En juin prochain, la Cour d’appel du Québec entendra la requête d’Intact Compagnie d’assurance, qui désire infirmer le jugement rendu contre elle le 4 décembre 2024 et qui l’oblige à défendre la société Hydromec. Celle-ci est poursuivie par AIG Compagnie d’assurance du Canada pour une somme de 744 538,66 $. 

Le jugement de première a été rendu le 4 décembre 2024 par la juge Sandra Bouchard, du district de Roberval de la Cour supérieure du Québec. Le tribunal a alors accordé l’ordonnance de type Wellington à Hydromec et forcé son assureur à la défendre dans le recours intenté contre elle par AIG Compagnie d’assurance du Canada. Celle-ci lui réclame une somme de 744 538,66 $. 

L’ordonnance condamne aussi Intact à rembourser à la codéfenderesse Hydromec tous les frais et honoraires juridiques engagés par elle dans le cadre de la poursuite d’AIG. Cependant, le tribunal rejette la demande d’Hydromec qui souhaitait retenir les services des avocats de son choix. 

Le sinistre 

Le litige découle d’un sinistre lié à un équipement de transport du bois vendu par Hydromec en septembre 2021. Il s’agit d’un transporteur du fabricant Ponsse, modèle Elephant King. L’engin a été incendié alors qu’il était en activité en forêt le 13 mars 2023 au nord de Girardville, dans la MRC Maria-Chapdelaine. 

La perte totale a été indemnisée par AIG à l’acquéreur, 9351-9817 Québec inc., une entreprise d’exploitation forestière établie au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Subrogée dans les droits de son assurée, AIG poursuit Hydromec et Intact pour récupérer les dommages qu’elle a payés. 

Les flammes ont surgi de chaque côté de la cabine de l’opérateur. L’exploitant a tenté d’éteindre le feu, aidé par un autre travailleur, mais sans succès. Le feu aurait trouvé son origine dans la fuite du carburant diesel qui s’est enflammé sur une surface très chaude. AIG prétend que la fuite relève d’une défectuosité de l’équipement attribuable à Hydromec.

Avant même le début des procédures, soit le 30 mai 2023, Intact avise la société assurée qu’elle enquête afin de déterminer si le sinistre est couvert. Le 19 février 2024, Intact refuse la réclamation, jugeant qu’elle n’est pas recevable en vertu des allégations et des pièces.

Pour soutenir son refus, Intact invoque l’exclusion prévue à la clause 2.9 du contrat, concernant le dommage matériel au produit occasionné par une défectuosité connue au moment de la vente. Puisqu’il existe une possibilité que la condamnation éventuelle soit couverte par la police d’assurance Hydromec estime de son côté que son assureur a l’obligation de la défendre et soumet sa requête de type Wellington

Le contrat 

En première instance, la juge Bouchard analyse le contrat d’assurance responsabilité civile des entreprises. À ce stade, les faits allégués doivent être considérés comme avérés.

Il n’est pas pertinent de savoir que la preuve mènera à la condamnation de l’assuré ou que l’assureur sera tenu de verser l’indemnité. En cas de doute ou d’ambiguïté, l’assureur sera obligé de défendre son assuré. 

AIG affirme que sans la fuite du diesel, l’équipement n’aurait jamais pris feu. Son expert en sinistre n’a pu établir la source de l’incendie. Pour que le tribunal accepte l’exclusion avancée par Intact, il doit être convaincu que l’incendie a été occasionné par une défectuosité connue au moment de la vente. 

La juge Bouchard estime qu’elle ne peut arriver à cette conclusion à ce stade préliminaire et ne peut exclure toute possibilité de couverture. Intact devra donc assurer la défense de sa cliente. 

Par ailleurs, le tribunal refuse la demande d’Hydromec qui souhaitait choisir ses propres avocats, et ce, aux frais de son assureur. Citant la jurisprudence du même tribunal, la juge Bouchard rappelle que l’assureur, outre le fait de nier la couverture, n’a pas adopté une position contraire aux intérêts de l’assurée lors des procédures. 

« Si l’assureur se trompe sur la question de la couverture, sa meilleure défense contre une indemnisation non voulue est de bien représenter les intérêts de son assuré », écrivait la Cour supérieure en 2016.

Permission d’en appeler 

Le 6 février 2025, la juge Suzanne Gagné, de la Cour d’appel, entend la demande pour permission de faire appel du jugement de première instance.

Intact soutient que le jugement de première instance est entaché d’une faiblesse apparente concernant le libellé de la demande introductive d’instance, la clause 2.9 du contrat concernant l’exclusion et sur la jurisprudence applicable en matière d’obligation de défendre. 

Dans l’arrêt Travelers du Canada c. Gervais Dubé inc., la Cour d’appel avait établi qu’un jugement qui accueille une demande de type Wellington est un jugement rendu en cours d’instance qui décide en partie du litige (en ce qui a trait à l’obligation de défendre) et qui est susceptible de causer un préjudice irrémédiable à l’assureur. 

« Il incombe à l’assureur de prouver que les allégations ne relèvent clairement pas de la couverture ou sont spécifiquement exclues par la police », écrivait la Cour d’appel en 2022, cité par la juge Gagné.

Elle accorde la permission d’en appeler. Les parties sont convoquées le 20 juin prochain et elles auront alors 30 minutes chacune pour résumer leur exposé devant trois juges réunis à cette occasion. L’argumentaire de leur mémoire respectif est limité à 15 pages. Les procédures dans cette affaire sont donc suspendues en Cour supérieure.