Le géant Desjardins Groupe d’assurances générales a décidé de troquer la stagnation pour la croissance. Son plan stratégique 2010-2012 met la barre haute : tripler son volume de primes au Québec en assurance aux entreprises d’ici trois ans; poursuivre son expansion en Ontario; faire de Western Financial le Desjardins de l’Ouest canadien; maintenir un ratio de frais sous la barre des 20 % en assurance des particuliers.

Voilà ce qu’a révélé Sylvie Paquette, présidente et chef de l’exploitation de DGAG, en entrevue au Journal de l’assurance.

Mme Paquette dirige les destinées de l’assureur depuis deux ans, depuis le départ de Jude Martineau. Elle y travaille depuis 25 ans. Entrée comme actuaire, elle a gravi les échelons jusqu’à la présidence, ce dont elle n’est pas peu fière. Auparavant, elle avait été responsable du développement corporatif, ce qui englobait des éléments aussi divers que l’actuariat, le marketing et la souscription. Elle a aussi été chargée d’intégrer les activités d’assurance de dommages de la CIBC, acquises par Desjardins et qui sont maintenant exploitées sous La Personnelle.

Vision d’entreprise

Qu’a-t-elle apporté à l’entreprise en prenant le volant?

Mme Paquette avait déjà préparé sa vision avant même d’être approchée pour le poste! Entrée en fonction six mois avant l’arrivée de Monique Leroux à la présidence du Mouvement Desjardins, elle s’est alors vu confier des objectifs, tous en lien avec sa vision.

Son tableau de bord affiche trois priorités : faire de DGAG une entreprise mature, agile et innovante à l’échelle nationale, développer l’appétit pour la croissance, et s’intégrer davantage au Mouvement.

Lorsque DGAG a acquis les activités d’assurance de dommages de la CIBC au début des années 2000, elle s’est transformée de façon importante, dit Mme Paquette. « Toutefois, à l’interne, nous ne l’avons pas fait au point de gérer comme une entreprise nationale », dit-elle.

À titre d’exemple, Mme Paquette souligne que DGAG avait deux directions d’indemnisation : une au Québec et l’autre à Mississauga, en Ontario. « Toute modification au système devait passer par deux patrons. Nous avons résolu le problème en maintenant les deux centres, mais en ayant un directeur national qui les supervise », dit-elle.

Croissance dans l’ADN

Deuxième objectif du plan de Mme Paquette : « mettre l’appétit de croissance dans l’ADN de DGAG ». « Nous étions très soucieux de notre efficacité et notre rentabilité. Toutefois, lorsque nous avions un problème lié à la croissance, ce n’était pas considéré par les gens comme quelque chose de grave. L’organisation ne se mobilisait pas », dit-elle.

Comment a-t-elle passé le message? « Chez Desjardins, nous sommes des gagnants. C’est dans notre culture d’être une entreprise à succès. J’ai montré aux employés des chiffres montrant que nos parts de marché avaient stagné depuis cinq ans, voir même décliné dans certains cas. Ça a touché leur fierté. Ça les a mobilisés », dit-elle.

