Le 4 avril dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a prononcé la culpabilité d’une conseillère en sécurité financière et de son directeur des ventes pour trois infractions déontologiques. Leur sanction sera déterminée à la suite d’une prochaine audience. 

La preuve a été entendue durant six journées d’audience tenues entre mars et octobre 2020. La décision est jointe d’une ordonnance de non-divulgation du nom et du prénom des consommateurs concernés. 

L’intimée Émilie Bouchard (certificat no 213 214) a contrevenu à deux reprises à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre. Elle ne s’est pas acquittée du mandat confié par son client en ne procédant pas à la résiliation de la protection (chef 1). Elle a répété la même faute en ne transmettant pas à l’assureur la lettre du 24 mai 2017 (chef 2). 

L’autre infraction est reliée à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF). Elle n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en demandant l’arrêt du prélèvement automatique de la police, créant ou risquant de créer un découvert d’assurance à ses clients. Dans son cas, les dérogations ont duré d’octobre 2016 à août 2017. 

L’intimé Sébastien Marin-Althot (certificat no 196 672) a reconnu sa culpabilité aux trois chefs de la plainte le concernant. Les deux premières infractions sont proscrites par l’article 16 de la LDPSF. 

Il n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en demandant l’arrêt du prélèvement automatique de la police, créant ou risquant de créer un découvert d’assurance à ses clients (chef 1). Quelques mois plus tard, il a laissé croire au client que la remise en vigueur de la police était en processus alors qu’il n’avait pas transmis à l’assureur les documents pour cette remise en vigueur (chef 2). 

Le comité a retenu la demande des parties d’amender le chef 3, où le manquement est relié à l’article 16 du Code de déontologie. Il a reconnu avoir fait des déclarations inexactes, incomplètes ou susceptibles d’induire son client en erreur à l’égard du nouveau contrat proposé. 

La reconnaissance de culpabilité de l’intimé a été enregistrée en octobre 2020. Dans son cas, les manquements ont eu lieu entre mai et août 2017 envers le même couple de consommateurs relié à la plainte contre sa collègue. 

Instructions non suivies 

L’affaire résulte d’une plainte logée par un client contre l’intimée et son directeur des ventes, en lien avec une police d’assurance originalement émise en 2012 et qui a été amendée en juin 2016. Les deux intimés n’ont pas suivi les instructions du client et leurs efforts pour régler le problème ont créé un imbroglio. 

En novembre 2012, une police d’assurance temporaire de 25 ans a été émise par l’assureur en faveur du client et de sa conjointe, pour couvrir le risque relié à un prêt hypothécaire. Le capital assuré était de 269 000 $, décroissant jusqu’à 50 % et la garantie comprenait une couverture d’invalidité pour le couple, le tout pour une prime mensuelle de 87,21 $. Le couple réside à Montréal. 

La représentante qui a fait souscrire le contrat n’est pas concernée par la suite de l’affaire. L’intimée Bouchard a commencé à travailler pour l’agence de l’assureur en mars 2016. Elle s’est fait assigner des dossiers orphelins. En consultant le dossier de l’autre représentante, l’intimée constate que les clients avaient exprimé le désir d’avoir des enfants. Elle s’en inspire pour les contacter afin de savoir si leur situation familiale avait changé. 

Lors de la rencontre qui a suivi à la fin de juin 2016, l’intimée a proposé certaines modifications à la police originale dans un formulaire de demande de modifications. Le terme du contrat était désormais de 20 ans, pour un capital assuré de 405 774 $, sur une base décroissante. La prime mensuelle atteignait 134,69 $, ce qui représentait une augmentation annuelle de 527,31 $. 

La cliente refuse 

L’émission de la modification était précédée par des examens médicaux, qui ont eu lieu la semaine suivante. Le client affirme que l’intimée l’a assuré que lui et sa conjointe ne s’engageaient à rien en signant la proposition et qu’ils pouvaient toujours refuser de procéder à l’ajout lors de la livraison de l’avenant qui le mettait en vigueur. Le client ajoute avoir compris qu’une autre rencontre suivrait les examens médicaux pour confirmer si les clients désiraient procéder à l’ajout. 

L’avenant est daté du 11 août 2016 et prenait effet le 2 août 2016. Le client affirme n’avoir jamais reçu le document. La nouvelle prime a été prélevée à partir du 2 septembre 2016 et le retrait a continué jusqu’au 3 avril 2017. 

Le client a noté la hausse de la prime dès le mois de septembre et affirme avoir informé l’intimée que sa conjointe trouvait l’ajout trop cher et qu’elle n’en voulait plus. Il prétend aussi avoir donné instruction à l’intimée d’annuler l’ajout, de remettre la police originale en vigueur et de lui rembourser la différence entre les primes des deux contrats. 

L’intimée affirme n’avoir été informée des intentions du couple que lors d’une rencontre tenue à leur domicile le 17 octobre 2016. Elle avait apporté un formulaire de l’assureur intitulé « accusé de réception de la police », lequel n’avait pas de section qui permettait d’annuler l’avenant qui modifiait le contrat original.

Les versions des parties diffèrent concernant l’annulation de l’ajout. Le client affirme que toutes les communications à cet égard ont eu lieu par téléphone. Les parties sont d’accord sur le résultat : les clients voulaient annuler la modification et revenir au contrat original, et l’intimée s’est engagée à donner suite à ces instructions. 

