À l’instar des compagnies d’assurance vie qui ont entrepris de débarrasser l’industrie de l’assurance de personnes des pratiques répréhensibles, les agents généraux de partout au pays s’attaqueront de près au cas des conseillers fautifs.C’est ce qu’ont affirmé au Journal de l’assurance l’Association des cabinets gestionnaires de services financiers du Québec (ACGSF) au Québec, ainsi que la Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA) dans le reste du Canada.

Cabinets offrant des services administratifs aux conseillers, les agents généraux se trouvent autant affectés que les compagnies d’assurance par ce fléau. Ils sont en effet solidairement responsables des dettes contractées par leurs conseillers auprès des assureurs. Une telle dette, souvent rattachée aux commissions déjà versées, survient lorsqu’une police d’assurance est annulée avant le délai prescrit de deux ans. Certains conseillers refusent alors de rembourser ou sont incapables financièrement de le faire. Le conseiller qui refuse alors de rembourser éveille les soupçons sur ses pratiques d’affaires.

Pour sa part, CAILBA affirme avoir les conseillers escrocs à l’œil par l’entremise de son système de surveillance des dettes. Ce système agit comme un répertoire dans lequel figurent les noms des conseillers endettés auprès de compagnies d’assurances, explique sa présidente Terri DiFlorio. Mme DiFlorio est également présidente de la Financière Hub. Ce service de consultation, payé à même les cotisations des membres de CAILBA, est accessible à partir du site internet de l’organisme.

Les agents généraux et les compagnies d’assurance membres de CAILBA sont d’ailleurs invités à consulter ce système de surveillance dès la signature d’un contrat de distribution avec un conseiller financier, afin de s’assurer que celui-ci n’est pas un contrevenant, affirme Mme DiFlorio.

« Nous n’y inscrivons pas systématiquement tous les noms, puisque nous considérons que certains conseillers sont de bonne foi et qu’ils rembourseront. Par contre, les conseillers auprès de qui nous avons insisté, sans succès, s’y retrouveront », prévient-elle.

La gestionnaire ajoute aussi qu’une somme minimale d’endettement est requise afin de pouvoir inscrire le nom d’un contrevenant dans le système. « Nous n’inscrivons pas les conseillers qui sont endettés de 20$! Chez Hub, par exemple, nous avons fixé le seuil d’endettement à 1000$. D’autres agents généraux peuvent toutefois fixer le leur », dit-elle.

Selon Mme DiFlorio, ce système de surveillance est parfaitement légal. Elle affirme d’ailleurs avoir obtenu un avis juridique favorable sur ce système avant de le mettre en ligne il y a un an.

Le président du conseil d’administration de l’ACGSF, Denis Savard, affirme aussi que ses membres sont très préoccupés par l’enjeu que soulèvent les pratiques répréhensibles. M. Savard est aussi président de l’agent général Centre Mica.

« Nous nous faisons prendre par des fraudeurs! Il faut trouver une solution, ça c’est clair », lance Denis Savard. Il affirme toutefois ne pas adhérer au type de système de surveillance élaboré par CAILBA. « Nous avons peur des listes noires au Québec », laisse-t-il tomber.

Le mal s’aggrave

Pourquoi se pencher sur le problème aujourd’hui alors qu’il existe déjà depuis longtemps? (voir encadré sur l’affaire Bricault) « Récemment, le problème a pris de l’ampleur. Avant, nous pouvions vivre avec. Les dettes oscillaient autour de 25 000 à 50 000$. Aujourd’hui, les crimes sont devenus de plus en plus sophistiqués. Les pertes atteignent entre 250 et 500 000$ », explique M. Savard.

Selon M. Savard, les compagnies d’assurance vie réclament directement à l’agent général une dette de commission contractée par un conseiller qui a vendu une police annulée à l’intérieur d’un délai de 24 mois. À défaut, les compagnies refusent de verser à l’agent général le reste des commissions qui lui revient de droit, affirme M. Savard. « Beaucoup d’agents généraux en souffrent aujourd’hui », ajoute-t-il.

Bien que certaines compagnies leur accordent un délai de 90 jours pour rembourser les sommes dues, les agents généraux demeurent responsables des dettes des conseillers en totalité.

De plus, poursuit M. Savard, les frais d’émission de police déboursés par les compagnies d’assurance et les agents généraux, tels les coûts des examens médicaux, ne leur sont jamais remis. « Cela représente des coûts énormes », indique le président de Mica.

Même si l’ACGSF reconnaît la gravité de la situation, l’association tarde toutefois à prendre une position ferme quant au traitement à réserver aux conseillers escrocs. « Nous prendrons une décision lors du prochain conseil d’administration, mais il a été reporté à une date indéterminée », affirmait-il au moment de clore la présente édition, le 4 juillet. « Pour l’heure, la seule consigne que nous avons est de prévenir l’Autorité des marchés financiers, dès le moment où nous identifions un contrevenant », affirme-t-il.