Plus tôt en juillet, Advocis, l’Association des conseillers financiers du Canada, a annoncé la nomination de Curtis Kimpton, de Saskatoon en Saskatchewan, à titre de président du conseil d'administration, succédant ainsi à Al Jones.

Curtis Kimpton

M. Kimpton, qui détient les titres de planificateur financier agréé (CFP) et de gestionnaire de placements agréé (CIM), délivrés par le Canadian Securities Institute (CSI), ainsi que celui d’assureur-vie agréé (Chartered Life Underwriter – CLU en anglais), œuvre dans le secteur depuis près de 30 ans. (Notons qu'au Québec, le titre d’Assureur-vie agréé – AVA est décerné par la Chambre de la sécurité financière.)

Il a passé les 22 premières années de sa carrière chez le Groupe Investors. Depuis sept ans, il est conseiller principal en gestion de patrimoine chez Wellington-Altus Private Wealth. Il est membre actif d’Advocis depuis 2014. 

L’association a également annoncé l’élection de quatre nouveaux membres au conseil d’administration : Tannis Dawson, Kelly Ho, Chris Hudson et Tina Tehranchian. Arun Channan, Sara La Gamba et Ejaz Nadeem demeurent au sein du conseil. Al Jones continuera de siéger pendant un an à titre de président sortant. 

Une période charnière 

En entrevue avec le Portail de l’assurance, Curtis Kimpton a indiqué que les perspectives et les compétences des nouveaux membres aideront l’organisation à traverser une « période charnière ». Au cours des dernières années, Advocis a dû relever plusieurs défis, dont une instabilité financière et diverses poursuites judiciaires. 

Dans son rapport annuel 2023 intitulé Reconstruire avec résilience, l’ancien président-directeur général (PDG) intérimaire Harris Jones écrit : « Inutile d’embellir la réalité : en 2022 et 2023, nous avons subi des pertes financières sans précédent, accompagnées d’une crise de liquidités qui a représenté une menace pour l’existence de l’organisation. » 

Le bilan publié dans ce rapport fait état d’un « déficit des revenus par rapport aux dépenses » de 2,7 millions $ en 2022. En 2023, cette perte s’élevait à 766 000 $. Il s’agit du rapport annuel le plus récent disponible sur le site web d’Advocis. Le rapport 2024 y sera publié le 29 juillet, indique Lucas Di Rocco, porte-parole d’Advocis, au Portail de l’assurance

Parmi les stratégies utilisées par l’association pour rétablir sa stabilité financière, on retrouve un emprunt sur des polices d’assurance détenues par Advocis ainsi qu’un prêt provenant du Fonds de l’Initiative du Siècle, précise le rapport 2023. Des mesures de réduction des coûts, comme une interdiction de voyager et une restructuration du personnel, ont aussi été mises en œuvre. 

Redressement majeur 

Questionné sur la situation financière actuelle de l’association, M. Di Rocco a fourni une copie du rapport de gestion annuel 2024 (MD&A pour Management Discussion & Analysis en anglais) transmis aux membres au mois de mai. On y apprend que les finances de l’organisation se sont redressées de manière importante, avec « un excédent net consolidé de 1,82 million $, soit une amélioration de 2,59 millions $ par rapport à l’année précédente ». Cette amélioration, indique le rapport, s’explique principalement par des économies de 907 000 $ en prestation de services et de 1,42 million $ en dépenses d’exploitation générales, ainsi qu’une hausse des revenus de 432 000 $ par rapport à 2023. 

Ce retour à la stabilité financière permet à l’association d’amorcer une phase de réinvestissement stratégique, poursuit le document. « En 2025 et au-delà, nous concentrerons nos efforts sur l’amélioration de la valeur offerte aux membres, le renforcement de la profession et l’expansion de notre influence dans l’ensemble du secteur. » 

En septembre 2023, après que le conseil eut pris connaissance de l’ampleur des pertes, le PDG de longue date Greg Pollock a été congédié. Harris Jones a alors été nommé PDG intérimaire dans le cadre du plan de redressement. 

Défis juridiques 

Greg Pollock a ensuite intenté une poursuite pour congédiement injustifié, tout comme l’ex-directrice de l’exploitation Julie Martini. Ces dossiers ont été réglés à la fin de 2024, selon un article publié en décembre dans Investment Executive

En septembre 2024, Kelly Gorman, comptable professionnelle agréée, a été nommée PDG d’Advocis. 

