L’Autorité des marchés financiers dit saluer l’initiative des agents généraux de leur donner une existence légale, qui leur permettrait du coup de superviser leurs conseillers de plus près. Toutefois, le régulateur écarte pour le moment toute réforme règlementaire.

Le Groupe de travail des agents généraux du Québec a déposé sa proposition d’encadrement des agents généraux le 10 mai dernier. Elle a été présentée simultanément à l’Autorité des marchés financiers, à la Chambre de la sécurité financière et à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).

La réforme demandée par le Groupe de travail n’est toutefois pas pour demain. En entrevue au Journal de l’assurance, le surintendant de l’assistance à la clientèle, de l’indemnisation et de la distribution de l’Autorité, Patrick Déry, a salué l’initiative. Ensuite, il a affirmé ne pas vouloir réparer ce qui n’est pas brisé. « Des gens de l’industrie, des gens sérieux ont pris la peine de présenter un document bien étoffé avec l’objectif sincère d’améliorer l’encadrement et la protection du public. Il faut toutefois rappeler que présentement, la règlementation n’est pas déficiente. Les agents généraux sont tous inscrits à titre de cabinet au Québec. Ce n’est pas comme si un pan entier de la chaine de distribution échappait à tout encadrement ».

Dans leur mémoire, les agents généraux du Québec proposent une reconnaissance légale de leurs entreprises en qualité de « cabinets mandataires ». Ce statut leur permettrait entre autres de mieux superviser chaque conseiller. Celui-ci devrait en effet transiger toutes ses affaires d’assurance de personnes individuelles par un seul cabinet mandataire.

Ce que propose le groupe est une autre façon d’encadrer, dit M. Déry. Une façon qui entrainerait une réforme importante, non seulement des ajustements marginaux. Le genre d’ajustements qui requiert beaucoup de réflexion et plusieurs consultations.

Or, l’harmonisation est un enjeu majeur pour l’Autorité et les autres régulateurs canadiens. « Les gens disent qu’il y a beaucoup d’encadrements, de systèmes et d’approches différentes. À chaque nouvelle approche, on s’expose à cette critique. Nous ne nous sentons pas interpellés à court terme par une réforme de l’encadrement des agents généraux au Québec », dit M. Déry.

Il croit que la réflexion sur l’encadrement des agents généraux doit plutôt s’inscrire dans celles qui ressortent de la consultation du Conseil canadien des responsables de la règlementation d’assurance (CCRRA). « Il est important de savoir ce que pensent les autres régulateurs au Canada », dit M. Déry.

Il ne ferme toutefois pas la porte à la proposition des agents généraux québécois. « Il y a sûrement des faits à regarder dans leur mémoire, mais il faut prendre le temps de le faire. »

Dans son document, le Groupe de travail des agents généraux du Québec mise sur l’autorèglementation. L’Autorité devrait, selon lui, déléguer à la Chambre de la sécurité financière la responsabilité d’encadrer les cabinets mandataires, et se pencher plutôt sur les grandes politiques.

De son côté, Luc Labelle, président et chef de la direction de la Chambre, dit saluer le désir des agents généraux de clarifier leur rôle tant aux yeux des assureurs que des régulateurs, dans un esprit de protection du public. « Le fait que les agents généraux veuillent être encadrés et reconnus par la loi entrainera pour eux des droits, mais aussi des obligations à l’égard du public. Je ne vois rien dans cette proposition de nature à heurter le consommateur », a-t-il dit en entrevue au Journal de l’assurance.

Quant à la proposition du groupe de voir les agents généraux relever de la Chambre, M. Labelle y voit une reconnaissance de la valeur de l’autorèglementation. « C’est un système qui a fait ses preuves au Québec et ailleurs. Il permet au régulateur d’exercer un encadrement plus large, comme cela s’est fait ailleurs au Canada, en valeurs mobilières et en épargne collective », dit-il.

La prochaine étape n’est toutefois pas entre les mains de la Chambre, a rappelé son PDG. « Si l’Autorité souhaite qu’il y ait une réflexion autour du sujet, la Chambre sera heureuse d’y participer », dit-il.

L’initiative du Groupe de travail est survenue dans la foulée d’une consultation pancanadienne sur l’encadrement des agents généraux. Lancée par le CCRRA, elle prenait fin le 1er juin dernier.

En fait, cette consultation fait plutôt de l’ombre à la proposition du groupe québécois, car elle a retenu toute l’attention de l’ACCAP, a dit sa vice-présidente, affaires québécoises, Claude Di Stasio, questionnée peu avant la fin de la consultation. « Le document vient d’être traduit; il est trop tôt pour commenter. L’ACCAP répond présentement au CCRRA et la position est moins directive et respecte les orientations hors Québec. »

La position du CCRRA est perçue comme peu contraignante dans l’industrie parce qu’elle ne propose pas d’enchâsser les agents généraux dans la loi. Les agents généraux du Québec, eux, le demandent.