Le Portail de l’assurance a récemment rapporté les problèmes de roulement de personnel au bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière. On pouvait constater que la situation était aussi préoccupante du côté de la Chambre de l’assurance de dommages où les effectifs aussi ont été passablement renouvelés ces deux dernières années à la suite de nombreux départs.

Dans les deux organismes d’autoréglementation, le recrutement est en cours pour pourvoir le poste de syndic. Les derniers titulaires qui n’étaient pas en fonction sur un mode intérimaire sont partis après quelques mois en poste. 

À l’Autorité des marchés financiers, on confirme que l’inspection menée à la Chambre de la sécurité financière était déjà en cours au moment où le quotidien La Presse a fait état de la démission de la syndique Claude Baril, le 19 septembre dernier, de même que du départ de plusieurs personnes responsables des enquêtes. 

En entrevue avec le Portail de l’assurance, le porte-parole de l’Autorité, Sylvain Théberge, rappelle que le plan d’inspection prévoit que les deux organismes d’autoréglementation en assurance sont visités tous les trois ans. À la Chambre de la sécurité financière, la précédente inspection avait eu lieu en 2021. « On retourne à la Chambre de l’assurance de dommages l’an prochain, la précédente inspection ayant eu lieu en 2022 », ajoute-t-il. 

Hausse des ressources 

De son côté, est-ce que l’Autorité est aux prises avec les mêmes problèmes de roulement de personnel qui frappent les deux chambres en assurance ? 

Sylvain Théberge indique qu’en matière de rétention de son personnel, l’organisme se porte bien. « Comme toutes les organisations, c’est parfois plus difficile, mais globalement, on se tire bien d’affaire et on en est fort heureux. » 

« Les gens ont envie de travailler à l’Autorité, ils sont attirés par notre organisation, ce sont de bonnes nouvelles et on espère que le tout va se poursuivre », ajoute-t-il. « On est suffisamment outillés en ressources humaines pour appliquer les lois qui relèvent de notre responsabilité. » 

Est-ce que l’Autorité dispose des ressources suffisantes du côté de l’inspection, des enquêtes et du contentieux ? Selon les chiffres fournis par M. Théberge, au moment de notre entretien le 8 octobre dernier, la Direction générale du contrôle des marchés compte 206 employés. 

Ils sont 55 au service du contentieux, 39 à l’inspection et 108 aux enquêtes, en plus de quatre personnes à la direction générale. « Par rapport à l’année 2004, ça représente une augmentation de plus de 300 % du nombre d’employés à la DGCM. On était 47 au départ », indique M. Théberge.

L’organisme est aussi satisfait des victoires obtenues devant les tribunaux, à la suite de dossiers complexes qui ont nécessité beaucoup de travail. « On déploie beaucoup d’efforts pour recruter les meilleurs éléments en matière d’inspection, pour les enquêtes et le contentieux. La concurrence est forte entre toutes les entreprises et organisations qui œuvrent à cet égard au Québec, au Canada et même ailleurs dans le monde », poursuit-il. 

Les délais 

Le Portail de l’assurance note que le Tribunal administratif des marchés financiers accorde souvent des prolongations des ordonnances à l’encontre des intimés visés par des manquements allégués, à la demande de l’Autorité, sous le prétexte que l’enquête est toujours en cours. Est-ce le signe d’un manque d’effectifs pour faire aboutir lesdites enquêtes ? 

Sylvain Théberge tient à préciser que les demandes d’ordonnance de blocage visent un objectif particulier. « Il ne faut pas perdre de vue que le recours aux ordonnances de blocage sert d’abord et avant tout à protéger les investisseurs. Ces ordonnances sont maintenues aussi longtemps que l’enquête au sens large se poursuit, et ce, même lorsqu’une poursuite a été intentée, et même à l’issue d’un jugement qui ordonne la restitution. » 

Trois éléments majeurs contribuent à la durée des enquêtes. Premièrement, la complexité des enquêtes est plus élevée qu’auparavant. « Des fraudes sur les médias sociaux, l’arrivée des cryptomonnaies, l’interconnexion mondiale et pratiquement instantanée des fraudeurs, c’est devenu dans plusieurs cas des stratagèmes extrêmement complexes et ça nécessite évidemment du temps », indique Sylvain Théberge. 