Desjardins traitera avec des courtiers… dans l’Ouest En faisant l’acquisition de Western Financial, Desjardins Groupe d’assurances générales (DGAG) a mis la main sur un réseau de distribution composé majoritairement de courtiers. Il génère 400 M $ de primes.
Sylvie Paquette, présidente et chef de l’exploitation de DGAG, compte bien donner les moyens à Scott Tannas, président-fondateur de Western Financial, de devenir le Desjardins de l’Ouest canadien.
La transaction permettant à Desjardins d’acquérir Western Financial devait se conclure le 15 avril, après la date de tombée de la présente édition. Une étape importante a été franchie le 6 avril, alors que le ministère des Finances du Canada et le Bureau de la concurrence du Canada ont donné leur accord.
Mme Paquette se dit confiante que la transaction soit conclue. Les deux organisations travaillaient déjà à mettre en place la prochaine phase de développement de Western Financial.
Le Desjardins de l’ouest
Elle souligne que dès le début de Western Financial, Scott Tannas rêvait d’en faire le Desjardins de l’Ouest. « Étant lui-même un courtier, il voulait bâtir une offre multi-produits financiers pour son réseau. Notre stratégie est de la lui fournir. »
D’ailleurs, elle précise que M. Tanas dit bâtir la meilleure offre pour ses clients, qu’il revoit à tous les deux ans pour s’assurer qu’elle le demeure. « On ne veut pas modifier le modèle d’affaires de Scott. On va apporter ce qui est en place. On va amener une offre dans son réseau, qui sera concurrente aux autres offres », affirme Mme Paquette.
L’offre que Desjardins fera aux clients de Western Financial se limitera à l’assurance des particuliers. Environ la moitié du volume de Western Financial est en assurance des entreprises.
Envahir les centres urbains
Elle a révélé au Journal de l’assurance que DGAG était en pourparlers avec M. Tannas depuis un an, mais pour une toute autre entente. Le réseau de Western Financial est très rural. M. Tannas cherchait un manufacturier pour entrer dans les centres urbains et qui aurait été un Western Direct. M. Tannas a reçu une offre d’acquisition d’une autre entreprise. « Il se devait de la regarder. De notre côté, on s’est dit : pourquoi pas nous? Deux semaines plus tard, nous annoncions la transaction », relate Mme Paquette.
Western Financial demeurera une compagnie à part de DGAG. « On va le gérer comme un investissement. On lui demandera entre 12 % et 15 % de rendement. Toutefois, on veut que l’entreprise continue à croitre et que Scott puisse continuer à acheter des bureaux de courtage », dit Mme Paquette.
« Si un assureur à courtage l’avait acheté à notre place, il aurait gardé 320 M $ venant du courtage et aurait transféré le reste à quelqu’un d’autre, affirme Mme Paquette. On ne fera pas ça.»
La présidente de DGAG ne cache pas que les assureurs traitant avec Western Financial auraient préféré que la compagnie reste ce qu’elle était. Elle précise toutefois que M. Tannas avait besoin d’un partenaire et qu’il était irréaliste pour lui de demeurer seul. « On est la meilleure des mauvaises nouvelles pour eux », dit Mme Paquette.
Elle ajoute que si jamais le marché empêchait M. Tannas de faire des acquisitions ou de tout simplement faire des affaires, les deux entreprises n’auraient donc pas le choix de modifier le modèle de Western Financial. « Certains assureurs nous ont promis leur collaboration, d’autres attendent pour voir. »


L’assureur a augmenté ses investissements. Une campagne publicitaire en anglais, une première pour DGAG, a ainsi été déployée en 2010 dans la région de l’Ouest de Montréal. « C’est un marché non négligeable. Nous y avions déjà entrepris des actions, mais sans jamais aller aussi loin. Le partenariat signé avec la Banque Scotia au cours des derniers mois nous aidera aussi à croitre. Nous avons aussi signé une entente avec le Barreau du Québec, qui débute en 2011 », révèle-t-elle.

Pour améliorer la croissance, certains départements ont dû changer de philosophie. Ce fut le cas pour l’équipe de la perception des primes, révèle Mme Paquette.

« De 2004 à 2006, la situation était très difficile en assurance habitation. L’industrie perdait de l’argent. Nos gens de la perception étaient devenus très rigides. Ils rayaient les clients qui n’avaient pas payé dès le deuxième avis de perception. On a revu notre façon de faire. Nos gens se font maintenant une fierté de trouver une solution avec le client au lieu de l’annuler. En 2010, on a fait moitié moins d’annulations, sans augmenter d’un sou les mauvaises créances. En plus, ça ne nous a rien couté! », dit-elle.