À propos des défis juridiques passés et en cours, Lucas Di Rocco a déclaré : « À court terme, le conseil d’administration a mis en place des mesures claires afin que la gestion de ces litiges ne nuise pas à notre capacité à bien servir nos membres. À long terme, notre présidente-directrice générale, Kelly Gorman, a instauré des mécanismes de contrôle et des procédures pour minimiser les risques juridiques futurs. En ce qui concerne les dossiers en cours, nous ne pouvons formuler aucun commentaire pour le moment. » 

C’est pendant cette période agitée que Curtis Kimpton s’est impliqué à l’échelle nationale. Il a d’abord siégé au comité des finances et de vérification en 2021, avant de devenir membre du conseil en 2023. « Je suis arrivé en plein cœur de la tempête. » 

Il ne le regrette pas. « Quand on intègre un conseil et qu’il y a des enjeux importants, il faut retrousser ses manches, s’investir et commencer à régler les problèmes. C’est exactement ce que nous avons fait en tant que conseil. Il y avait toutes sortes d’enjeux, petits et grands. Mais aujourd’hui, je vois la lumière au bout du tunnel… Nous sommes incroyablement concentrés. L’avenir d’Advocis s’annonce prometteur. » 

Il attribue une grande partie de cette amélioration à la nouvelle PDG, Kelly Gorman. « Son travail est remarquable… Elle fait tout ce que nous pouvons espérer. » 

La voie du redressement 

Même si Advocis a dû affronter de nombreux vents de face, M. Kimpton estime que l’association est en voie de s’en sortir. « Nous sommes de retour sur la voie du redressement et nous bâtissons un avenir financier solide pour l’organisation. » 

Quant à sa vision personnelle en tant que président du conseil, sa priorité absolue est de renforcer la gouvernance. « Je pense que nous avons besoin d’un petit remaniement et de nous assurer que nos membres ont une confiance totale en ce que nous faisons. » 

Comment compte-t-il y parvenir? « Nous sommes en plein processus. Nous passons en revue l’ensemble de nos règlements administratifs et de nos politiques. Nous allons procéder à une modernisation complète de notre gouvernance. » 

Rebâtir la confiance 

Selon lui, cela mènera à « un Advocis plus moderne ». « L’une de nos grandes priorités est de démontrer une surveillance financière plus rigoureuse, explique-t-il. Nous avons compris qu’il fallait changer. Nous avons aussi compris qu’il fallait améliorer et clarifier nos communications avec les membres. Ce sont les deux piliers essentiels pour rebâtir la confiance. » 

En assumant son nouveau rôle, Curtis Kimpton affirme : « Pour être honnête, ce qui me motive le plus, c’est l’ouverture et la transparence… Je veux que nous soyons transparents sur nos intentions. » Selon lui, cette ouverture aidera l’association à construire un avenir où les membres se sentent impliqués. 

L’un des changements majeurs apportés par le nouveau conseil est la forte représentation des femmes. On y compte désormais quatre femmes et cinq hommes. Par le passé, « le conseil était très largement masculin… comme a tendance à être le secteur en général », souligne-t-il, en se disant enthousiaste face à ce changement. « C’est agréable de voir de la diversité à notre conseil. » 

Parmi les nouvelles administratrices figure Tina Tehranchian, d’Assante Capital Management Ltd. Elle est bien connue dans le milieu et a été nommée à l’Ordre du Canada en 2024. « Elle possède une solide expérience en gouvernance », souligne M. Kimpton. 

Défis liés à l’adhésion 

Lors de son assemblée générale annuelle du printemps dernier, la Conference for Advanced Life Underwriting (CALU) a tenu un vote pour maintenir ou non l’obligation pour ses 600 membres d’être également membres d’Advocis. Le vote a confirmé cette exigence. 

Selon M. Kimpton, il est normal que les partenaires remettent les choses en question lorsqu’un organisme traverse une crise. « Je suis heureux que la CALU ait fait preuve de diligence raisonnable et qu’elle ait constaté que nous sortions de cette période difficile et que nous allons de l’avant. Notre objectif est de maintenir de solides relations non seulement avec la CALU, mais avec tous nos partenaires. » 

Un des principaux enjeux pour l’organisation reste la baisse du nombre de membres. Selon le rapport de gestion 2024, Advocis compte « plus de 4 300 membres payant la pleine cotisation, ainsi qu’un nombre croissant de membres provisoires, étudiants et retraités ». Lucas Di Rocco indique qu’en 2024, l’ensemble des membres – toutes catégories confondues – atteignait 7 500. Cette année, ce chiffre est de 7 400. « Soutenir et faire croître notre base de membres demeure une priorité centrale », a-t-il déclaré. 

