L’assurance crédit connaît une popularité soutenue depuis quelques mois. Alors que des entreprises déclarent faillites et que d’autres peinent à rencontrer leurs paiements, certains assureurs crédit reçoivent deux fois plus d’applications qu’il y a un an et souscrivent plus de polices. Ils sont toutefois confrontés à une hausse marquée du nombre de réclamations, atteignant 50 % dans certains cas.

Face à la crise économique mondiale et au manque de liquidités sur les marchés financiers, les banques sont plus frileuses à l'idée d'accorder des prêts. De leur côté, les entreprises peinent maintenant à financer leurs projets ou leurs activités courantes. Certaines sont même incapables de rencontrer les échéances prévues pour le paiement des marchandises reçues.

« Nos dernières données indiquent que les retards de paiement sont en hausse de 30 % en 2008 comparativement à 2007 », fait observer Paul Flanagan, président-directeur général de Euler Hermes Canada. Cette situation n'est pas de bon augure pour les comptes à recevoir des entreprises, surtout si elles n'ont pas souscrit une police d'assurance crédit.

L'assurance crédit protège les comptes clients d'une entreprise contre le risque de non-paiement. « Si le client d'un assuré fait faillite, la perte résultant de ce compte à recevoir est remboursée », dit Gérard Philippon, vice-président assurance crédit chez La Garantie.

Ce type d'assurance peut être utile pour éviter l'effet domino causé par le manque généralisé de liquidité sur les marchés. Le défaut de paiement de la part d'un client important signifie parfois la mort de la compagnie qui lui vend les biens ou les services. « Je suis toujours stupéfait de voir que l'actif le plus important du bilan de la compagnie n'est pas protégé contre ce risque alors que les autres actifs sont couverts contre le feu et le vol », dit Paul Flanagan.

Preuve que le resserrement du crédit attise la crainte de non-paiement des commandes, les entreprises affichent un intérêt grandissant pour l'assurance crédit depuis quelques mois. Diane G. Dubé, vice-présidente, région du Québec, Exportation et développement Canada (EDC), souligne que les demandes pour l'assurance compte-client ont crû de 30 % du mois d'août à novembre 2008.

De son côté, M. Flanagan note qu'en 2008, le nombre d'applications ou de demandes d'information sur la protection était en hausse de 25 % par rapport à 2007. Le gestionnaire national d'Atradius au Canada, Ian Miller, observe pour sa part une hausse de 40 %. Même tendance observée chez La Garantie. « De septembre à novembre 2008, on a reçu deux fois plus de demandes qu'à la même période l'année d'avant », constate Gérard Philippon.

De ce fait, le taux de refus des assureurs est plus élevé qu'à l'habitude puisque le risque de défauts de paiement des entreprises est maintenant plus marqué. Ian Miller explique que les entreprises se tournent maintenant vers les assureurs crédit lorsqu'ils anticipent une perte imminente dans leurs comptes à recevoir. « Dans certains cas, nous devons refuser, car le risque est trop élevé », dit-il. M. Miller fait d'ailleurs l'analogie avec un individu qui veut assurer une maison enflammée.

Malgré les refus plus nombreux, le volume des nouvelles souscriptions est plus élevé. « Les nouvelles polices ont connu une ascension de 50 % dans les trois premiers trimestres de 2008 par rapport à la même période en 2007 », ajoute M. Philippon.

Les réclamations aussi sont à la hausse. Chez EDC, cette hausse représente 20 % pour les mois de septembre à novembre 2008 comparativement à la même période l'année précédente, selon Mme Dubé. « Nous observons une augmentation d'environ 30 % du nombre de réclamations reçues en 2008 par rapport à 2007 », affirme pour sa part M. Flanagan, de Euler Hermes. Cette croissance est encore plus élevée chez Atradius, où elle atteint 50 %.

Quant à M. Philippon, de La Garantie, il dit être pessimiste pour les premiers mois de 2009 et il s'attend à une hausse continue des réclamations. « C'est à ce moment que la plupart des faillites se déclarent », note-t-il.

Avantages multiples

Il n'y a pas que les défauts de paiement qui sont couverts par l'assurance crédit. Chez EDC par exemple, la police couvre le risque d'annulation d'un contrat. « Si une entreprise québécoise accepte un contrat de livraison clés en main pour une pièce d'équipement et que, en cours de production, le client annule sa commande, nous couvrirons les coûts encourus jusqu'à 90 % », dit Mme Dubé.

La vice-présidente ajoute que l'entreprise est aussi assurée si la marchandise est livrée, mais que le client refuse d'en prendre possession. La police d'EDC couvre même le cas où un gouvernement étranger bloquerait les sorties de fonds destinés au paiement.

Outre le remboursement des mauvaises créances, l'assurance crédit peut contribuer à l'accroissement des ventes. « C'est un outil de développement des ventes avec des acheteurs de qualité, dit M. Philippon. Si une entreprise est à l'aise avec un risque de 50 000 $ pour le compte recevable d'un acheteur spécifique, mais que l'assureur autorise 100 000 $, et que la capacité de production est en place, notre assuré peut vendre plus à son client. Les profits supplémentaires repayent parfois même la prime d'assurance. »

L'obtention d'un meilleur financement est un autre avantage à considérer selon M. Flanagan : « L'assurance crédit rassurera la banque qui prêtera un plus grand pourcentage de la valeur des comptes à recevoir pour les besoins à court terme de l'entreprise. » Dans certains cas, la compagnie détentrice de la police pourrait obtenir 10 % de plus en financement.

M. Philippon abonde dans ce sens. « L'assurance crédit permet d'augmenter la capacité pour une entreprise à se financer. »

Grâce à cette couverture, les entreprises ont accès à de l'information supplémentaire sur le crédit de leurs clients existants et potentiels. Les assureurs crédit agissent comme des centres de collecte de données; des données qui ne seraient pas accessibles par l'assuré autrement.

« Nous savons quelles compagnies ne respectent pas les délais de paiement », dit M. Flanagan. Pour sa part, M. Philippon affirme : « Si j'ai cinq assurés qui font affaire avec le même acheteur et que celui-ci est en retard dans ses paiements pour trois des assurés, c'est un mauvais signe. On en fera bénéficier les deux autres. On ne donnera pas de sources, c'est évident, mais on se forge une opinion sur un acheteur et on en fait bénéficier les assurés. »

Ces informations servent de soutien au département de crédit de l'entreprise, car elles aident à l'administration et au développement d'un portefeuille d'acheteurs solvables. « L'assurance crédit est un excellent outil de gestion du risque, mais ça ne remplace pas un bon département de crédit. On ne veut pas se substituer, on veut être un complément », souligne M. Philippon.