La Corporation des carrossiers professionnels du Québec (CCPQ) réclame la création d’un permis d’exploitation pour les carrossiers. Elle entend assainir la profession de carrossier et rehausser son niveau de compétences.Tous les carrossiers interrogés par le Journal de l’assurance voient la création de ce permis d’un bon œil. Selon eux, celui-ci permettrait de reconnaitre le statut de carrossier. Il présenterait plusieurs avantages pour ceux qui ont affaire aux carrossiers, c’est-à-dire les assureurs et leurs clients, en plus d’être un gage de professionnalisme. « Le client serait assuré de faire affaire avec des professionnels certifiés », explique Yves Robichaud, directeur régional pour le Québec de Carstar Canada.

Qui dit gage de professionnalisme dit aussi gage de qualité. Les carrossiers titulaires du permis fourniraient un travail de qualité. « On ne veut pas avoir à réparer deux fois un véhicule », dit Michel Bourbeau, président exécutif de la CCPQ, qui regroupe 320 ateliers de carrosserie.

Le permis obligerait les carrossiers à se tenir à jour sur le plan technologique. M. Robichaud indique que les titulaires du permis seraient ainsi forcés de suivre des formations continues. C’est aussi une mesure de sécurité pour les clients, car la technologie des véhicules évolue vite, explique-t-il.

Un point de vue que partage Marcel Martel, directeur de la bannière NAPA Autopro Collision. Il estime que la formation est indispensable, car la réparation des véhicules est beaucoup plus complexe qu’avant. « En raison de la structure des véhicules, certains fabricants vendent des pièces uniquement aux carrossiers qu’ils ont eux-mêmes certifiés », dit-il. Selon lui, les formations suivies pourraient aussi élever les connaissances des carrossiers en matière d’estimation des dommages. « C’est important, car les assureurs veulent travailler avec des carrossiers qui ont des compétences dans ce domaine. Les carrossiers n’ont donc d’autre choix que d’en faire une priorité. Si l’estimation est juste et équitable, c’est gagnant pour tous », dit-il.

M. Martel indique que certaines bannières offrent des formations en estimation de dommages. Selon lui, les carrossiers indépendants qui n’ont pas de formation en la matière ont tout intérêt à améliorer leurs connaissances. Sans cela, il craint que les assureurs ne souhaitent plus faire affaire avec eux. Selon le dire des intervenants interviewés par le Journal de l’assurance, la création du permis profiterait aux carrossiers, aux assureurs et aux clients. Le professionnalisme des carrossiers augmenterait la satisfaction des clients, et donc, celle des assureurs. « L’assureur veut avoir le meilleur service possible pour conserver son client », indique M. Bourbeau.

Satisfaire le client reviendrait donc, pour les carrossiers, à tisser des liens de confiance avec les assureurs. M. Martel le constate dans les faits. Certains carrossiers appartenant à des bannières sont prisés des compagnies d’assurance, car celles-ci savent qu’ils sont bien encadrés, soutient-il.

Peu de sécurité
Selon les professionnels interrogés, actuellement, les bonnes pratiques d’affaires ne sont pas toujours la normale. Manon Duplantie, présidente de Fix Auto n’hésite pas à dire que certains ateliers effectuent des réparations dangereuses.

M. Bourbeau en livre un exemple : « Il arrive qu’un carrossier sous-traite une de ses réparations à un autre atelier pour 15 $ à 20 $ de l’heure. On peut alors espérer que la réparation sera bien faite esthétiquement : les phares auront sans doute été changés, mais les vis et les composantes ne l’auront peut-être pas été. Après un choc ou une vibration sur la route, le phare du véhicule peut se décrocher, entrainant ainsi une perte de contrôle du véhicule pour l’automobiliste. Dans le meilleur des cas, ce dernier finira paraplégique. Dans le pire des cas, il se tuera. En cas d’accident, qui serait responsable? Qui assurerait les frais? »

Il ajoute aussi qu’en l’absence de contrôle, certains ateliers réduisent les prix. Il arrive qu’ils travaillent pour 25 $ l’heure. Sans compter que, selon M. Bourbeau, plusieurs carrossiers ne possèdent ni l’expertise ni les outils requis.

Autre point : selon Mme Duplantie, certains ateliers ne respectent pas les normes environnementales, d’autres ne se conforment pas aux normes de sécurité du travail. Selon M. Bourbeau et Mme Duplantie, si de telles lacunes persistent, c’est parce qu’aujourd’hui n’importe qui peut ouvrir un atelier. Aucun permis, ni certificat n’encadre la profession, avance le président exécutif de la CCPQ. Le permis d’exploitation viendrait donc encadrer et assainir la profession.

Pour l’heure, deux avocats prévoient un projet de loi sur ce point. M. Bourbeau tient toutefois à préciser que l’attribution du permis d’exploitation ne serait pas prise en charge par la CCPQ. Il s’agirait d’une procédure formelle relevant de l’État. La CCPQ jouerait le rôle d’accompagnateur, souligne M. Bourbeau. Loin de vouloir évincer les mauvais joueurs de la profession, l’organisme se donne pour mission d’aider les ateliers à développer de meilleures pratiques.

« Nous voulons voir émerger de nouveaux et bons joueurs, affirme M. Bourbeau. » Très optimiste, il indique que ce sera une opération constructive et rentable qui fera progresser l’industrie. La mise en place au Québec d’un permis d’exploitation pour les carrossiers ne serait pas une première au Canada. Selon M. Robichaud, d’autres provinces l’ont déjà adopté.

Les critères à répondre
À quels critères les carrossiers devraient-ils répondre pour obtenir ce permis? On devrait s’assurer de leurs bonnes gestions et de l’excellence de leurs pratiques, répond M. Bourbeau.

M. Robichaud insiste quant à lui, sur l’importance d’avoir suivi une formation de base et d’avoir l’expérience et les compétences pour ouvrir une carrosserie. Suivre une formation continue lui semble aussi incontournable.

Mme Duplantie croit quant à elle que l’industrie devrait être consultée afin de définir les critères déterminant l’obtention du permis. Elle pense qu’il faudrait contrôler les carrossiers tous les deux ans pour s’assurer qu’ils méritent de conserver leur permis.

Pour sa part, Marcel Martel estime qu’il serait important d’établir plusieurs catégories de carrossiers. Sa bannière a mis en place un système permettant de distinguer les carrossiers. À titre d’exemple, il indique que les carrossiers doivent avoir obtenu 95 % de la note maximale pour atteindre le niveau « élite ». M. Martel va même plus loin. Il affirme que le tarif horaire des carrossiers devrait varier en fonction de la catégorie à laquelle ils appartiennent. « Si le service offert est haut de gamme, on devrait pouvoir fixer un tarif horaire plus élevé », dit-il.