La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) craint que les nouveaux pouvoirs de prescription qui seront accordés aux pharmaciens en vertu du projet de loi 67, qui vise à élargir certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux, ne placent ces derniers en conflit d’intérêts puisqu’ils vendent les médicaments qu’ils pourront prescrire à leurs clients. Un risque que rejettent les principaux intéressés. 

En plus de modifier le champ d’exercice des pharmaciens, le projet de loi 67 leur permettra notamment de :

  • Prescrire des médicaments de façon beaucoup plus large, notamment en abolissant certaines modalités actuelles. 
  • Réaliser des prélèvements dans la gorge pour ensuite traiter certaines infections (exemple : prescrire un antibiotique pour une pharyngite à la suite d’un prélèvement positif). 
  • Administrer des médicaments par diverses voies d’administration. 
  • Retirer les délais pour la prolongation d’ordonnance. 

Le projet de loi 67 va étendre à d’autres professionnels certains actes ou pouvoirs qui étaient réservés aux médecins. 

Ni la FMOQ ni la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) n’ont été invitées par la ministre Sonia Lebel à s’exprimer en commission parlementaire au sujet de ce projet de loi. La FMOQ a toutefois produit un mémoire pour faire valoir ses vues. 

Médecins de famille d’accord sur le fond 

Marc-André Amyot

Sur le fond, l’association qui représente les médecins de famille se dit d’accord avec les intentions du projet de loi.

« Si l’objectif est de diminuer les tâches administratives des médecins en lien avec l’exigence d’un diagnostic officiel par les assureurs et employeurs, écrit son président, le Dr Marc-André Amyot, alors la FMOQ salue cette décision. » 

« Pour ce faire, ajoute-t-il, le législateur devra modifier les lois et règlements applicables aux assureurs, employeurs et organismes gouvernementaux afin qu’ils acceptent des formulaires complétés par les autres ordres professionnels qui pourront diagnostiquer des troubles mentaux, sexuels ou de langage. » 

La FMOQ demande d’être consultée lors de l’élaboration des règlements qui vont s’ensuivre.

Possible conflit d’intérêts des pharmaciens  

La Fédération soulève toutefois des inquiétudes sur l’extension des pouvoirs d’évaluation et de prescription des pharmaciens. 

« Contrairement à un médecin qui prescrit un médicament, exprime le Dr Amyot, un pharmacien a un intérêt financier direct et immédiat en lien avec son pouvoir de prescrire. Ceci le place en position de conflit entre ses intérêts financiers personnels et ceux de la population. » 

Il rappelle que les médecins s’étaient vu retirer ce pouvoir de vendre eux-mêmes des médicaments pour cette raison.

« Alors, se demande-t-il, pourquoi permettre aux pharmaciens ce qui est interdit aux médecins ? » 

Il soutient par ailleurs que les pharmaciens n’ont ni la formation, ni le temps, et peu ou pas de local pour procéder à une évaluation physique ou mentale d’un usager. Ils travaillent avec un dossier pharmacologique. 

Évaluer ou diagnostiquer ? 

Un des objectifs du projet de loi 67, dit la FMOQ, semble de vouloir mettre fin à la question de sémantique entre les termes « évaluer » et « diagnostiquer ». Il faudrait, dit-elle, établir la distinction entre les deux.

« Il est questionnable sur les plans éthiques et professionnels, plaide-t-elle, de conférer aux pharmaciens le pouvoir de diagnostiquer des maladies sans véritable examen ni consultation du dossier médical électronique du médecin traitant, pour ensuite, leur permettre de vendre les médicaments reliés à ce diagnostic. » 

« Il sera important pour le gouvernement de procéder à des études d’impact des règlements à venir afin de quantifier les coûts additionnels », dit le Dr Amyot. 

Réponse des pharmaciens 

Par la voix de son président, Benoit Morin, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a réagi à ces propos. Elle parle de craintes désuètes qui avaient déjà été soulevées lors du projet de loi 41 en 2011.

« Arrivons en 2024 ! », lance-t-il dans sa réplique. 

« Personne n’a vu la vente des médicaments traitant les infections urinaires grimper en flèche après l’adoption de ces projets de loi donnant plus d’autonomie aux pharmaciens », a-t-il dit. 

« La FMOQ a des craintes et nous les comprenons, ajoute M. Morin. C’est un changement important qui arrive et il y aura une période de transition. Les pharmacies devront s’ajuster et aménager leurs espaces. C’est pour cette raison qu’il est important que le gouvernement rémunère adéquatement les activités cliniques offertes par les pharmaciens et qu’il s’assure de faciliter le financement pour que les pharmaciens propriétaires puissent continuer d’aménager leurs officines de façon optimale. »