Après des années de développement, la plateforme numérique APEXA est devenue opérationnelle en aout 2017, avec la mission de devenir la norme en assurance de personnes pour l’inscription des conseillers au Canada. À la mi-avril 2021, APEXA comptait quelque 22 000 inscrits.

Plateforme similaire à APEXA, la base de données nationale d’inscription (BDNI) est obligatoire pour les conseillers qui exercent une discipline du secteur des valeurs mobilières. En ce qui concerne APEXA, seul un nouveau conseiller qui établit un contrat avec un agent général y est obligé par les compagnies d’assurance qui traitent avec cet agent général. Les assureurs ne l’exigent pas encore pour les conseillers avec lesquels l’agent général a déjà un contrat.

Propriété de la société privée torontoise LOGiQ3 Group, la plateforme APEXA a été développée par Bluesun, acquis depuis par iPipeline, fournisseur de système d’arrière-guichet pour agents généraux (Wealthserv Insurance) et courtiers de fonds communs (Wealthserv Investments). APEXA bénéficie du soutien d’un comité de gouvernance qui compte quatre agents généraux (Financière HUB, Groupe Financier Horizons, IDC Worldsource Insurance Network et PPI) et cinq assureurs (Canada Vie, Empire Vie, iA Groupe financier, Manuvie et Sun Life).

Les fondateurs en avance

Les quatre agents généraux partenaires sont passablement avancés dans leur démarche. À leur avis, l’adhésion a pris un rythme soutenu dans les derniers mois. Parmi eux, IDC Worldsource Insurance Network (IDC WIN) a été un des premiers agents généraux à avoir adhéré à son système de conformité, dit son président, Phil Marsillo.

« Nous avons plus de 2 000 conseillers inscrits à APEXA », avait-il révélé en mars. Un mois plus tard, il a révélé que le nombre d’inscrits atteignait plus de 2 200. Outre la présidence d’IDC WIN, M. Marsillo occupe également le poste de directeur des relations publiques de la Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA). « Au total il y a plus de 22 000 conseillers adhérents sur APEXA », a-t-il ajouté, alors qu’ils étaient 20 000 un mois plus tôt.

Président et chef des opérations de PPI, Jim Virtue estime les résultats excellents au chapitre des inscriptions à APEXA. En mars, il observait que quelque 200 conseillers s’ajoutaient chaque semaine à la plateforme d’APEXA. « Presque tous les assureurs et les agents généraux ont adhéré à APEXA. Actuellement, près de 4 500 de nos conseillers affiliés sont inscrits à APEXA », a-t-il révélé. Dans son rapport de gestion 2020, iA Groupe financier dénombre à 5 000 les conseillers au sein de sa filiale PPI Management.

Présidente et chef de la direction de Financière HUB, Terri Botosan dit compter actuellement 3 500 conseillers inscrits à APEXA, sur les 5 000 qu’elle qualifie d’actifs auprès de son agent général. Comme le calculent la plupart des agents généraux, la PDG de Financière HUB définit un conseiller actif comme celui à qui elle a payé des commissions de première année dans les 12 derniers mois. « L’inscription à APEXA n’est pas aussi rapide que je l’aurais espéré, mais nous prenons le rythme », dit-elle.

Président et chef de la direction de Groupe Financier Horizons (GFH), Nick Pszeniczny estimait avoir près de 4 500 conseillers actifs inscrits à APEXA. « Plus de 65 % de nos conseillers sont inscrits à APEXA ». Il dit « avoir des relations » avec 6 500 conseillers. « GFH représente 22 % des conseillers inscrits au système APEXA, ce qui est très encourageant », a ajouté M. Pszeniczny. Le PDG de l’agent général propriété de Canada Vie se donne pour objectif d’inscrire le reste de sa force de vente d’ici la fin de 2021.

Peu de bénéfices avant un an

Sur son site, APEXA précise que les assureurs et les agents généraux paient une cotisation annuelle calculée en fonction du nombre de conseillers inscrits à APEXA. « Le cout par conseiller diminue à mesure que le nombre de conseillers augmente et il y a un montant total annuel maximum », dit APEXA sans préciser ce maximum. Après s’être montré ouvert lors d’une première prise de contact de la part du Portail de l’assurance, APEXA n’a pas donné suite à nos demandes subséquentes d’entrevue.

Les quatre agents généraux de la première heure ont pour leur part vanté les avantages d’adhérer au système, tout en concédant que le cout d’entrée est important. « Actuellement, on voit les couts. Je crois que les bénéfices escomptés arriveront éventuellement. Plus il y aura de conseillers sur APEXA, plus nos employés qui traitent les contrats avec les conseillers pourront faire autre chose », souligne Phil Marsillo.

