Le cabinet de courtage Dale Parizeau Morris Mackenzie (DPMM) et l’Association Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ) ont réussi à concevoir le programme Heritas, spécifique aux maisons anciennes. Le chemin a été ardu, car aucun assureur régulier ne voulait soutenir le programme, DPMM devant finalement se tourner vers l’expertise des marchés de Lloyd’s.L’APMAQ travaillait depuis dix ans à concevoir ce programme pour répondre aux besoins précis des maisons bâties avant 1940. À l’origine de cette initiative se trouvent les multiples difficultés auxquelles se heurtent les propriétaires de maisons anciennes en quête d’une assurance habitation qui répond adéquatement à leurs besoins tout en étant abordable, dit Louis Patenaude, président de l’APMAQ.

Selon lui, l’attitude des assureurs est attribuable à une méconnaissance de la réalité des maisons anciennes. « Ces difficultés tiennent le plus souvent à des préjugés voulant que l’ancienneté d’une maison se traduise par un niveau élevé de risques », dit-il.

Pourtant, explique Serge Meloche, directeur du développement des affaires chez DPMM, la réalité est tout autre. « Le risque d’incendie de ces maisons-là n’est pas plus grand que celui des maisons neuves. Ce qu’on a remarqué en parcourant les rapports d’incendie des quatre dernières années, c’est que les incendies sont généralement causés par une erreur humaine. Que la maison ait 20 ans ou 200 ans, l’erreur humaine est encore là », dit-il.

M. Meloche renchérit que les dégâts d’eaux sont moins importants qu’on pourrait le croire dans une maison ancienne. « La plupart de ces maisons n’ont pas de sous-sol. S’il y a un dégât d’eau, ça coutera beaucoup moins cher, parce qu’il n’y aura pas de dommages », poursuit-il. M. Patenaude ajoute que le propriétaire d’une maison ancienne en prendra un soin jaloux, non seulement du point de vue esthétique, mais aussi pour tout ce qui touche la santé de la maison. « Une maison ancienne peut être en meilleur état qu’une maison contemporaine, contrairement à ce que l’on croit », dit-il.

Ces arguments font partie du cahier de charge qui a permis à DPMM de convaincre Lloyd’s de créer la police d’assurance. « En Europe, ils connaissent bien les maisons anciennes. Ça a été plus facile qu’avec d’autres assureurs », explique M. Meloche, qui a aussi approché Aviva Canada, actionnaire de DPMM, mais qui a essuyé un refus.

Jacques Bigaouette, vice-président principal chez DPMM, explique le peu d’enthousiasme des assureurs par la mécanisation de leurs processus d’affaires. « Les dossiers concernant les maisons anciennes requièrent une analyse plus approfondie par des experts en souscription. Cette opération peut difficilement être programmée dans un système informatique. La majorité des assureurs opteront pour le maintien de leur mode d’opération mécanisé plutôt que de créer un nouveau service spécialisé », déplore-t-il.

Après avoir étudié les besoins des propriétaires, DPMM s’est d’abord tourné vers cinq assureurs pour leur soumettre le projet de façon informelle. Le tout a permis aux gens du cabinet de courtage de dégager des dénominateurs communs aux assureurs.

« La réaction est polie, mais peu enthousiaste relativement à notre projet d’établir un programme. Somme toute, les assureurs ont démontré qu’ils ont peu d’appétit pour le projet », a souligné M. Bigaouette.

Les assureurs craignaient des couts de sinistres plus élevés que la moyenne pour les maisons anciennes, puisque des surprises seraient souvent découvertes lors des réparations et que les règlements sur la protection du patrimoine provoqueraient des délais importants. Ils s’inquiétaient aussi de ne pouvoir régler efficacement les sinistres, puisque les attentes des clients ne pourraient être satisfaites.

« Ces rencontres n’ont pas provoqué un grand vent d’optimisme », dit M. Bigaouette. Pourtant, après deux ans de travail, DPMM arrivait finalement à faire accepter son plan par Lloyd’s.

Avant les démarches de DPMM, l’APMAQ avait tâté le terrain à plusieurs reprises. L’Association s’est intéressée, en 2002, à la problématique de ces maisons. Le Conseil du patrimoine culturel du Québec, alors appelé la Commission des biens culturels, avait publié la même année un rapport sur l’assurance de maisons anciennes. Il avait ensuite produit, en 2005, avec l’aide du Cégep de Sainte-Foy, un document informatif qui exposait la problématique des maisons anciennes. À l’époque, un cabinet de courtage, dont l’APMAQ refuse de dévoiler le nom, avait décidé de s’impliquer dans le projet, avant de se désister six mois plus tard.

Les choses ont changé lorsque l’émission La Facture, à Radio-Canada, a diffusé, à l’hiver 2012, un reportage sur les difficultés éprouvées par les propriétaires de maisons anciennes en matière d’assurance. La problématique a piqué la curiosité de M. Meloche. M. Bigaouette a, quant à lui, découvert le problème en écoutant l’émission Passion Maison.

Les deux collègues sont arrivés à leur réunion de comité de développement des affaires avec, sur leur liste de projets, les maisons anciennes. DPMM avait déjà un aperçu de la situation, puisque les propriétaires de 1 204 maisons construites avant 1940 étaient déjà clients du cabinet. En juillet 2013, les deux hommes étaient prêts à présenter le dossier à Lloyd’s.

Bien que Lloyd’s soit l’assureur dominant d’Heritas, d’autres assureurs comme Chubb et La Garantie pourront être sollicités pour les demeures valant plus d’un million de dollars. Une semaine après le lancement du programme, DPMM avait déjà reçu 16 soumissions.

Pour Heritas, DPMM agira strictement comme courtier d’assurance et conservera l’exclusivité du produit. Pas question pour le moment de faire un programme d’agence générale ou de sous-agence, affirme M. Meloche. « Les autres courtiers pourront cogner chez DPMM, mais c’est nous qui souscrirons l’assuré. En ce moment, nous n’envisageons pas de partager les commissions ou notre programme », ajoute-t-il.