L’édition 2023-2024 du « Regard annuel sur le risque » vient d’être publiée par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) le 18 avril. 

Il s’agit de la deuxième fois que le BSIF publie ce document destiné au grand public. Si de nouveaux risques surgissent en cours d’année, une mise à jour sera publiée à l’automne. 

On y met en lumière les risques qui devraient peser le plus sur les marchés financiers au Canada dans les 12 prochains mois de même que les mesures que le Bureau prendra pour maintenir la pérennité de l’écosystème financier. 

Selon le surintendant Peter Routledge, le Bureau « encourage une saine gestion du risque dans le secteur financier en appliquant lui-même une approche réfléchie et proactive afin de renforcer la confiance de la population canadienne à l’égard du système financier ». 

Le BSIF collabore avec le ministère des Finances du Canada pour apporter des modifications législatives visant à moderniser le cadre réglementaire fédéral et à protéger l’intégrité et la sécurité des institutions financières fédérales, notamment contre l’ingérence étrangère. Ces changements ont été annoncés dans le budget 2023-2024 déposé par la ministre Chrystia Freeland à la fin de mars. 

Neuf de ces risques sont cités, avec les mesures de surveillance et de réglementation qui sont prises par le BSIF pour y donner suite. 

Repli du marché du logement 

Concernant le risque de repli du marché du logement, le BSIF souligne qu’étant donné « l’incidence marquée des activités liées aux prêts garantis par des biens immobiliers sur le système financier canadien, une contraction du marché du logement demeure un risque principal ». 

Le Bureau surveillera les institutions financières fédérales pour s’assurer notamment que « leurs normes de prêt s’harmonisent avec les attentes formulées dans la ligne directrice B20, Pratiques et procédures de souscription de prêts hypothécaires résidentiels ». 

Liquidité et financement 

La deuxième menace énumérée est le risque de liquidité et de financement. Cette menace n’apparaissait pas au rapport de l’an dernier. 

« Avec la numérisation des systèmes financiers, la rapidité et l’ampleur de la réaction des investisseurs et des déposants aux crises environnementales et idiosyncrasiques s’intensifieront », indique le Bureau dans son tour d’horizon.

« Ce phénomène mettra les institutions et les décideurs au défi d’adapter leur infrastructure opérationnelle et réglementaire de manière agile et urgente. Ces vulnérabilités peuvent prendre la forme d’un ralentissement de l’économie dans son ensemble et peser tant sur les ménages que sur le secteur. » 

Pour contrer ce risque, le BSIF mettra à jour ses consignes sur les fonds propres et la liquidité, lesquelles ont déjà été modifiées pour tenir compte de la troisième vague des réformes associées aux Accords de Bâle

Le Bureau promet aussi de publier un document de travail sur le risque de liquidité pour les sociétés d’assurance au cours de la première moitié de 2024.

Immobilier commercial 

À propos du risque lié à l’immobilier commercial, le Bureau rappelle qu’il est « probable que les régimes de travail hybride et la diminution des niveaux de dotation se répercuteront défavorablement sur la demande et au fil du temps, sur les évaluations des actifs de bureau. Les changements à l’échelle macroéconomique, plus particulièrement les préférences des consommateurs au chapitre des dépenses, peuvent également nuire à la reprise des actifs de détail dans la foulée de la COVID-19 ». 

Toujours en lien avec Bâle III, le BSIF a mis à jour ses exigences sur les fonds propres et celles-ci concernaient particulièrement les exigences plus détaillées pour le financement immobilier commercial. 

Contagion 

La quatrième menace est celle du risque de contagion depuis le secteur de l’intermédiation financière non bancaire. Cette menace n’apparaissait pas non plus au rapport de l’an dernier. 

Ce secteur comprend de vastes catégories d’entités, y compris des assureurs, des caisses de retraite, des sociétés de financement, des courtiers négociants indépendants, ainsi que des fonds d’investissement réglementés et non réglementés. 

