Lors d’une récente table ronde organisée par l’organisme de défense des droits des aînés CanAge pour discuter des moyens de combattre l’âgisme au Canada, des experts de l’industrie ont discuté de la nécessité de réformer les régimes de retraite et des moyens d’empêcher l’exploitation financière des aînés.
Lucy Becker, vice-présidente des affaires publiques et des services de formation des membres de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et Deborah Gillis, conseillère juridique principale de la Commission des services financiers et des services aux consommateurs du Nouveau-Brunswick ont aussi examiné les développements réglementaires. Ils ont ainsi commenté les travaux menés par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) pour élaborer des règles visant à protéger les investisseurs vulnérables.
Le problème
« L’exploitation financière peut priver une personne de son autonomie, lui nier sa dignité et faire en sorte qu’elle ne soit pas économiquement incluse dans les activités ordinaires que vous feriez dans une journée normale. À cet égard, lutter contre l’exploitation financière et la fraude est vraiment l’une des premières choses que nous pouvons faire pour promouvoir l’inclusion économique », dit Mme Gillis.
Elle ajoute que pour s’attaquer au problème de l’exploitation financière des personnes âgées au Canada, quatre chantiers doivent être menés :
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Reconnaître le problème et en parler;
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Éduquer, former et informer les gens ce qu’est l’exploitation financière, mais aussi identifier quels sont ses signes et comment obtenir de l’aide;
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Élaborer des politiques et des cadres réglementaires qui répondent à l’exploitation financière;
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Collaborer avec les autres dans leurs efforts.
La non-déclaration est grave et dramatique
Mme Gillis ajoute que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a constaté en 2017 que l’exploitation financière affectait environ 19 % des personnes âgées interrogées. L’OMS suggère en outre que le non-signalement de ce crime est grave et dramatique - probablement seulement une personne sur 24 qui est victime dénonce effectivement une exploitation financière.
« Les personnes âgées étaient généralement beaucoup plus préoccupées par les fraudes et les escroqueries commises par des personnes qu’elles ne connaissaient pas. Toutefois, la plupart des histoires que nous avons entendues de la part des gens étaient des histoires d’abus réels perpétrés par un membre de la famille, une personne ou un soignant de confiance, dit-elle. Il était clair que les gens ont peut-être peur de signaler parce qu’ils craignent de perdre le soutien de leur famille, de perdre leur indépendance ou de perdre l’accès à leurs petits-enfants. »
Signes d’exploitation financière
D’autres signes d’exploitation financière peuvent inclure n’importe quoi, des blessures physiques et une mauvaise hygiène, aux changements soudains dans les arrangements bancaires ou les dépenses. « L’un des plus grands facteurs de risque d’exploitation financière est l’isolement », ajoute Mme Gillis. « Restez en contact avec les personnes âgées. Ne laissez pas la distanciation sociale égaler l’isolement social. »
Mme Gillis poursuit en disant qu’il n’y a pas de crime spécifique lié aux mauvais traitements envers les aînés en vertu du Code criminel du Canada. « Cela ne veut pas dire qu’il est légal de nuire aux personnes âgées au Canada. Cela signifie que les mauvais traitements infligés aux personnes âgées doivent être visés par les dispositions générales du droit pénal du Code criminel, dit-elle. Même ceux qui connaissent très bien le droit pénal, comme la police, ne savent pas toujours comment les dispositions pourraient interagir avec l’exploitation financière des hauts dirigeants. »
Services de protection des adultes
Pour aider, Mme Gillis encourage ceux qui travaillent avec les aînés à connaitre le réseau de leur propre province, qui peut inclure des services de protection des adultes, le curateur public, des défenseurs des aînés et des programmes communautaires. « L’endroit où l’on cherche de l’aide dépendra vraiment d’une province à l’autre, car le Canada n’a pas un service standard de protection des adultes», dit-elle. Apprenez vraiment à connaitre votre réseau dans votre province afin que, le moment venu, vous puissiez tendre la main et demander de l’aide.»
Mmes Becker et Gillis ont aussi discuté des modifications de règles récemment proposées qui permettraient aux courtiers en valeurs mobilières d’aider lorsqu’ils croient raisonnablement qu’un client vulnérable est exploité ou lorsqu’un client peut avoir une capacité mentale réduite. Les règles proposées étaient ouvertes aux commentaires jusqu’en juin 2020.
Personne de contact de confiance
Les règles proposées exigeraient que les déclarants prennent des mesures raisonnables pour obtenir le nom et les coordonnées d’une personne de confiance (TCP) de chaque client, ainsi que le consentement écrit du client pour contacter le TCP dans les circonstances prescrites. Les règles stipulent aussi que s’il y a une croyance raisonnable qu’un client vulnérable est exploité financièrement ou qu’il n’a pas la capacité mentale, un courtier inscrit n’est pas empêché de placer une suspension temporaire sur les comptes du client.
Mme Becker affirme que les recherches de l’OCRCVM montrent qu’une majorité écrasante d’investisseurs canadiens estiment que de telles mesures de protection devraient être mises en place. Neuf répondants sur 10 soutiennent que la personne-ressource de confiance figure dans leur compte et 90 % sont en faveur de donner aux entreprises la possibilité de mettre un frein sur leur compte s’ils soupçonnent une exploitation financière.
« Rien n’empêche les investisseurs de désigner une personne de confiance pour le moment, mais moins d’un quart, soit seulement 22 % des investisseurs que nous avons interrogés, avaient déjà désigné une personne de contact de confiance avec leurs conseillers en investissement. Une fois qu’ils ont découvert ce concept, 71 % ont déclaré qu’ils fourniraient immédiatement un nom, une personne de contact avec l’entreprise avec laquelle ils travaillent.
La convenance reste l’une des principales plaintes
Outre l’augmentation des fraudes et des faillites au milieu de la pandémie COVID-19, Mme Becker tire l’alarme sur le nombre croissant de personnes qui utilisent uniquement des services d’exécution d’ordres sans conseils. Elle dit que la convenance demeure l’une des principales plaintes reçues par l’OCRCVM.
« En 2019, près d’un tiers de toutes les poursuites que nous avons engagées étaient liées à l’aptitude, dit-elle. De plus, les personnes âgées et les clients vulnérables représentaient le quart des dossiers que nous avons examinés. »
Elle ajoute qu’au cours du premier semestre de 2020, 1,2 million de nouveaux comptes bruts d’exécution d’ordres sans conseils uniquement ont été ouverts au Canada, comparativement à 846 000 nouveaux comptes bruts ouverts pendant toute l’année 2019.
Transactions en ligne
Selon Mme Becker, 34 % des appels et des plaintes que l’OCRCVM reçoit au sujet des transactions en ligne proviennent en fait de personnes de plus de 65 ans. « Il y a une part importante des personnes âgées qui utilisent des comptes d’investissement en ligne, d’exécution d’ordres uniquement, dit-elle. L’adéquation n’est pas quelque chose qui fait partie intégrante de ce processus. »