Le Mouvement Desjardins saura bientôt s’il doit se défendre face à deux recours collectifs, touchants deux cas distincts, déposés au printemps 2018 par Option consommateurs.

La Cour supérieure du district de Montréal analyse actuellement si elle autorisera ou non les recours. Dans les deux cas, ceux-ci reprochent à Desjardins d’avoir obligé l’achat d’assurance sans consentement. La coopérative avait déjà été sanctionnée dans ces deux dossiers par l’Autorité en 2017. La Cour a aussi statué sur deux points de droit touchant ces deux recours collectifs.

Selon un résumé du premier recours publié par la firme Maurice Charbonneau avocats, et dont FlashFinance.ca a obtenu copie, Option consommateurs a introduit une demande en autorisation d’entreprendre une action collective contre Desjardins Sécurité financière (DSF) et la Fédération des caisses Desjardins. Dans le cadre d’un programme de prêt, les deux entités du Mouvement Desjardins auraient obligé les étudiants à souscrire une assurance afin de garantir le remboursement du prêt, alors qu’ils n’ont pas consenti à une telle assurance.

Dans le jugement rendu par le juge Thomas Davis, Option consommateurs allègue un stratagème de la part de Desjardins « par lequel elle ajoute automatiquement et systématiquement l’adhésion à une assurance collective sur la vie, la santé et la perte d’emploi (l’assurance-prêt) ». On peut aussi lire que cette assurance est ajoutée aux modalités de remboursement du prêt de l’étudiant sans qu’il ait la possibilité de la refuser.

Option consommateurs estime dolosif ce comportement par lequel le produit est imposé aux étudiants qui n’ont pas fait la demande d’une entente de remboursement de prêt, et qui n’ont reçu aucune explication préalable sur le produit. La demande de recours estime que chaque année, le programme d’assurance permet à environ 175 000 étudiants de poursuivre leurs études supérieures.

Assurance maladies graves forcée

Un autre résumé de la même firme porte sur le deuxième recours, qui vise un programme d’assurance collective de DSF. Option consommateurs et le représentant du groupe allèguent que l’assureur a obligé les adhérents à une assurance collective à souscrire une assurance maladies graves, la protection cancer, ajoutée à une assurance vie-épargne, alors qu’ils n’ont pas consenti à l’assurance maladies graves.

Le jugement relate que la problématique soulevée par Option consommateurs dans ce dossier s’est déroulée vers le mois d’avril 2016. DSF transmet alors aux membres du groupe assuré une lettre les informant qu’elle ajoute à leur assurance vie collective une nouvelle protection, soit la protection cancer. La lettre informe les membres que la protection cancer sera automatiquement ajoutée à l’assurance vie-épargne. Option consommateurs reproche à l’assureur d’ajouter automatiquement et systématiquement la protection cancer sans que les membres du groupe aient l’occasion de la refuser, et sans explication préalable sur le produit.

Desjardins ne pourra interroger les représentants des recours

Dans les deux dossiers, Desjardins a demandé à interroger les représentants des deux groupes d’action choisis par Option consommateurs, ce que la Cour lui a refusé.

Il s’agit dans le premier dossier de Josiane Fréchette, qui a contracté un prêt étudiant en aout 2015. Dans le deuxième dossier, le représentant du groupe d’assurance collective désigné est Réjean Lapointe.

Lourdes sanctions de l’Autorité

En 2017 et en ce qui touche le premier dossier, l’Autorité a sanctionné DSF d’un montant d’un million de dollars, et la Fédération des caisses d’un montant de 100 000 $, pour entorses à la Loi sur les assurances et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF). Dans le deuxième, le régulateur avait du même coup sanctionné DSF d’un autre montant de 450 000 $, aussi pour entorse à la LDPSF.

Desjardins a d’ailleurs demandé à produire l’entente survenue entre les entités en cause et l’Autorité des marchés financiers, ce qui lui a été accordé.

L’entente suffira, dit la cour

Dans le premier dossier, le tribunal a refusé d’entendre la déclaration solennelle de la représentante de DSF, Nathalie Baron, directrice tarification et développement, parce qu’il ne la juge pas indispensable. Dans cette déclaration, Mme Baron reconnait que l’assurance-prêt était ajoutée automatiquement aux modalités de remboursement, advenant l’absence d’une entente de remboursement entre l’étudiant et Desjardins. Le juge a considéré que produire l’entente avec l’Autorité suffisait.

« Quant à la question de savoir si l’assurance-prêt était occulte et imposée à l’insu des membres, le Tribunal estime que la demande d’autorisation couvre déjà suffisamment ce point et que les informations offertes par Mme Baron ne l’aideront pas à déterminer si les critères de l’article 575 C.p.c. sont satisfaits (critères d’autorisation d’un recours collectif). On peut également ajouter que le caractère occulte de l’assurance-prêt ressort de l’entente entre Desjardins et l’AMF », analyse le Juge Davis. Dans l’analyse de ce dossier, le juge a par ailleurs mentionné que le nœud du litige est clair.

Dans le deuxième dossier, la cour a accepté que Mme Baron produise les paragraphes 12 et 13 de sa déclaration. Elle y déclare entre autres que la protection cancer a été ajoutée à toutes les nouvelles adhésions de l’assurance vie-épargne à partir du 1er juin 2016, mais également à toutes les assurances vie-épargne attachées à certains comptes déjà en vigueur, avec prise d’effet le 1er juin 2016. Les adhérents ont été informés par lettre de Desjardins. Le juge a dit également comprendre de la déclaration que les personnes ayant refusé la modification se sont vues transférer leur assurance vie-épargne vers un autre compte. Celui-ci offrait une assurance sans la protection cancer, mais avec une prestation réduite en cas de décès. Là aussi, le nœud du litige apparait clair aux yeux du juge.