La hausse des taux d’intérêt fera partie des facteurs qui favoriseront le revenu que l’on peut retirer d’une rente. Pourtant, plusieurs se montrent frileux face à ce produit de décaissement, selon les propos recueillis par le Portail de l’assurance.

Président fondateur du cabinet de services financiers Expertiz Gestion de patrimoine, Tony Guzzo déplore le peu d’options de décaissement en mesure de garantir un revenu de retraite stable. « La rente est une autre option de décaissement, mais je n’en vends pas beaucoup », dit le conseiller. Les fonds distincts à garanties de retrait minimum (GRM) étaient jadis une des meilleures options de décaissement, mais ces produits sont devenus moins généreux qu’à leur lancement en 2009, relate-t-il. 

Ces produits offraient alors une garantie de retrait alléchante, souvent de 5 % voire plus dans certains cas. « Les Hélios de ce monde n’existent plus », dit-il en faisant référence à un produit de Desjardins Sécurité financière qui a déjà offert une garantie de 7 %. « Les assureurs ont essayé d’en créer d’autres, mais les fonds distincts à garantie de retrait n’ont plus aucun rapport avec ce qui existait avant. » 

Cofondateur de MR Gestion de patrimoine et solutions collectives, Alexandre Moïse croit pour sa part que les rentes ont habituellement moins d’attrait pour les clients, et il en compte peu qui ont ce produit. M. Moïse note toutefois que la rente redevient « un peu » d’actualité avec la récente hausse des taux d’intérêt. Avec l’inflation ambiante, les anciens GRM brillent toutefois davantage, selon lui. « Nous avons des clients qui ont souscrit dans le passé des fonds distincts à garantie de retrait minimum. Ils sont très bien servis cette année », confie le conseiller.

La rente immédiate (payout annuity) est un produit de décaissement que plusieurs n’aiment pas parce qu’elle enclenche un processus irréversible, selon Moshe A. Milevsky, professeur de finance à la Schulich School of Business de l’Université York. « C’est une chose envers laquelle on doit se commettre maintenant », ajoute-t-il. Le client doit en effet aliéner son capital pour créer la rente. Même s’il ne décède que quelques années plus tard, la succession ne peut récupérer aucune partie du capital.

« C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis devenu un admirateur des rentes différées. La possibilité d’acheter quelque chose dans la soixantaine qui commencera à produire un revenu à 80 ans est l’une des innovations dans l’industrie. Le gouvernement fédéral est maintenant plus favorable à cette rente et rend son traitement fiscal plus facile », dit M. Milevsky.

La rente rassure 

Directrice, ventes de produits de gestion de patrimoine, chez Placements mondiaux Sun Life, Amélie Laferrière estime qu’un plan de décaissement devrait prévoir d’utiliser une rente viagère, pour une partie des actifs du portefeuille. « Une rente viagère bénéficiera d’un traitement fiscal différent lorsque des sommes non enregistrées sont impliquées. »

Mme Laferrière convient que les taux d’intérêt plus élevés bénéficient en partie aux rentes viagères. « Mais il y a beaucoup plus à prendre en considération », ajoute-t-elle. Mme Laferrière prête aux rentes la qualité d’éliminer le risque de séquence des rendements, et en partie le risque de longévité. 

« Il y a un réconfort émotionnel pour les clients dans le fait de savoir qu’ils recevront un montant d’argent garanti chaque mois, pour le restant de leur vie. Ce paiement garanti peut les aider à mieux vivre la volatilité du reste de leur portefeuille. La proportion dépend de chaque cas, mais considérer 20 % à 30 % du portefeuille pour une rente viagère peut être un bon point de départ », dit Mme Laferrière. 

La directrice estime qu’une rente viagère pourrait être envisagée en premier lieu pour convertir un compte de retraite immobilisé (CRI). Elle explique que la loi soumet les CRI à un montant annuel maximum, et que les sommes sont versées au conjoint au décès. « Cela inclut les conjoints de fait, ce qui peut affecter les successions de familles reconstituées », ajoute Mme Laferrière.

Elle signale que Sun Life est l’un des seuls assureurs qui permettent d’émettre une seule rente à la fois avec des sommes immobilisées, enregistrées et non enregistrées. « Notons qu’une rente ne peut être enregistrée comme CELI, mais un produit de fonds distinct avec revenu garanti à vie (GRV) qu’on laisse accumuler à long terme pourrait offrir un revenu garanti non imposable à la retraite via le CELI », explique la spécialiste de Placements mondiaux Sun Life. 

Directeur de la fiscalité et de la planification successorale de Canada Vie, John Yanchus croit que l’inflation et les taux d’intérêt ne devraient pas causer de surprise si le client a un plan de décaissement en place. « L’ordre dans lequel les actifs devraient ensuite être retirés dépend du scénario de chaque client », ajoute M. Yanchus.

Il estime que la rente devrait en faire partie. Il est conscient que plusieurs pourraient préférer des actifs liés au marché en raison de leur potentiel de rendement plus élevé que ce qu’offre une rente. « À mon avis, le bénéfice d’avoir des paiements garantis l’emporte sur le rendement moins élevé. La rente n’est pas une solution complète, mais une partie d’un plan de retraite », rappelle-t-il.

M. Yanchus pense que les taux d’intérêt élevés ne sont qu’une partie des facteurs favorables au revenu d’une rente. La tarification d’une rente se fonde sur un grand groupe, ce qui permet aux titulaires qui vivent plus longtemps de bénéficier de ce que M. Yanchus appelle des crédits de mortalité.

Directeur du développement et marketing des produits d’épargne et retraite chez Assurance vie Équitable, Scott Stobo insiste pour sa part sur la diversification du portefeuille de retraite. Il perçoit les placements alternatifs en immobilier et en infrastructures comme des actifs aptes à mieux performer en période d’inflation. Pour ajouter une couche à cette protection, il propose d’utiliser des fonds distincts en combinaison avec une rente. Ce produit a du succès chez Équitable, selon lui. « Nous voyons définitivement plus de rentes dans nos ventes que ce n’était le cas il y a un an. »

La hausse des taux d’intérêt joue un rôle, mais M. Stobo met aussi l’accent sur le fait que les versements de rente sont devenus plus généreux dans le marché. « Nous voyons que le revenu de rente atteint son plus haut niveau depuis une décennie, dans certaines bandes d’âge. Plusieurs de ces bandes sont en hausse de 20 % par rapport à leur point le plus bas atteint au début de 2022 », ajoute M. Stobo. Cela signifie par exemple qu’un client pourrait souscrire aujourd’hui une rente de 100 000 $ produisant un revenu annuel de 7 000 $, alors que cette rente souscrite au début de 2020 aurait produit un revenu annuel de 5 000 $. 

Cet article est un Complément au magazine de l'édition d'octobre 2022 du Journal de l'assurance.