C’est le 8 aout dernier qu’APEXA a enfin vu le jour, après quelques retards. La plateforme infonuagique de mise sous contrat et de suivi de la conformité doit maintenant rallier l’industrie, incluant ceux qui doutent de sa pertinence.

Le lancement a été célébré en grand chez APEXA. « Malgré tout l’enthousiasme, nous savons pertinemment qu’il nous reste beaucoup de travail à faire pour nous assurer que tout va bien et pour continuer à livrer la marchandise. Nous gardons quand même la tête froide », dit Tonya Blackmore, chef de la direction de la société mère APEXA Corp.

Un volet de ce réalisme tient au fait que l’on vise l’adhésion de quelque 85 000 conseillers et entreprises d’ici la fin de 2018. Y compris des personnes qui ne sont pas vraiment pressées d’utiliser la plateforme.

Mme Blackmore soutient que bon nombre des personnes qui ont formulé des commentaires négatifs sur APEXA fondent leur opinion sur une information erronée ou encore incomplète. Dans la foulée, elle invite les entreprises et professionnels « circonspects » à prendre le temps de préciser la nature de leurs préoccupations.

Le choix deviendra obligation

Cela étant, ceux qui refusent d’adhérer à APEXA n’auront probablement pas beaucoup d’autres choix, avance-t-elle. « Nous sommes certes un prestataire de services, mais nous avons été choisis par l’industrie pour la desservir. Les assureurs ont décidé que tout agent général désireux de faire affaire avec eux devra passer par APEXA. C’est pour eux une façon de s’assurer que le secteur est géré adéquatement et en conformité avec la réglementation. Une grande partie des efforts déployés pour faire adhérer les agents généraux à APEXA sera liée aux assureurs qui l’exigeront. »

APEXA Corp. est une entreprise privée détenue par la société de conseillers en gestion des affaires LOGiQ3, spécialisée en assurance. Elle vise à regrouper sur une même plateforme un outil de mise sous contrat et de suivi de la conformité à l’intention des conseillers. Des assureurs ont œuvré à la mise en place du nouveau système : Canada-Vie, Empire Vie, iA Groupe financier, Manuvie et Financière Sun Life. Ont également participé au projet les agents généraux Financière HUB, Groupe Financier Horizons, Réseau d’assurance IDC Worldsource et PPI Solutions. La société de logiciels Bluesun agit comme partenaire technologique d’APEXA.

APEXA a fait ses premiers pas en 2014 et devait initialement être lancé au début de 2016. Or, ses « parrains » ont décidé qu’ils voulaient rendre le projet plus attrayant pour les conseillers. On a alors reporté le lancement à la mi-2016, date où APEXA a annoncé qu’il lui fallait plus de temps pour régler certains pépins liés à la complexité des systèmes internes des grandes sociétés d’assurance.

Mme Blackmore signale que la prochaine étape consiste à permettre au groupe d’amener davantage d’assureurs et d’agents généraux à considérer qu’APEXA est désormais la norme de l’industrie. « C’est pas mal de boulot », reconnait-elle.

Prix inconnu

Le prix d’APEXA n’a pas été rendu public. Cela n’empêche pas certains conseillers, comme le président de Megacorp Insurance Agencies, Richard Gilbert, de croire que les conseillers devront encaisser le coût lié à ce nouveau système, maintenant ou plus tard.

« On ne peut pas rendre quelque chose obligatoire si ce n’est pas gratuit, estime-t-il. S’ils facturent cela aux assureurs et aux agents généraux, combien de temps faudra-t-il avant que cela se répercute vers le bas et que les conseillers écopent ? Les agents généraux sont poussés dans leurs derniers retranchements et tout leur tombe dessus. À un moment donné, ils vont arrêter d’absorber toutes sortes de frais et de dépenses. »

Jim Virtue, PDG de Solutions PPI, affirme pourtant que rien ne laisse suggérer une telle chose. « Je connais bien APEXA, pour faire partie des entrepreneurs qui ont amorcé le projet. Or, je n’ai jamais entendu qui que ce soit autour de moi évoquer le fait que la plateforme allait être financée par les conseillers, déclare-t-il. Elle a été financée par les cinq assureurs et les quatre agents généraux fondateurs du projet. Les conseillers n’ont pas eu à payer quoi que ce soit. Je ne me suis jamais retrouvé dans une discussion où l’on mentionne la possibilité de passer la facture aux conseillers. »

Pas de facture aux conseillers

Tonya Blackmore va dans le même sens, maintenant qu’elle n’a jamais entendu un agent général parler de refiler la facture aux conseillers. Les assureurs et les agents généraux consacrent déjà des sommes considérables en matière de conformité, dit-elle. À leurs yeux, le budget consacré au suivi des conseillers, que ce soit par l’ancienne méthode ou par APEXA, fait partie des dépenses à prévoir quand on fait des affaires, précise-t-elle.

« À bien des égards, ils faisaient déjà tout ce qu’APEXA propose désormais. C’était plus manuel et moins efficace. Ils remplacent simplement une dépense par une autre. »

La principale différence, c’est qu’APEXA simplifiera certaines tâches en matière de conformité devant être effectuées par les conseillers. Ceux-ci iront une fois dans le système pour ouvrir leur compte, en entrant notamment leurs numéros de permis et de police erreurs et omissions. Tout changement, touchant par exemple les renseignements bancaires et l’adresse, ne sera ensuite versé qu’une seule fois dans APEXA. L’information sera transmise à toute personne de l’industrie avec laquelle le conseiller a des liens contractuels.

Mme Blackmore souligne que les conseillers peuvent entretenir des relations avec 10 à 15 assureurs et agents généraux. L’utilisation d’APEXA améliorera considérablement leur façon de faire, dit-elle. Jim Virtue ajoute que comme APEXA est une solution numérisée, le processus reviendra beaucoup moins cher que la méthode papier actuelle.

M. Gilbert se préoccupe pour sa part des questions de cybersécurité et de propriété des données. L’APEXA est propriétaire des données, qui lui sont transmises par des agents généraux, des assureurs et des conseillers, explique Mme Blackmore. Or, les agents généraux, pas plus que les assureurs, ne peuvent entrer ni modifier une information. Seul un conseiller le peut.

« Le conseiller est responsable de son profil, qui comprend l’information qu’il aura lui-même entrée. Il est le seul à pouvoir changer quoi que ce soit, insiste-t-elle. Il a fallu créer une limite quelque part. Il est vrai qu’il s’agit d’une base de données contributive. De nombreuses personnes y ont accès. On ne peut pas permettre à tout un chacun de modifier les données. »

APEXA voit en outre à la sécurité. La firme dit avoir fait le nécessaire pour mettre « la barre très haute » pour protéger les données, fait remarquer Mme Blackmore.

Elle indique que la prochaine étape consiste à faire adhérer les autres assureurs et quelques grands agents généraux additionnels, particulièrement ceux qui ont manifesté un certain intérêt. D’autres joueurs se grefferont au cours de 2018.

Selon M. Virtue, si APEXA a connu quelques difficultés en cours de route, l’industrie constatera rapidement que c’était la meilleure chose à faire. « C’est dommage que les débuts aient été plus ardus que prévu. Dans deux ou trois ans, nous nous demanderons comment nous avons pu nous passer tout ce temps d’un outil comme APEXA. C’est la chose à faire pour l’industrie. »