Des initiatives ont aussi été mises en place. Ainsi, lorsqu’on accède aux bureaux de DGAG au 14e étage du Complexe Desjardins, à Montréal, les portes d’ascenseurs sont tapissées du slogan : « 2 millions de polices actives en 2012 : j’y crois! ». Cet objectif pancanadien est d’ailleurs presque déjà atteint, a fait savoir l’assureur au Journal de l’assurance.

Troisième pan du plan de travail de Mme Paquette : aligner et intégrer DGAG au sein du Mouvement Desjardins. « Nous sommes dans un grand groupe. On doit tenir compte des besoins des deux », dit-elle.

Résultats en hausse

Les résultats en 2010 ont suivi.

Les primes brutes souscrites ont grimpé de 9,9 % par rapport à 2,7 % en 2009.

Le nombre de polices en vigueur a augmenté de 4,5 % comparativement à 0,7 % en 2009. Dans le seul segment aux entreprises au Québec, le nombre de polices a grimpé de 7,9 %.

Hors Québec, la croissance du nombre de polices en vigueur a atteint 13,9 % comparativement à 0,8 % en 2009.

Au Québec, en 2010, DGAG a enregistré une croissance de ses ventes de 4 %, qui s’est aussi traduite par une augmentation similaire en unités. Le volume de Desjardins Assurances générales, la principale filiale de DGAG, est ainsi passé de 720 millions de dollars (M $) à 746 M $, tandis que celui de La Personnelle est passé de 247 M $ à 256 M $.

Hors Québec, les ventes de La Personnelle sont en hausse de 9 % comparativement à 2009. Elles sont passées de 422 M $ à 459 M $ en 2010. Les ventes de Certas, qui regroupent les activités de Desjardins General Insurance et du partenariat avec la Banque Scotia, sont quant à elles en hausse de 70 %. Elles sont passées de 109 M $ à 184 M $. Les activités de DGAG hors Québec sont exclusivement en assurance auto et en assurance habitation pour les particuliers.

Dans l’ensemble du Canada, DGAG a vendu 81 000 polices de plus en 2010 qu’en 2009. De 2008 à 2009, l’augmentation avait été de 14 000 polices, contre une hausse de 4 000 polices de 2007 à 2008.

DGAG mise beaucoup sur sa croissance hors Québec. Mme Paquette fait aussi remarquer que le marché ontarien facilite la chose pour son entreprise.

« Les primes y sont en hausse de 10 % à 15 %. Les gens magasinent plus. De plus, on avait déjà commencé à y bâtir notre notoriété. Ça fait trois ans qu’on y fait de la publicité. Nous avons donc profité du magasinage. D’ailleurs, 50 % des ventes de Certas proviennent d’Internet », dit-elle. À titre comparatif, au Québec, les ventes d’assurance automobile sur Internet représentent 14 % des ventes de La Personnelle et de Desjardins Assurances générales.

Prêt à acquérir d’autres réseauxSylvie Paquette affirme aussi que DGAG est prête à faire l’acquisition d’autres réseaux semblable à Western Financial. « Nous n’avons toutefois pas l’expertise pour transiger individuellement avec plusieurs bureaux de courtage. Cependant, on l’a pour traiter avec une entité qui traite avec un réseau. C’est le cas avec Western Financial. Ça ressemble beaucoup à ce que l’on fait avec La Personnelle », dit-elle.


Jusqu’à maintenant, Mme Paquette dit ne rien regretter quant à sa présence hors Québec. « On savait en arrivant dans ce marché qu’on se concentrerait sur la qualité des affaires qui rentrent. On sait que même si on perd de l’argent maintenant, nous aurons un rendement intéressant plus tard. On devrait y être rentable dès 2011. On y fait déjà de l’argent avec La Personnelle. C’est Certas qui nous coute cher. Elle a subi une perte en Ontario en 2010 », révèle-t-elle.

Elle ajoute que le nom de Desjardins passe bien en Ontario. Sa forte connotation québécoise ne lui nuit en rien, dit Mme Paquette. « Les gens associent plutôt le nom de Desjardins à notre solidité financière », révèle-t-elle.