Dans son rapport annuel de 2019, Advocis faisait état de 12 000 membres. Interrogé à ce sujet, M. Di Rocco explique que la méthode de calcul a changé. « Le chiffre de 12 000 englobait toute personne ayant interagi avec Advocis de quelque manière que ce soit, que ce soit par la formation, la participation à un événement ou autre, et pas seulement les membres payant la pleine cotisation. Nous n’utilisons plus cette définition, car elle ne reflétait pas fidèlement notre structure d’adhésion. » 

Pour rebâtir sa base de membres, l’association veut raviver l’engagement de ses membres et attirer de jeunes conseillers, mentionne Curtis Kimpton. 

L’une des stratégies consiste à créer un comité des leaders émergents pour les conseillers comptant entre cinq et quinze ans d’expérience. « Nous avons besoin que ces jeunes professionnels viennent nous dire ce dont ils ont besoin et nous donnent leur point de vue afin de façonner l’avenir d’Advocis, explique-t-il. Leurs enjeux sont différents de ceux que j’ai connus il y a 25 ans, au début de ma carrière. Nous voulons bâtir pour la prochaine génération. » 

En complément, Advocis met davantage l’accent sur le recrutement par le biais d’adhésions étudiantes et provisoires à tarif réduit. « Nous continuons d’adapter notre offre, car nous voulons que les gens s’impliquent dès le début… Cela leur donne accès à la formation et à un réseau, deux choses essentielles en début de carrière. » 

Initiatives de recrutement 

Les adhésions étudiantes et provisoires ne sont pas nouvelles, mais elles n’avaient jamais été véritablement prioritaires, note M. Kimpton. Ces efforts passeront par une « mobilisation locale » dans les différentes sections régionales du pays, précise-t-il. 

Le recrutement de jeunes conseillers est particulièrement important pour l’organisation, surtout dans un contexte de nombreux départs à la retraite, un facteur majeur de la baisse de membres, souligne-t-il. 

Le comité sur la technologie et l’innovation de l’association contribue également à cet objectif, en développant des outils numériques et des plateformes d’apprentissage. « Nous développons davantage notre présence numérique pour aider les jeunes conseillers occupés… Nous cherchons des ressources et des outils avant-gardistes pour soutenir leurs pratiques. » 

Défis du secteur 

Parmi les enjeux qui préoccupent ses membres, M. Kimpton cite d’abord « l’évolution du paysage réglementaire, que ce soit en matière de protection des titres ou d’harmonisation ». Il estime qu’Advocis entretient d’excellentes relations avec les parties prenantes de l’industrie et qu’elle peut « jouer un rôle de premier plan dans les discussions essentielles ». À cet égard, un document de réflexion sera publié dans les prochaines semaines, indique-t-il. 

Il insiste aussi sur la nécessité de maintenir des normes élevées dans l’industrie. C’est pourquoi Advocis souhaite l’harmonisation de la protection des titres de conseiller à l’échelle nationale – à l’image de l’initiative ontarienne

Protection des titres 

Dans un communiqué de presse publié en mars dernier, Advocis demandait aux gouvernements fédéral et provinciaux de collaborer à l’établissement d’une « norme nationale exécutoire pour les conseillers financiers ». Cette norme inclurait une protection nationale des titres afin que seuls les professionnels formés et certifiés puissent utiliser les titres de « conseiller financier » ou de « planificateur financier » (financial advisor et financial planner dans le communiqué en anglais). Elle devrait aussi inclure des critères minimaux de formation et d’éthique, indiquait alors Advocis. 

« L’élan se fait sentir à l’échelle du pays. Menées par l’Ontario, plusieurs provinces – dont le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan – prennent des mesures en ce sens, mais les progrès sont inégaux. L’absence de norme nationale rend les Canadiens vulnérables, en particulier ceux qui ne savent pas quoi rechercher chez un professionnel », mentionnait le communiqué. 

« Nous voulons que notre secteur se professionnalise, résume Curtis Kimpton au Portail de l’assurance. C’est essentiel pour notre avenir, et au fond, c’est une question de protection du consommateur. » 

Au Québec, l’usage de titres professionnels dans le secteur des services financiers est déjà rigoureusement contrôlé. Par exemple, l’Institut de planification financière est le seul organisme à décerner le titre protégé de planificateur financier (Pl. Fin.). Le diplômé qui l’a reçu doit ensuite obtenir un certificat de l’Autorité des marchés financiers pour pouvoir exercer à ce titre dans la discipline de planificateur financier. L’Autorité veille aussi à l’entrée en carrière des représentants en assurance de personnes (conseillers en sécurité financière). La Chambre de la sécurité financière agit comme organisme d’autoréglementation qui surveille la déontologie de ses membres.