Lorsque la réglementation sur la divulgation des commissions entrera en vigueur le 15 juillet 2016, les fonds distincts seront dispensés de ce devoir. Même si ce passe-droit en irrite plusieurs du côté des fonds communs, Yvon Charest, PDG d’iA Groupe financier plaide pour le statu quo.

Pour lui, les deux produits ne sont pas comparables, a-t-il affirmé sans équivoque en entrevue au Journal de l’assurance, en marge de l’assemblée annuelle de l’assureur. M. Charest n’apprécie d’ailleurs pas l’appellation de fonds distincts. Il préfère plutôt parler de fonds séparés.

« Ce sont des fonds séparés, car en cas de fraude ou d’autre problème, ils sont protégés par le capital entier de l’assureur. Notre compagnie a un capital de 4 milliards de dollars (G$) et les fonds séparés en font partie intégrante. Il ne faut pas négliger non plus les garanties au décès et à l’échéance », explique M. Charest. Ces garanties auront selon lui protégé bien des clients investis dans des fonds de technologie, au tournant de la bulle de 2000.

M. Charest a révélé que des dirigeants d’assureurs québécois regroupés sous l’égide de l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) ont dernièrement rencontré le PDG de l’Autorité des marchés financiers, Louis Morisset, pour discuter de l’encadrement réglementaire des fonds distincts. « Nous avons exprimé notre point de vue pour l’aider à se faire une opinion », a ajouté M. Charest.

Au cœur de la question : la divulgation des commissions. Le message a-t-il porté? « Je crois que nous avons fait réaliser des choses à l’Autorité », a résumé le dirigeant. L’Autorité révise présentement la question et compte décider de la marche à suivre au plus tard en 2016, avait confié M. Morisset au Journal de l’assurance en mai. M. Charest estime que l’industrie est déjà bien pourvue en matière de divulgation réglementaire. « Dans la dernière décennie, les autorités de surveillance ont fait une excellente réforme en s’assurant que les compagnies d’assurance et de fonds communs divulguent l’honoraire total au point de vente (le ratio des frais de gestion). Je suis fier de dire que les assureurs ont mis cette mesure en œuvre avant les fonds communs. »

Une réforme qui ne plait guère


En revanche la phase deux de la réforme du Modèle relation conseiller-client (MRCC2) ne lui plait guère. « Divulguer chaque année la rémunération totale que reçoit le distributeur revient à ne divulguer qu’une partie des frais totaux de gestion. Mettre l’accent sur la rémunération du distributeur envoie le débat à la mauvaise place, l’éloigne de l’essence que sont les honoraires totaux que paie le client. C’est cet élément qui devrait être divulgué chaque année », soutient M. Charest.

 

Les statistiques obtenues par l’Industrielle Alliance indiquent que les institutions de dépôt détiennent 43 % de l’actif des fonds communs au Canada et produisent 50 % des nouvelles ventes, a confié M. Charest. Cela donne selon lui les coudées franches à ces institutions financières pour jouer la carte de la divulgation comme elles l’entendent.

« Ces institutions ont la capacité de dire dès l’an prochain que la rémunération qu’elles versent à leur distributeur est zéro », craint-il. Dans un groupe intégré, il est facile pour le manufacturier de signer une entente avec le cabinet, selon laquelle il ne lui verse aucune rémunération, croit M. Charest. « Le client croira qu’il paie moins cher. C’est un pas en arrière par rapport à la mesure intelligente de divulguer le ratio total des frais de gestion, qui se fait non seulement au point de vente, mais chaque année », estime le PDG d’iA Groupe financier.

Bonne performance des fonds distincts


Les fonds distincts ont aussi été une locomotive pour iA Groupe financier en 2014, qui a été marquée par de fortes ventes de ce produit. L’assureur a engrangé un bénéfice net record en 2014 de 400,4 millions de dollars (M$), malgré les bas taux d’intérêt, en plus de connaitre une forte année en ventes de fonds distincts. La performance des fonds distincts a compensé le recul des fonds communs, a fait remarquer M. Charest.

 

M. Charest a insisté sur la vigueur des ventes de fonds distincts. Après la saignée de 2013 qui s’est soldée par une sortie de fonds nette de 88,7 M$, l’assureur a réalisé en 2014 des ventes nettes de 288,7 M$.

Les ventes de fonds communs ont toutefois plongé, avec des sorties de 119,3 M$, pendant cette période de comparaison. Dans l’ensemble, le secteur des fonds de placement a réalisé des ventes nettes en croissance de 5 % en 2014 par rapport à 2013.

M. Charest a expliqué en point de presse comment la compagnie a donné un coup de pouce aux ventes de fonds distincts. « Au début de 2014, nous avons embauché au Québec quatre personnes dont l’unique responsabilité est de promouvoir les fonds séparés dans notre réseau de distribution (wholesalers). Nous avons fait croitre nos ventes de 40 % en 2014 au Québec seulement avec cette stratégie de mettre quatre personnes sur la route », a expliqué M. Charest.

Le test a été suffisamment concluant pour qu’iA implante cette approche ailleurs au Canada, l’automne dernier. « Cette stratégie nous a donné un second souffle pour la deuxième partie de l’année. » L’ensemble des nouveaux promoteurs a permis à l’assureur d’entrer en force dans la campagne REER, a dit M. Charest.

« C’est pourquoi notre part du marché canadien en termes de ventes brutes des fonds séparés a atteint 18 % au premier trimestre de cette année. Chacun de ces trois mois, nous nous sommes classés parmi les trois premiers fournisseurs en termes de ventes nettes au pays, dont au premier rang en février. »

Quant aux bas taux d’intérêt, M. Charest a dit ne pas s’en faire avec leur volatilité. « Le taux des obligations de 30 ans a été à la baisse pendant trois mois et demi, et en trois semaines, il est revenu au niveau du 1er janvier. C’est seulement du bruit. Les fluctuations des derniers mois n’affectent pas notre ratio de solvabilité, car nous ne les prenons pas en compte au trimestre près. Si nos réserves sont suffisantes, nous ne faisons pas de bruit avec ça », dit-il.