l’assureur des produits La Roche-Posay plus dispendieux tout en livrant les Neutrogena, moins chers.

Cet autre subterfuge leur a permis de s’enrichir de 90 000 $, soit 205 000 $ au total pour les deux produits en seulement six mois. 

En parlant de M. Basa, le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens dit ceci : « L’intimé a exploité les faiblesses et les failles du programme PFSI dans un contexte de pandémie. Sa manière de procéder constituait un modus operandi bien rodé ». 

La grande majorité des réclamations auprès de Croix-Bleue Medavie ont été faites par ce dernier alors qu’il exerçait à temps plein à sa pharmacie. Les autres ont été effectuées par Mathieu Roberge, qui travaillait à la pharmacie une fois aux deux à trois semaines. C’est la raison pour laquelle les sanctions qui ont été imposées à ce dernier ont été un peu moins sévères que celles de son associé.

Amendes et radiation  

Joseph Alexander Basa s’est vu infliger une amende de 15 000 $ pour le chef 1 et de 10 000 $ pour le chef 3, soit 25 000 $ pour les deux infractions, et une radiation de deux mois. Sa suspension entrera en vigueur le 1er mai prochain. 

Pour sa part, Mathieu Roberge a écopé d’une pénalité financière de 10 000 $ pour le chef 1 et de 7500 $ pour le chef 3, soit un total de 17 500 $. Il n’a toutefois pas été radié comme son collègue et bénéficiera d’une période de cinq mois pour s’acquitter de ses amendes et déboursés.