Visée par des ordonnances de blocage depuis décembre 2020, tout comme son cabinet, la représentante Sandly Alteon Senat a été condamnée à une pénalité administrative de 20 000 $ par le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF). Son certificat a également été révoqué et tous les droits conférés par son inscription lui ont été retirés.
Le tribunal a tenu trois journées d’audience en décembre 2024 et son jugement a été rendu le 29 janvier dernier. Depuis décembre 2020, l’intimée et son cabinet étaient visés par diverses ordonnances de blocage, lesquelles ont été renouvelées à plusieurs reprises.
Au moment des faits reprochés, l’intimée était rattachée à Services financiers Alteon, un cabinet en assurance de personnes dont elle était la dirigeante responsable. Le seul actionnaire du cabinet était Vasan et Savyan Gestion d’actifs, une société non inscrite auprès de l’Autorité des marchés financiers dont l’intimée était l’unique administratrice et actionnaire.
L’intimée n’a jamais été autorisée à effectuer des placements de contrats d’investissement auprès du public investisseur, alors que son certificat, portant le no 209 510, lui permettait d’agir comme représentante en assurance de personnes et représentante de courtier en épargne collective. Elle ne pouvait pas non plus exercer l’activité de courtier ou de conseiller dans le cadre de tels placements.
L’enquête menée par l’Autorité a montré que l’intimée avait cherché des investisseurs pour leur offrir des contrats d’investissement et avait recueilli des sommes importantes.
Ordonnances
Les ordonnances de blocage ont été levées partiellement pour permettre à l’institution financière mise en cause de remettre à l’Autorité la somme de 81 534 $. L’Autorité devra soumettre au tribunal dans un délai de trois mois les modalités d’administration et de distribution des sommes ainsi récupérées aux cinq personnes ayant subi une perte.
Pour une période de cinq ans, le TMF interdit à l’intimée d’agir comme administratrice, dirigeante ou dirigeante responsable d’un cabinet, ou d’agir comme administratrice ou dirigeante d’un émetteur, d’un courtier, d’un conseiller et d’un gestionnaire de fonds d’investissement.
Les contrats d’investissement intervenus en contravention de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM) entre l’intimée, son cabinet et les cinq clients ciblés par ses manquements sont annulés.
L’intimée exerçait ses activités de représentante de courtier en épargne collective auprès du cabinet d’une grande institution financière. Ce n’est qu’en janvier 2023 que l’Autorité a déposé au TMF sa demande introductive d’instance.
Les manquements
Lors de l’audience tenue en décembre 2024, l’Autorité a montré de manière probante et prépondérante que l’intimée a commis des manquements aux articles 11 et 148 de la LVM en faisant souscrire à cinq reprises des contrats d’investissement sous le couvert de son permis en assurance de personnes.
De plus, l’intimée a contrevenu à l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) en n’ayant pas agi avec honnêteté, loyauté, soin et compétence.
La preuve établit également que l’intimée a commis des manquements aux articles 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière en se plaçant dans des situations ouvertes de conflit d’intérêts. Un des contrats d’investissement souscrit, qui impliquait l’achat conjoint d’une unité de copropriété avec l’intimée, a été fait par une cliente en assurance de personnes. Cette cliente a versé 41 534 $ à l’intimée dans le cadre de ce placement.
En citant la jurisprudence de la Cour suprême, le TMF souligne que « la nature immobilière du bien sous-jacent à un contrat d’investissement n’a aucun impact sur la nature de ce contrat lorsque l’immeuble n’est pas acquis pour fins d’habitation par son propriétaire, mais plutôt pour en tirer un bénéfice ». C’est la situation qui prévalait dans le cas de cet achat d’une copropriété.
Les quatre autres contrats d’investissement ont été signés en juillet 2020 par des clientes pour investir dans un autre projet immobilier (condos, logements multiples) ou un projet d’obtention d’une franchise de la chaîne de restauration rapide Tim Hortons. Chacune des consommatrices a investi 10 000 $ dans l’affaire où, selon les déclarations assermentées qu’elles ont signées, l’intimée prétend agir comme gestionnaire de projet.
Dans ce cas-ci, tout comme pour l’autre investissement, les sommes versées par les clientes ont été virées par l’intimée dans le compte de la société Vasan et Savyan Gestion d’actifs. L’intimée n’a soumis aucun prospectus à l’Autorité pour effectuer le placement des contrats d’investissement. Les fonds ont plutôt servi à acheter des parts dans des fonds communs de placement.
Opinion juridique
Les déclarations assermentées signées par les clientes et qu’elles n’ont pas écrites contiennent des paragraphes erronés. Le jugement mentionne notamment une consultation présumée auprès de leur avocat respectif avant de procéder à l’investissement.
L’intimée a tenté d’occulter sa responsabilité en prétendant avoir été préalablement guidée par une opinion juridique soumise par un avocat qu’elle avait consulté. Or, cette opinion est datée du 9 octobre 2020, soit bien après avoir encaissé les sommes prévues par les placements de ces clientes. De plus, elle n’a pas fait preuve du moindre repentir tout au long de l’audience, souligne le TMF.
Dans ce contexte, la pénalité administrative de 20 000 $ imposée à l’intimée est de nature dissuasive. Grâce aux ordonnances de blocage, les sommes investies par les consommatrices sont toujours disponibles. Celles-ci sont levées afin que l’on puisse remettre les sommes aux clientes.
Enfin, les contrats de placement sont annulés en vertu des pouvoirs conférés au TMF par la Loi sur l’encadrement du secteur financier et la LVM.