Dans l’édition de mai 2024 de son rapport Mensuel de Stratégie & Macroéconomie, iAGestion mondiale d’actifs (iAGMA) soutient que la période de synchronisation des politiques monétaires des pays développés tire à sa fin. 

« Deux banques centrales, deux tangentes », titre son rapport. Il évoque la marche coordonnée des politiques monétaires, unies depuis 2020 face à la pandémie de COVID-19. « Les grandes banques centrales ont suivi le même plan de match, avec des résultats généralement prévisibles », peut-on lire. 

Ce mouvement coordonné s’apprête à prendre fin, ajoute-t-on dans le rapport. La tendance est évidente des deux côtés de la frontière canadienne. Selon iAGMA, la Banque du Canada s’apprête à commencer un cycle de baisses de son taux directeur, tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) se voit contrainte de retarder le sien.

Son rapport signale que l’urgence de réduire les taux se manifeste tant au Canada qu’en Europe. « En Amérique du Nord, le contraste entre les économies du Canada et des États-Unis postpandémie est frappant. En effet, l’économie américaine semble fonctionner à plein régime, alors que celle du Canada se contracte sur la base des données par habitant ». 

Sortir du marasme 

Sébastien McMahon

« Ce mois-ci, nous expliquons pourquoi la Banque du Canada doit abaisser son taux directeur de 3 à 4 fois d’ici la fin de l’année, même si la Fed demeurera probablement sur les lignes de côté jusqu’en 2025 », écrit dans une note au Portail de l’assurance Sébastien McMahon, stratège en chef, économiste sénior et vice-président, allocations d’actifs et gestionnaire de portefeuilles d’iAGM. Il est coauteur du rapport mensuel avec Alex Bellefleur, vice-président sénior, chef de la recherche, allocation d’actifs, et Tuyen Tran, analyste sénior, allocation d’actifs. 

Les auteurs du rapport écrivent que la population canadienne croît à un rythme « presque » sans précédent. Cette tendance soutient la croissance totale du pays, mais exerce du même coup des pressions extrêmes sur le coût du logement. « Le pays doit également composer avec des pénuries de main-d’œuvre dans le secteur de la construction, d’autant plus que l’accessibilité du logement est devenue une question sociale, qui met en évidence la position restrictive de la Banque du Canada. »

Selon eux, la productivité canadienne fait du surplace, ce qui freine le taux de croissance du pays par rapport à celui des États-Unis, qui connaissent une croissance plus rapide. 

Ainsi, iAGMA anticipe une première baisse du taux directeur de la Banque du Canada cet été, suivie de trois autres d’ici la fin de l’année, ce qui réduira le taux du financement à 4 %. « Et ce, même si la Fed reste sur la touche. À notre avis, c’est non seulement possible, mais nécessaire pour permettre à l’économie canadienne de sortir de son marasme. » 

Actuellement, les taux directeurs des principales banques centrales se répartissent ainsi : États-Unis à 5,50 % ; Royaume-Uni à 5,25 % ; Canada à 5,00 % (depuis juillet 2023) ; Zone Euro à 4,50 % et Australie à 4,35 %. 

Les divergences s’expliquent 

D’après le rapport d’iAGMA, la performance divergente des deux économies canadienne et américaine s’explique par les différences entre leurs marchés immobiliers. « L’économie du Canada est plus sensible aux taux d’intérêt que celle des États-Unis, où les prêts hypothécaires sont presque tous à taux fixe et assortis de longues périodes d’amortissement. » 

Alors que la Banque du Canada a augmenté ses taux de presque 5 points de pourcentage en moins de 18 mois, l’effet a été rapide sur l’économie, explique le rapport. Il précise que près du cinquième des prêts hypothécaires à taux fixe arrivent à échéance chaque année. Du côté des prêts à taux variable, la hausse a eu un effet immédiat.

La plupart des prêts hypothécaires sont à taux fixe sur 30 ans aux États-Unis. La politique monétaire prend plus de temps à faire effet au sud de notre frontière. « Des deux côtés de la frontière, les ménages ont réduit leurs dettes, mais c’est aux États-Unis que le coût des intérêts a le plus d’incidence. De plus, l’épargne excédentaire y est plus importante, et le déficit fédéral représente plus de 5 % du PIB (produit intérieur brut) », peut-on lire. Les auteurs du rapport rappellent qu’au Canada, le déficit n’est que de 1,3 % du PIB.

Lutte à l’inflation  

Ils rappellent aussi que c’est l’inflation qui préoccupe le plus les banques centrales. Au Canada, il s’abaisse continuellement vers la cible de 2 %. « À l’exception du logement et du transport, c’est mission accomplie pour la plupart des composantes. Mais comme la Banque du Canada (BdC) ne peut pas cibler une seule mesure de l’inflation, elle doit s’en tenir à son mandat, qui est d’atteindre une inflation totale de 2 % », écrivent les auteurs du rapport.

Le logement a une forte pondération au sein du panier de l’indice des prix à la consommation (IPC), rappellent-ils. « Au cours des six derniers mois, la BdC a donc redoublé d’efforts pour expliquer pourquoi il serait raisonnable de séparer le logement des autres composantes, compte tenu des facteurs démographiques qui entrent en jeu, et sur lesquels la politique monétaire n’a aucune incidence. »

Aux États-Unis, l’inflation suit une trajectoire inverse, indique-t-on dans le rapport d’iAGMA. L’inflation de base et sa version excluant l’immobilier (dite inflation supercore) ont repris de plus belle depuis le milieu de 2023 en sol américain. « Pire encore, l’inflation touche encore plus de produits et services, ce qui démontre que la bonne performance économique continue de l’alimenter. » 

Les auteurs du rapport mensuel d’iAGMA écrivent qu’en réglant les problèmes d’offre attribuables à la pandémie, les États-Unis ont réussi à ralentir l’inflation en 2023, mais pour atteindre la dernière étape, ils doivent trouver le moyen de réduire la demande, qui demeure robuste. « En d’autres mots, la politique monétaire de la Fed n’est peut-être pas assez restrictive en ce moment, et de nouvelles hausses (de taux) pourraient se profiler à l’horizon. » 

Un dollar US trop fort 

Nous anticipons que le huard glissera vers 70 cents d’ici la fin de 2024 – Sébastien M. McMahon 

Dans sa note au Portail de l’assurance, M. McMahon dit croire que cette divergence entre les deux politiques monétaires devrait peser sur le dollar canadien. « Mais nos estimations suggèrent que l’effet marginal est limité, ajoute-t-il. Nous anticipons que le huard glissera vers 70 cents d’ici la fin de 2024, un recul de 3 cents à partir des cours actuels. » 

La situation aura du bon, puisqu’elle favorisera les rendements des investissements étrangers détenus par les investisseurs canadiens, souligne le rapport d’iAGMA. 

De son côté, l’économie américaine souffre actuellement d’un dollar trop fort. « Le PIB américain est sorti un peu plus faible qu’attendu, mais l’industrie domestique américaine demeure très forte », avait constaté Sébastien McMahon, lors de sa revue économique de la semaine se terminant le 26 avril 2024. 

Dans celle du 3 mai, M. McMahon rapportait dans sa revue hebdomadaire que la Fed poursuivait sa lutte contre l’inflation de base (excluant le coût du logement).