S’il coute en argent et en apprentissage la première année, l’avantage d’APEXA devient évident lors du renouvèlement annuel des droits de pratiques du conseiller, estime Phil Marsillo. « Un conseiller qui traite avec sept assureurs différents devait transmettre son numéro de permis et sa preuve d’assurance responsabilité à sept endroits différents. Avec APEXA, tout se fait en une seule fois et c’est réglé pour les années suivantes », dit le président d’IDC WIN.

Pour inscrire un conseiller, l’agent général lui envoie un courriel d’APEXA qui incite le conseiller à créer son compte avec mot de passe et compléter son profil. Le conseiller n’a pas à le refaire pour ses contrats avec d’autres agents généraux. S’il met son profil à jour, les changements sont automatiquement transmis par la plateforme aux agents généraux et assureurs concernés. Outre les renseignements personnels, APEXA demande entre autres au conseiller une copie numérique de permis d’exercice et de police d’assurance erreur et omission professionnelle (E&O), ainsi que des renseignements sur les assureurs avec lesquels il a déjà transigé.

APEXA a aussi une entente avec Equifax pour vérifier la solvabilité. Le conseiller recevra en outre un courriel l’incitant à se connecter au site de Backcheck, pour vérification en cas de dossier criminel. Le conseiller qui représente une entreprise doit fournir la date de constitution de l’entreprise, la liste de ses actionnaires et une copie numérique des statuts de constitution.

Pour sa part, Terri Botosan rappelle qu’APEXA reçoit une confirmation des régulateurs de certaines provinces lorsqu’un permis est renouvelé, ce qui lui permet de mettre la base de données à jour automatiquement (elle donne l’exemple de la Colombie-Britannique). La PDG de Financière HUB signale en outre que le conseiller devra consentir « de 30 à 60 minutes » à créer son profil. « Les conseillers inscrits à APEXA depuis un moment disent avoir mis du temps à créer un profil, mais que tout devient ensuite tellement plus facile », rapporte Mme Botosan.

D’autres se montrent davantage préoccupés par le rapport cout-bénéfice d’APEXA. Présidente de Qualified Financial Services (QFS), Fiona Cuddy confie être arrivée au milieu du processus d’implantation d’APEXA. Elle dit attendre d’avoir complété l’implantation avant de se prononcer sur la capacité du système à améliorer l’inscription des conseillers et rendre plus efficaces la mise sous contrat et le suivi de conformité.

Fondateur et président du conseil de QFS, Kevin Cott a ajouté : « Pour un agent général de notre taille, c’est assez cher. À ce stade, je ne sais pas quelle sera la valeur réelle. » M. Cott révèle que QFS compte 2000 conseillers sous contrat, dont 1000 transigent régulièrement avec lui.

Pas d’obligation, pas d’inscription

Vice-président et directeur général de Groupe Cloutier, Michel Kirouac observe que des agents généraux ont adhéré à APEXA, mais n’ont pas amorcé la démarche de faire adhérer les conseillers qui traitent déjà avec eux parce qu’ils n’en ont pas l’obligation. Des assureurs continuent d’accepter les mises sous contrat papier ou à partir de leur système interne, observe-t-il.

« Tous les agents généraux se donnent l’objectif de transférer les contrats des conseillers vers APEXA, mais tant que les assureurs ne rendront pas la plateforme obligatoire, plusieurs agents généraux réagiront comme nous », dit Michel Kirouac, qui est également directeur Québec de CAILBA.

Le vice-président et directeur général de Groupe Cloutier compare APEXA à la BDNI, à laquelle l’adhésion de tous les représentants en épargne collective est obligatoire. « Si c’est la volonté de l’industrie d’avoir APEXA, les compagnies d’assurance doivent rendre obligatoire l’adhésion à sa plateforme. Les services juridiques des assureurs disent que ce ne serait pas possible. Je crois au contraire que c’est possible, s’ils laissent une période de transition et d’adaptation », soutient M. Kirouac.

Président de MICA Cabinets de services financiers, Gino-Sébastian Savard affirme que son agent général a adhéré à la plateforme, mais n’y a inscrit encore aucun conseiller. M. Savard croit que les assureurs pourraient difficilement imposer APEXA au réseau des agents généraux. « Des assureurs ont déjà menacé de le faire, dit-il. Ils sont adeptes de la ligne dure. D’autres n’en sont pas là. » Selon lui, imposer une façon de faire des affaires pourrait nuire au développement de leurs ventes.

