Suite aux hausses successives du prix de l’assurance vie universelle à cout nivelé, les conseillers empruntent d’autres avenues et le créneau de la vie entière en bénéficie.Dominique Demers, président de l’agent général membre du Groupe AgenZ, Financière S_Entiel, dit observer que les hausses successives du cout nivelé incitent les conseillers à magasiner d’avantage leurs produits.
« Les hausses du cout nivelé reflètent une prise de conscience des assureurs quant à la rentabilité du produit. Elles entrainent aussi une prise de conscience de la part du conseiller quant aux avantages et particularités des produits des autres compagnies moins connues », dit-il.
Cela entraine, selon lui, une diminution de la fidélité des conseillers envers leur compagnie favorite. « Pour certains conseillers, cette variation des taux de primes ou les diminutions des garanties les amèneront à sortir de leur zone de confort », ajoute M. Demers.
Ce dernier dit observer directement l’inconfort des conseillers, surtout dans les dossiers importants, dont le traitement est plus long. Dans ces dossiers, il s’écoule souvent de six à huit mois entre la rencontre initiale avec le client et la livraison de la police. Les taux peuvent varier plusieurs fois durant cette période, dit M. Demers. « Il arrive que le conseiller change de produit en cours de route, car celui qui avait été suggéré au départ n’est plus compétitif. »
« J’ai rayé de ma tête l’assurance vie universelle à cout nivelé », dit le conseiller spécialisé en dossiers à valeur nette élevée, André Cyr. Le président et fondateur de Fisc-Cap Services Conseils réachemine plutôt sa production vers la vie entière.
« C’est la troisième hausse du cout nivelé en 20 mois et d’après moi, cela continuera », croit M. Cyr. Il remarque aussi la baisse des taux minimums crédités aux comptes d’investissement. « Comment puis-je vendre un produit qui offre un taux minimum de 0,5 % sur un compte à intérêt garanti 5 ans? Mon client me répond qu’il va faire mieux en laissant l’argent dans son entreprise »
Avant les trois hausses de prix, M. Cyr pouvait assurer un homme de 50 ans non fumeur pour 1 million de dollars (M$) de vie universelle à cout nivelé, pour 10 000 $ par an. C’est maintenant 14 000 $. « La vie entière coutera moins cher, en plus d’offrir des valeurs de rachat garanties. Je ne vends que ça depuis quatre mois. »
Président, division Québec du Groupe Financier Horizons/Force financière Excel, James McMahon dit aussi observer une tendance vers la vie entière, depuis les dernières semaines. « Nos conseillers vendent de plus en plus d’assurance temporaire 10 et 20 ans, ainsi que de la vie entière. Comme il y a 25 ans, les conseillers vendront une vie entière pour les besoins de base du client, et du temporaire pour compléter ses besoins à court terme », dit-il.
Au niveau du fournisseur, Louis-Charles Leclerc, directeur des produits d’assurance individuels à l’Industrielle Alliance, remarque aussi cette tendance. « Nos conseillers ont redirigé une partie de leurs affaires vers la vie entière. Depuis les hausses, l’écart de prix qui favorisait la vie universelle s’est réduit. Mais la plus grosse migration que nous observons s’effectue vers le temporaire. Les conseillers et les clients se disent : «quitte à transformer plus tard» », relate-t-il. Cette tendance prévaut tant dans le réseau des agents captifs que des agents généraux, précise-t-il.
Pourquoi les conseillers n’optent-ils pas pour le produit d’assurance vie universelle à taux renouvelable annuellement? Ce produit est en effet épargné par les hausses, car il est insensible aux mouvements des taux d’intérêt. Cette possibilité ne séduit pas les conseillers, dit James McMahon. « Les conseillers perçoivent ce produit comme moins avantageux pour le client, car son cout d’assurance temporaire croit chaque année », dit-il.
À des âges plus avancés, il gruge le capital accumulé, ajoute M. McMahon. Un problème aggravé par la diminution massive des taux par les assureurs, qu’ils garantissent sur les options de placement à revenu fixe. Les chances de voir le fonds de la police croitre plus vite que le cout d’assurance s’en trouve d’autant amoindri.
Les conseillers continuent, en revanche, de vendre de l’assurance vie universelle à cout nivelé, par l’entremise d’une transformation. La division Québec d’Horizons/Excel mène d’ailleurs, depuis juin, une campagne qui durera tout l’automne. Elle invite les conseillers à suggérer aux clients qui le peuvent de transformer leurs polices d’assurance vie temporaire en vie universelle. Un des objectifs : devancer les futures hausses, qui ne manqueront pas de survenir, dit M. McMahon.
Il rappelle aussi qu’en 2013, Ottawa resserrera ses règles de fiscalité sur les dépôts à la vie universelle. (NDLR : Revenu Canada entend réviser le test fiscal qui sert à déterminer le maximum d’épargne qu’un assuré peut accumuler dans une police, sans en affecter l’exemption d’impôt. Selon ce qu’a laissé savoir le gouvernement, le nouveau test d’exemption permettrait plus d’accumulation à l’abri de l’impôt durant les premières années de la police, mais moins plus tard).
Le client qui a les moyens de souscrire une vie universelle doit en profiter, dit M. McMahon. « Il peut ainsi geler son prix et son assurabilité. Nous voulons aussi faire réaliser aux conseillers que les changements prévus par Ottawa mettent entre leurs mains un outil extraordinaire pour aller voir leurs clients. »
Parmi les clients potentiels pour une transformation figurent les entrepreneurs qui ont des sommes disponibles dans leur compagnie de gestion. « La vie universelle demeure le seul produit qui permet de faire fructifier le capital à l’abri de l’impôt, peu importe la hausse des prix », dit M. McMahon.
Par ailleurs, la popularité du produit d’assurance vie entière pourrait bientôt inciter les assureurs à en réviser le prix, croit pour sa part André Cyr.
Un mémo qu’a récemment expédié Desjardins Sécurité financière (DSF) à ses conseillers, et dont le Journal de l’assurance a obtenu copie, semble confirmer ses craintes. Le 13 septembre, l’assureur a haussé de 5 % à 7 %, en moyenne, les prix de ses produits permanents d’assurance vie. « Les faibles taux d’intérêt qui persistent sur le marché canadien exercent une pression sur les assureurs et les forcent à hausser les taux des produits permanents », explique DSF dans son mémo.
La hausse affecte les produits suivants : VieMAX (T100), Vie 10, Vie 20, Horizon VieMAX (T100), Horizon Sécurité 10 et Horizon Sécurité 20.