« Un film de science-fiction. »

C’est de cette manière qu’Élie Ziadé, PDG de Arabian Insurance Management Services (AIMS), un cabinet de courtage libanais, décrit l’explosion survenue au port de mer de Beyrouth le 4 aout dernier.

Comment couvre-t-on une telle chose en assurance ? Là est toute la question, a pu découvrir le Portail de l’assurance. « La situation est irréelle tant au point de vue personnel que professionnel », souligne d’ailleurs M. Ziadé.

Encore aujourd’hui, les assureurs, les courtiers et les réassureurs sont dans une impasse. Ils ne peuvent déterminer si les dommages subis sont couverts tant que le gouvernement ne publie pas les résultats d’une enquête officielle décrivant ce qui s’est passé. Sans celle-ci, il est impossible pour eux de rembourser leurs clients.

« Tout le monde, notamment les assureurs et les assurés, attend la prononciation de l’État sur la nature de cette explosion tragique. Est-ce que c’est un accident ou est-ce que c’est une violence politique ? Les assureurs vont savoir sous quelle rubrique va tomber la couverture de l’assurance », dit-il.

Fateh Bekdache, PDG de l’assureur AROPE Insurance au Liban, a affirmé au Portail de l’assurance que cette attente est difficile pour les assureurs, notamment au niveau du service à la clientèle. Il affirme, tout comme M. Ziadé, que pour le moment, la thèse de l’accident est favorisée. Le tout serait ainsi favorable aux assurés.

Pourquoi ? Parce que le nombre de personnes qui ont une police d’assurance habitation est beaucoup plus important que ceux qui sont assurés contre les violences politiques, expliquent les deux hommes.

Les réassureurs présents au Liban abondent dans le même sens, dit Gabriel Bejjani, président du courtier de réassurance libanais Nasco Re, et membre du conseil d’administration de Bankers Insurance, une compagnie d’assurance appartenant au groupe Nasco France.

« On attendait aussi le rapport du FBI. Malheureusement, rien de concret et de clair n’en est ressorti. C’est toujours hésitant, a-t-il confié en entrevue au Portail de l’assurance. Les Anglais et les Français, eux, tendent toujours vers l’accident. C’est la thèse privilégiée. Il n’y a toutefois pas une affirmation concrète et définitive à ce sujet. »

M. Bejjani va même jusqu’à dire que les assureurs sont « en otage » entre les assurés et les réassureurs. Pourquoi ? « Les assurés veulent être dédommagés. Or, les réassureurs disent aux assureurs qu’ils ne peuvent pas accepter les sinistres s’il n’y a pas de preuve indiquant la cause de l’incident », a-t-il expliqué au Portail de l’assurance.

Rencontre entre les assureurs

L’Association des compagnies d’assurance au Liban (ACAL) a tenu une assemblée générale le 22 septembre dernier afin de discuter des enjeux entourant l’explosion, a révélé Fateh Bekdache au Portail de l’assurance.

« C’était unanime. Tous les membres veulent commencer à payer. Ils veulent parler avec les réassureurs pour qu’ils prennent l’affaire comme un cas couvert. »

Des négociations entre assureurs, courtiers de réassurance et réassureurs sont déjà en cours en ce qui a trait au paiement des réclamations, ajoute M. Bekdache. En attendant, les assureurs ont commencé à débourser pour certains sinistres, notamment en assurance automobile et pour certains dommages mineurs.

« On a quelques centaines de petits dégâts qui ont été remboursés pour que les assurés puissent dormir en paix dans leur appartement. », dit-il. Cela permettra de limiter les dommages supplémentaires, alors que la saison des pluies hivernales arrive, dit M. Bekdache.

Un scénario fait toutefois craindre le pire. D’après Fateh Bekdache, il se peut qu’il n’y ait jamais de réponse exacte à savoir s’il s’agit d’un accident ou pas. « On ne peut pas attendre », a-t-il confié au Portail de l’assurance.

Il donne notamment l’exemple de l’explosion à Toulouse en France, survenue dix jours après l’attentat de New York du 11 septembre 2001. L’explosion de nitrate d’ammonium dans l’usine chimique AZF avait causé la mort de 31 personnes.

Pourquoi cette comparaison ? Parce que les assureurs ont pris un an à rembourser leurs assurés, alors qu’encore aujourd’hui, rien n’a été confirmé quant à la cause exacte de l’évènement, dit M. Bekdache.