Le formulaire comporte des copies carbone pour l’assureur, l’agent et le client, mais l’intimée les a toutes déposées à l’agence. La représentante a vérifié le statut de la demande la semaine suivante, et n’a rien trouvé. Elle a alors envoyé par courriel un formulaire de signatures avec une coche dans la section « résiliation de protection ». 

Le client et sa conjointe ont signé le document en comprenant que l’ajout était annulé. L’intimée confirme cette impression. Malheureusement, aucune version de la résiliation ne se trouve dans le système informatique de l’assureur et le prélèvement mensuel a continué durant les mois suivants. 

Problèmes à l’agence 

L’intimé Marin-Althot a témoigné que l’agence a connu des difficultés cette année-là concernant la perte de documents placés dans la chute par les représentants pour traitement par l’administration. L’agence a été mise sous tutelle et l’intimé a été nommé pour la diriger de décembre 2016 à mars 2017. 

En avril 2017, le client communique encore avec l’intimée Bouchard pour souligner que les prélèvements mensuels plus élevés se poursuivent. L’intimée demande à son supérieur d’arrêter le retrait automatique préautorisé, et son collègue confirme la demande par courriel à l’agence le 3 mai 2017.

La preuve ne révèle pas les tentatives de l’intimée de rencontrer les clients durant cette période et les échanges se passent par courriel et par téléphone. À la fin de mai 2017, le client transmet une lettre à l’assureur où il réitère que le couple n’a jamais donné son accord à la modification du contrat original. Il réclame le remboursement des sommes payées en trop. 

Encore une fois, cette lettre n’a jamais été transmise à l’assureur, et ce, à l’insu des clients. La directrice de l’administration de l’agence aurait refusé d’autoriser l’envoi de cette lettre. Le libellé pouvait créer l’impression que les clients n’avaient jamais consenti à l’ajout, ce qui faisait mal paraître l’agence. 

Le 1er août 2017, l’assureur a émis un avis de résiliation de la police pour non-paiement des primes depuis le 2 juin 2017, à la suite de l’arrêt de paiement transmis par l’intimé. Le client a pris connaissance de cet avis à son retour de voyage deux semaines plus tard et il a admis à l’audition qu’il comprenait de cet avis qu’il n’était plus assuré. 

Les jours suivants, comme le client insiste pour parler au supérieur de l’intimée Bouchard, les communications ont lieu avec l’intimé Marin-Althot. Le client insiste pour revenir au contrat original.

En octobre 2017, le client dépose une plainte en ligne à l’assureur concernant le traitement de son dossier par l’agence. La réponse de l’assureur, datée du 7 novembre 2017, a provoqué le dépôt d’une plainte à l’Autorité des marchés financiers. L’énumération des faits et des échanges entre les parties durant toute cette période couvre une vingtaine de pages de la décision. À l’automne 2017, après plusieurs mois de mésentente, le ton est acrimonieux. 

En décembre 2017, les clients ont souscrit une nouvelle police d’assurance renouvelable et transformable de 20 ans avec l’assureur par l’entremise d’un autre représentant, pour une prime mensuelle de 106,35 $. 

Erreur administrative 

Le procureur de l’intimée plaide qu’elle a tenté à deux reprises d’informer l’assureur de la résiliation de l’ajout. Au pire, il s’agit d’une « erreur administrative » de sa part qui ne constitue pas une faute déontologique, ajoute-t-il. Par ailleurs, il affirme que le défaut d’annuler l’ajout n’a jamais mis en danger la continuité de couverture et protection des clients, lesquels sont demeurés assurés jusqu’à l’arrêt de paiement. 

Concernant le chef 2, le procureur de l’intimée affirme qu’elle a transmis la lettre à son supérieur, et non à l’assureur. L’intimée indique qu’elle contenait l’information inexacte des clients qui affirment n’avoir jamais donné leur accord explicite à l’ajout. Elle prétend avoir demandé aux clients de lui transmettre une lettre amendée et ne pas avoir fait de suivi lorsque ceux-ci n’ont pas répondu. Il n’y a aucune note ou trace écrite pour appuyer cette affirmation. 

À propos du chef 3, les procureures de la partie plaignante soulignent que l’intimée a avoué les faits dans une déclaration assermentée du 29 novembre 2017 et lors de l’entrevue avec l’enquêtrice de la Chambre en janvier 2019. De son côté, l’intimée affirme que c’est son collègue qui a donné les instructions pour l’arrêt de paiement et qu’elle n’a pas vu ce document avant le début de l’enquête menée par la Chambre.

Le comité n’a pas retenu les arguments du procureur de l’intimée Bouchard. « Le fait que la couverture originale n’ait pas été affectée par ce défaut d’exécution par l’intimée ne change pas le fait que les clients ont continué à payer, pendant au moins six mois, pour une couverture additionnelle qu’ils ne voulaient pas. » 

Concernant la lettre mentionnée au chef 2, l’intimée a félicité les clients pour leur rédaction et leur a affirmé que le document avait été envoyé. Ceux-ci n’avaient aucune raison de soupçonner que le contenu de la lettre posait problème. 

Par ailleurs, la preuve montre que l’arrêt de paiement mentionné au chef 3 faisait partie du plan discuté avec son supérieur pour régler l’imbroglio concernant l’annulation de l’ajout. L’intimée « ne peut donc échapper à la responsabilité » concernant cette infraction du seul fait que c’est son collègue qui a transmis la demande d’arrêt de paiement.