Croissance d’au moins 10 % en 2011

Pour 2011, Mme Paquette vise une croissance minimum de 10 % pour DGAG. Elle s’attend à ce qu’une bonne part de celle-ci vienne de l’extérieur du Québec. Déjà, en janvier et en février 2011, Certas affichait une croissance de 25 % par rapport à la même période l’an dernier.

La croissance est toutefois plus difficile au Québec. « Les primes n’arrêtent pas de baisser. La croissance en unités est intéressante, mais ce n’est pas le cas pour les primes. Une croissance de plus de 4 % serait surprenante au Québec. De plus, la prime moyenne en habitation surpasse presque celle en automobile au Québec, si ce n’est déjà fait. Ça va changer le marché. En assurance aux entreprises, on s’attend à une croissance de 15 %, mais ce n’est pas notre plus gros volume. »

Au Québec, Mme Paquette dit que DGAG a encore de la place pour croitre en assurance des particuliers. Elle cite à cet effet le Grand Montréal et l’Ouest de l’Île. Les allophones sont une autre cible, tout comme la clientèle aisée et fortunée.

Autre objectif : maintenir un ratio de frais en deçà de la barre des 20 % en assurance des particuliers. En 2010, DGAG présentait un ratio de frais avoisinant 25 % tous segments confondus, soit l’un des meilleurs de l’industrie. Pourquoi vouloir l’améliorer alors? Mme Paquette répond qu’il n’est pas satisfaisant pour un assureur direct d’avoir un ratio de frais de 25 %. Elle dit ainsi tout faire pour contenir les frais.

« Nous ne payons pas moins de frais que les courtiers. Nous avons juste moins de duplication. Nous avons aussi une capacité d’investir en technologie qu’ils n’ont pas », dit-elle.

Avoir un ratio de frais de 20 % ne sera probablement possible que dans cinq ans, convient-elle. « On investit beaucoup hors Québec et dans nos nouveaux produits au Québec. On y aura ainsi un produit pour les gens aisés et fortunés. Au Québec, il y a encore beaucoup de développement possible. On ne peut pas couper les frais lorsqu’on vise la croissance. De plus, comme on veut développer l’assurance aux entreprises, notre ratio de frais global s’en ressentira un jour ou l’autre », dit-elle.

Tripler l’assurance aux entreprises au Québec

Quant à l’assurance aux entreprises, la présidente de DGAG souhaite que son volume triple au Québec d’ici trois ans. « C’est un marché dans lequel nous avons toujours été timide. C’était vu chez nous comme un segment d’accompagnement. On s’est repositionné. On va y investir en 2011 pour qu’il devienne un levier de croissance », dit-elle.

Présentement, DGAG possède un volume de primes en assurance des entreprises de 82 M $ au Québec, dont 23 M $ proviennent du réseau des caisses. Pour atteindre ses objectifs, l’assureur devra toutefois moderniser ses façons de faire.

« On fonctionne comme on le faisait il y a 30 ans. Nous ne sommes pas efficaces, car nous n’y avons jamais investi. On en est presque à la dactylo dans le moment. » Un système propre à l’assurance aux entreprises vient d’ailleurs d’être acquis. L’assureur n’a toutefois pas voulu dévoiler son nom. « On pourra commencer à développer ce segment peu après. On aura des choses innovantes à proposer dans le marché », dit Mme Paquette.

La structure de DGAG en assurance des entreprises devra aussi être revue. Dans le moment, Desjardins compte sur un centre contact client et des directeurs de compte, dont un est affecté aux comptes majeurs. « On veut rebrasser ça pour voir comment on se branchera avec les caisses et les centres financiers aux entreprises. Il faut aussi s’assurer que ce soit rentable », dit-elle. Elle envisage de faire appel à des agents spécialisés sur la route pour présenter l’offre de services de DGAG en assurance des entreprises.

Elle précise aussi qu’elle ne fera pas appel à des courtiers pour vendre ses produits au Québec. Les courtiers québécois ne font pas partie de ses plans.