Une bonne part des clients à valeur nette élevée n’ont pas d’assurance vie, même les plus riches. L’industrie ratera-t-elle le transfert de richesse à venir ? Deux études laissent présager le pire. 

Les jeunes familles et les représentants de la classe moyenne ne sont pas seuls à souffrir du manque d’assurance et de conseils. Selon une étude dont IG Gestion de patrimoine a publié les résultats en septembre 2023, les plus riches aussi. 

Réalisé en collaboration avec Pollara Strategic Insights auprès de 500 Canadiens à valeur nette élevée, le rapport a révélé que seuls 54 % d’entre eux ont une police d’assurance vie. Le rapport définit les gens à valeur nette élevée comme ceux qui disposent d’au moins 1 million de dollars canadiens (M$) à investir. 

Assurance peu comprise 

Selon le rapport d’IG, seuls 33 % des participants disent bien comprendre les répercussions fiscales de la transmission de leur succession à leurs bénéficiaires.

En outre, seulement 17 % des participants assurés disent connaître très bien les avantages de leur assurance sur leur succession, y compris les avantages fiscaux. 

Moins de personnes couvertes 

Ces statistiques laissent espérer un fort potentiel de développement des affaires en assurance vie. Malheureusement, c’est plutôt un fossé qui se creuse entre personnes assurées et non assurées au Canada.

Un dossier spécial sur l’assurance vie permanente parue dans le Journal de l’assurance de décembre 2023 a révélé qu’il s’est vendu près de 80 000 polices d’assurance vie de moins en 2022 comparativement à 2010 ! Les chiffres sont de LIMRA

Les 50 ans et plus doubleront  

Toujours dans le même dossier spécial, un rapport d’envergure internationale publié par Capgemini en 2023 a révélé que les 50 ans et plus formeront 33 % de la population mondiale en 2050, soit le double de ce qu’elle était en 1990.

Cette population comptera alors 3,2 milliards d’individus, sur une population mondiale de 9,7 milliards, ajoutent les auteurs du rapport intitulé World Life Insurance Report 2023. « La proportion de la population mondiale de 50 ans et plus devrait doubler entre 1990 et 2050, principalement en raison de l’augmentation de la longévité et de la baisse du taux de natalité », écrivent-ils. 

Parmi les assureurs connus au Canada qui ont participé au rapport de Capgemini figurent Allianz, Financière Foresters et Wawanesa Life. La recherche derrière ce rapport couvre 23 marchés : Allemagne, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Émirats arabes unis, Espagne, États-Unis, France, Hong Kong, Inde, Italie, Japon, Malaisie, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Singapour, Suède et Suisse. Entre mai et juin 2023, Capgemini a sondé 6 775 assurés de 50 ans et plus, ainsi que 200 dirigeants d’assurance.

La population des 50 ans et plus fera face au désengagement de l’État et à la hausse du coût des soins de santé, selon le rapport. « En conséquence, l’écart de protection à la retraite devrait quadrupler d’ici 2050 pour atteindre 400 billions de dollars américains (B $ US), dans les marchés disposant des systèmes de pension les plus importants et les mieux établis », peut-on lire. Cette somme représente plus de 535 billions de dollars canadiens (B $ CA) au taux de change du 18 décembre 2023. 

Commencer par les plus riches ? 

Le rapport souligne que les 50 ans et plus ont besoin de solutions complètes et flexibles pour les aider à bien vieillir, mais se butent à des produits d’assurance complexes ou dont ils ne sont pas au courant de l’existence, observe Capgemini.

D’après son étude, les assureurs qui sauront renforcer leurs relations avec les assurés vieillissants et leurs bénéficiaires saisiront le mieux l’opportunité du transfert d’actifs.

Les auteurs croient que la première occasion se présentera avec le marché des segments de la population aisée et de la population aisée de masse, parce que cette population détient 39 % de la richesse mondiale et représentent environ 20 % de la population vieillissante. « Ces clients contrôlent des actifs significatifs, sont intéressés par une retraite progressive et se montrent peu confiants envers la retraite. Ils ont également besoin d’un soutien flexible de la part des assureurs vie », écrivent-ils.

Selon la définition de Capgemini, le segment de la population aisée se dit de ceux qui disposent de 250 000 $ US à 1 M$ US à investir, soit entre 335 000 $ CA et 1,3 M$ CA. La population aisée de masse est définie comme celle disposant de 100 000 $ US à 250 000 $ US, soit entre 134 000 $ CA et 335 000 $ CA. 

Chez les 50 ans et plus, Capgemini note que plus de 75 % souhaitent des produits d’assurance vie innovants, mais seulement 27 % des assureurs ont des capacités avancées de développement de produits. 

Énorme potentiel à perdre 

La plupart des individus âgés de 65 ans ou plus n’ont pas de conseiller financier et sont mal préparés en matière de planification successorale - Capgemini 

Mauvaise nouvelle pour l’industrie, le rapport de Capgemini révèle que 60 % des individus âgés de 65 ans ou plus n’ont pas requis les conseils financiers d’un professionnel en vue de préparer leur retraite ou de transférer leur patrimoine. « La plupart des individus âgés de 65 ans ou plus n’ont pas de conseiller financier et sont mal préparés en matière de planification successorale. Cela survient au moment où le transfert intergénérationnel de richesse le plus significatif de l’histoire est sur le point de commencer », rapportent les auteurs du rapport. 

Selon le rapport, cette tranche de la population mondiale contrôle une part importante des actifs d’assurance. « Les assureurs ont des raisons de s’inquiéter : aujourd’hui, les titulaires de polices âgés de 65 ans et plus contrôlent 40 % des actifs sous gestion des assureurs. D’ici 2040, ils transféreront la majorité de ces actifs à leurs bénéficiaires », ajoute Capgemini dans son étude. Capgemini estime cette proportion de 40 % des actifs à 7,8 B $ US, soit près de 10,5 B $ CA. Les trois quarts (71 %) de ce patrimoine passeront aux mains de bénéficiaires de 50 ans et plus. 

Cet article est un Complément au magazine de l'édition de décembre 2023 du Journal de l'assurance.