Le 26 août dernier, le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) a condamné le cabinet Anfossi Tassé D’Avirro et son dirigeant, l’ex-courtier Mario D’Avirro, à une pénalité administrative de 80 000 $.
Le tribunal a ainsi entériné l’entente intervenue entre les parties intimées et l’Autorité des marchés financiers, conclue le 16 août 2024. Le cabinet, qui faisait affaire aussi sous le nom du Groupe D’Avirro, est puni conjointement et solidairement avec son dirigeant principal. La décision a été rendue par le juge administratif Jean-Pierre Cristel.
Le Tribunal prend également acte des engagements pris par M. D’Avirro auprès de l’Autorité. L’entrepreneur n’agira plus comme représentant en assurances au Québec. Il confirme également qu’il ne demandera pas la remise en vigueur de son certificat, et ce, dans toutes les disciplines.
Enfin, M. D’Avirro s’engage auprès de l’Autorité à ne plus agir comme dirigeant ou responsable principal d’un cabinet d’assurances au Québec.
Un long procès
Les parties étaient engagées dans une longue procédure. Au moment de se présenter devant le TMF le 23 août dernier pour ratifier l’entente entre les parties, il était prévu que l’audience au fond se tiendrait du 21 octobre au 12 novembre 2024. Quelque 14 journées d’audience étaient prévues au calendrier du tribunal.
M. D’Avirro n’est plus actif depuis mars 2022 et il est à la retraite. Quant à son entreprise, si le cabinet n’est plus actif en assurance depuis le 22 septembre 2022, la société est toujours inscrite au Registre des entreprises du Québec dans un autre secteur d’activité économique.
En avril 2022, l’Autorité avait intenté sa poursuite pénale contre le cabinet et M. D’Avirro. Le cabinet était l’objet d’une administration provisoire de septembre 2020 à février 2022.
Le portefeuille de l’entreprise en assurance a été vendu à un autre cabinet le 28 février 2022. Ce n’est qu’au printemps 2023 que l’on apprenait la vente. Parallèlement, la bannière CourtiersNet, qui appartenait à M. D’Avirro et au cabinet, n’était plus en activité.
Les manquements
En acceptant l’entente, les parties intimées ont ainsi reconnu les faits suivants concernant divers manquements aux articles 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, selon le résumé fait par l’Autorité dans le communiqué du 9 septembre 2024 :
- en raison de leur conduite, des centaines de clients du cabinet se sont potentiellement retrouvés sans couverture d’assurance, pour certains à leur insu ;
- les risques de certains clients ont été placés auprès d’assureurs sans que les clients soient avisés au préalable et sans que leur dossier soit mis à jour conformément à la réglementation applicable ;
- plusieurs lacunes concernent la supervision des représentants certifiés ou d’autres employés et stagiaires du cabinet.
Au moment des faits reprochés, qui ont eu lieu en 2018 et 2019, le cabinet était inscrit auprès de l’Autorité comme cabinet dans les disciplines de l’assurance de dommages et de l’assurance de personnes.
M. D’Avirro détenait également une inscription qui lui permettait d’agir comme représentant dans les deux disciplines. Il était aussi le dirigeant responsable du cabinet.
Selon le tribunal, les faits constatés et admis par les parties intimées sont « graves » et la responsabilité de M. D’Avirro à cet égard est « grande ». L’industrie des assurances forme « un secteur stratégique essentiel au bon fonctionnement de la place financière ainsi que de l’ensemble de notre société. Il est donc important de veiller à son bon fonctionnement et au maintien de la confiance du public dans tous les intermédiaires qui sont autorisés à y offrir des services », lit-on au paragraphe 15 du jugement.
L’entente
L’entente entre les parties est jointe en annexe au jugement du TMF. La poursuite trouve son origine dans une inspection conduite par l’Autorité le 24 février 2020. Le dossier a été référé dès le 29 mai 2020 à la direction des enquêtes.
Plusieurs assureurs ont résilié leur entente avec le cabinet en 2018 et 2019, ce qui a forcé le cabinet à placer les clients ailleurs. On souligne dans l’entente que l’Autorité n’a pas été informée de la résiliation des ententes de distribution.
C’est dans ce contexte qu’au moment de la gestion par l’administrateur provisoire, des consommateurs ont « potentiellement expérimenté des découverts durant un nombre important de journées ».
« Au moment de la prise de possession des lieux par l’administrateur provisoire, plus de 600 clients du cabinet n’avaient pas reçu de lettre du cabinet les informant de la fin de leur couverture d’assurance. Par ailleurs, plus de 2 000 clients avaient reçu une lettre de fin de mandat et se trouvaient potentiellement avec un découvert d’assurance », lit-on dans l’entente.
L’entente énumère aussi diverses lacunes concernant la supervision des employés, des stagiaires et d’un fournisseur, de même que sur le traitement des plaintes.
Au moment du dépôt de la poursuite pénale, M. D’Avirro avait promis au Portail de l’assurance qu’il allait se défendre « bec et ongles » pour contester les allégations de la poursuite. Il disait avoir très hâte de donner sa version des faits.
La réaction de l’intimé
Les parties conviennent de ne faire aucune déclaration publique incompatible avec les conditions de l’entente. Dans ce contexte, le Portail de l’assurance a demandé à M. D’Avirro s’il désirait commenter la décision du tribunal.
L’ancien courtier exprime son vif mécontentement à l’égard de l’Autorité des marchés financiers, comme il l’avait fait lors du dépôt de la poursuite, le 21 mars 2022, et qui a été rendue publique le 14 avril 2022.
La raison pour laquelle il s’engage à ne plus exercer la profession n’a rien à voir avec l’inconduite qu’on lui reprochait, insiste-t-il. Il y avait une clause de non-concurrence incluse dans l’entente de vente de son portefeuille qui l’exigeait.
« Mon retrait de la profession n’est donc pas relié à la poursuite, comme le laisse entendre le communiqué du 9 septembre 2024 publié par l’Autorité. La vente a eu lieu avant la poursuite pénale déposée par l’Autorité. »
M. D’Avirro affirme que son cabinet a travaillé d’arrache-pied afin de placer ailleurs les clients dont les polices n’allaient pas être renouvelées. Ce sont plusieurs milliers de clients, reconnaît-il. Dans la plupart des cas, le courtier trouvait un autre assureur, mais pour une prime plus élevée, et le client refusait la proposition, explique-t-il.
En pareille situation, par exemple, si la lettre de fin de mandat est expédiée après l’expiration du contrat, cela ne veut pas dire que le client a été laissé sans protection, dit-il. Mais cela était considéré comme un « découvert potentiel », ce qu’il a admis dans la lettre d’entente conclue avec l’Autorité.
Celle-ci fait toutefois mention de « plusieurs consommateurs », alors que la décision du TMF indique plutôt « des centaines de clients ». Cela est aussi rapporté dans le communiqué de l’Autorité, ce qu’il déplore.
Mario D’Avirro voulait défendre son honneur et sa réputation devant le tribunal. La facture, qui était déjà très salée, allait être encore plus lourde.
Forcé d’être prudent dans ses propos, l’ex-courtier exprime néanmoins une profonde amertume. « N’importe quel courtier qui se retrouve en pareille situation, à devoir se battre contre l’Autorité, est poussé à la faillite », conclut-il.