En période de forte volatilité, les exigences de marge à l’échelle du système financier peuvent augmenter sensiblement, indique le Bureau. « Si les exigences de fonds propres et les règles des fonds de garantie ne sont pas adéquatement simulées, mesurées ou prévues, le risque de défaut d’un participant pourrait se propager à grande échelle. » 

Le BSIF surveillera attentivement le risque de contrepartie qui pourrait affaiblir le secteur bancaire, surtout en période de contraction du marché. 

Prêts 

Concernant le risque lié aux prêts commerciaux et aux prêts aux grandes entreprises, le Bureau souligne que l’endettement commercial expose les institutions financières fédérales à un risque important. 

La hausse des taux d’intérêt augmente les coûts de financement des emprunteurs. Le montage des nouveaux prêts et le refinancement deviennent plus compliqués, indique-t-on. 

Innovation numérique 

La sixième menace surveillée par le BSIF en 2023-2024 est le risque lié à l’innovation numérique. La prestation des services financiers est bouleversée par cette accélération de l’innovation numérique.

Même si l’effondrement récent de plusieurs entreprises et projets de cryptomonnaie permet d’atténuer les risques pour le secteur financier traditionnel, ces risques numériques continuent de croître, note le Bureau. 

Le climat 

Les risques climatiques seront au cœur des préoccupations du BSIF dans la prochaine année. La hausse de la fréquence et de la gravité d’événements comportant des risques physiques pourrait affecter les passifs d’assurance, les actifs investis et les portefeuilles de prêts qui y sont exposés, précise-t-on. 

Considérant la forte intensité de carbone associée à l’économie canadienne, la rapidité de la transition vers des sources d’énergie alternatives comporte aussi des risques. 

Le Bureau précise que les attentes en matière de résilience des institutions financières aux risques climatiques sont au cœur de son nouveau cadre de surveillance et représente une pièce centrale du plan de transformation de l’organisme réglementaire. À cet égard, il lancera sous peu son Forum sur les risques climatiques

La sécurité informatique 

Le risque cybernétique, ou cyberrisque, est aussi un élément préoccupant. « Une cyberattaque réussie pourrait affecter la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité des données et des systèmes informatiques, ce qui pourrait miner la confiance du public, porter atteinte à la réputation et entraîner des pertes financières », souligne le BSIF. 

Après avoir été mis à l’essai en 2022-2023, le test de cyberrésilience fondé sur le renseignement (TCFR) sera inscrit dans un cadre plus formel dès le printemps 2023.

Par ailleurs, le Bureau a publié en juillet 2022 la ligne directrice B-13 portant sur la gestion du risque lié aux technologies et au cyberrisque. Celle-ci prendra effet le 1er janvier 2024. 

Les tiers 

Enfin, le risque lié aux tiers termine la liste des neuf grandes menaces sous surveillance. « Le secteur des services financiers continue d’étendre son recours aux ententes avec des tiers. La dépendance accrue aux ententes externes accroît le risque que les institutions financières fédérales ne soient pas en mesure de fournir des services essentiels ou que leurs données soient compromises. Les fournisseurs tiers peuvent aussi avoir leurs propres ententes externes, ce qui rend la supervision plus complexe », explique le Bureau. 

Le BSIF vient tout juste de publier une ligne directrice (B-10) à cet égard en avril 2023. Les exigences envers les institutions financières fédérales ont été renforcées dans cette version finale. 

Cryptoactifs 

Par ailleurs, le 17 avril, le Bureau a lancé une consultation initiale sur les recommandations internationales relatives aux dispositifs de cryptoactifs se référant à une monnaie fiduciaire et aux activités connexes. 

La consultation durera neuf semaines et s’adresse tout particulièrement aux institutions financières fédérales. Toutes les parties qui ont une opinion à émettre sur le sujet peuvent néanmoins y participer. Une séance d’information aura lieu le 15 mai prochain.