Réduire les couts des agents généraux

Le président de MICA affirme que les couts sont un frein important pour plusieurs agents généraux. « Mon frère Martin participe au comité de tarification d’APEXA », ajoute-t-il. Martin Savard est vice-président exécutif de MICA. « Les discussions progressent, mais il n’y a pas encore de solution, relate Gino Savard. Chez MICA, on ne voit pas le bénéfice d’APEXA à part celui de satisfaire nos fournisseurs. Les assureurs ont engouffré beaucoup d’argent dans APEXA ; je comprends leur désarroi, mais nous ne voulons pas investir des sommes en espérant les récupérer après. »

Les agents généraux souhaitent que la tarification d’APEXA soit revue, rapporte Michel Kirouac, aussi impliqué dans le comité de tarification d’APEXA. « Ce comité se penche sur la meilleure façon de percevoir les frais », explique-t-il. À 75 $ par conseiller adhérent, les frais qu’assume l’agent général peuvent lui apparaitre prohibitifs, poursuit-il. « Payer 75 $ pour 2000 conseillers me coute 150 000 $, pour un système qui n’est pas obligatoire. À ce jour, personne ne m’a démontré que j’économiserais beaucoup d’argent et de temps avec APEXA. Mais tout le monde croit que cela peut nous apporter des choses éventuellement », concède-t-il.

M. Kirouac souligne par ailleurs que l’inscription d’un représentant de courtier en épargne collective (fonds communs) coute encore plus cher. En 2021, l’Autorité des marchés financiersa établi à 383 $ les frais annuels qu’elle perçoit du courtier pour chaque représentant en épargne collective inscrit. Administrateur de la BDNI, la société de technologies de l’information CGI perçoit des frais de 75 $, lors de l’inscription initiale à la base de données. 

Faire payer les conseillers ?

Le vice-président et directeur général de Groupe Cloutier croit que l’obligation d’adhérer à APEXA doit s’accompagner d’un partage des couts du financement d’APEXA, qui inclurait une cotisation de la part des conseillers. « Cette formule de cout raisonnable doit impliquer une cotisation des assureurs, des agents généraux, et aussi des représentants. » Comment ? « Il y a des scénarios sur la table, mais rien de décidé encore », a répondu Michel Kirouac. « Les couts peuvent sembler importants, mais ils seraient répartis sur 60 000 conseillers au Canada », ajoute-t-il.

Les agents généraux ont exprimé d’autres préoccupations, ajoute M. Kirouac. « Si un conseiller traite avec cinq agents généraux différents, on paie cinq fois. Il faut éviter les doublons et trouver la bonne solution pour les structures de couts. » Il parle également du plafond de cotisation des agents généraux, qu’il a établi à 150 000 $ dans un exemple. Cette formule d’un cout maximum pour l’agent général pose selon lui un problème de financement à APEXA. « Lorsqu’IDC WIN a acheté Aurrea et Copoloff, APEXA a perdu deux clients. C’est un modèle d’affaires discutable », dit-il.

Un train qui ne reculera pas

Il y a des enjeux de tarification, reconnait pour sa part Yan Charbonneau, PDG de l’agent général Groupe AFL et de sa société mère, Synex Performance d’affaires. M. Charbonneau est également vice-président et trésorier de CAILBA. « APEXA est un train qui ne reculera pas, lance-t-il. Nous l’acceptons, et en sommes à l’adhésion des conseillers. Le faire maintenant ou dans un ou deux mois ne changera rien… Il faut le faire. La question a été débattue et toute l’industrie va dans cette direction », rappelle M. Charbonneau.

Pour l’heure, un agent général peut adhérer à APEXA sans aucun conseiller inscrit, tant qu’il n’en recrute pas de nouveau. « C’est une situation temporaire, dit le PDG de Groupe AFL. Tous les conseillers avec un contrat déjà en vigueur y viendront, c’est une question de temps. C’est un train qui ne reculera pas. »

Pour sa part, Jim Virtue rappelle que tous tireront des bénéfices d’APEXA à condition d’y adhérer. Le président et chef des opérations de PPI prévoit d’ailleurs que l’obligation viendra. « Les assureurs travaillent à faire en sorte que tous s’inscrivent au système, qui deviendra éventuellement la seule façon de transiger avec eux », dit-il. M. Virtue croit que la plupart des agents généraux ont adhéré au système et s’efforce d’y inscrire tous leurs représentants.

Protection du consommateur

Joindre APEXA n’est pas seulement important pour l’industrie pour les membres de l’industrie, signale pour sa part Nick Pszeniczny. « Adhérer à APEXA est une décision gagnante pour tous, particulièrement les consommateurs. APEXA permettra aux conseillers d’établir et rétablir leur contrat de manière efficace et conforme, en toute transparence », dit le PDG de Groupe Financier Horizons.

Selon M. Pszeniczny, les agents généraux auront la capacité de superviser plus adéquatement les conseillers du point de vue règlementaire. Il accorde que l’avènement d’APEXA a été un long périple, mais estime que la plateforme numérique peut maintenant produire les bénéfices auxquels s’attendent les agents généraux.

Cet article est un Complément au magazine de l'édition d'avril 2021 du Journal de l'assurance.