L’arrêt Jordan 

Deuxièmement, l’arrêt Jordan rendu par la Cour suprême du Canada force désormais l’appareil judiciaire à rendre jugement dans un délai maximal de 18 mois. Ce délai court dès le dépôt des accusations, rappelle M. Théberge. « Obtenir un délai supplémentaire avec la prolongation des ordonnances de blocage permet de mieux travailler la preuve à présenter devant le tribunal et sans mettre en péril la protection des investisseurs. On n’est pas contre Jordan, mais on vit avec. ». 

Enfin, le dernier élément est la nécessité pour l’Autorité de mener des vérifications auprès des régulateurs d’autres provinces, voire d’autres pays. « Ça rend plus long le temps de préparation de certains dossiers. Les stratagèmes frauduleux sont plus locaux, mais sont souvent reliés à des réseaux internationaux. On a besoin de demander des prolongations parce qu’on a besoin de ce temps-là pour présenter notre preuve devant le tribunal, car on n’a pas le droit à l’erreur », dit-il. 

« Quand l’affaire comprend des investisseurs qui ont perdu de l’argent, qui se battent quotidiennement avec le sentiment de honte et de détresse, il est important pour nous de prendre tout le temps nécessaire pour arriver devant le tribunal avec la preuve la plus solide possible », insiste-t-il. 

Concernant les qualifications requises pour le recrutement du personnel à la DGCM, Sylvain Théberge confirme que l’Autorité demande aux candidats de détenir une expérience dans l’industrie qu’ils sont appelés à surveiller.

« Par exemple, dans les belles embauches que nous avons eues ces derniers mois, on a pu recruter quelqu’un qui travaillait depuis longtemps au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), avec plus de 30 ans d’expérience, raconte M. Théberge. C’est une acquisition extraordinaire pour nous. Notre domaine est pointu, alors oui, l’expérience est requise et on la vérifie. » 

Les dossiers de l’Autorité 

L’Autorité des marchés financiers a rendu public son rapport de gestion le 12 septembre dernier.

Le document comporte diverses statistiques sur les activités menées du côté de la Direction générale du contrôle des marchés, qui relève d’Éric Jacob

Le rapport de suivi de la mise en application pour la période 2022-2024 des lois a été diffusé quelques jours plus tard. On y apprend que 750 questionnaires d’autoévaluation ont été transmis en 2022-2023 et 772 l’ont été en 2023-2024. 

Pour les inspections reliées à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), le nombre de dossiers ouverts en 2022-2023 était de 82, tandis qu’il a baissé à 70 en 2023-2024. Le nombre de dossiers terminés était de 74 en 2022-2023 et de 70 en 2023-2024. Le nombre de dossiers en cours, à 49, était le même à la fin des deux exercices. 

Du côté des enquêtes, pour l’aspect évaluation, le nombre de dossiers traités était aussi en forte baisse en 2023-2024 par rapport à 2022-2023. Les ordonnances de blocage rendues par le Tribunal administratif des marchés financiers ont été les mêmes, soit 33 en 2022-2023 et 33 en 2023-2024. 

Les ordonnances d’interdiction de mener certaines activités réglementées sont passées de 104 en 2022-2023 à 129 en 2023-2024. 

Ressources du tribunal 

Les statistiques tirées du rapport annuel 2023-2024 du Tribunal administratif des marchés financiers montrent que 56 dossiers étaient toujours en cours au 31 mars 2024, contre 52 un an plus tôt. On souligne l’existence de 26 dossiers récurrents qui impliquent une prolongation d’ordonnances de blocage. 

Sur les 28 dossiers ouverts en 2023-2024, seulement 8 relèvent de manquements allégués à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), dont 4 dossiers en courtage hypothécaire. L’année précédente, c’était 13 dossiers ouverts pour des manquements allégués à la LDPSF, dont 7 dossiers en courtage hypothécaire. 

En 2023-2024, quelque 22 demandes constituaient des demandes de prolongation des ordonnances de blocage. Le même nombre de demandes de prolongation avait été fait en 2022-2023.