Un sondage de la firme IBM mené auprès de PDG démontre que les assureurs veulent en savoir plus sur les habitudes des consommateurs et mieux décortiquer l’information qu’ils ont entre les mains. Plus encore, ils veulent voir de quelle façon ils pourront interagir avec eux, à partir de ces données non exploitées.En 2012, IBM a mené un vaste sondage auprès de 1 700 PDG à travers le monde, travaillant dans diverses industries. 147 de ces PDG travaillaient en assurance, dont dix étaient établis au Canada. Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec James Hogg, partenaire sénior, leadeur de la pratique d’assurance pour le Canada d’IBM Canada, qui a mené certaines des entrevues avec ces PDG des 4 coins du monde.
Deux grands constats sont ressortis de l’enquête d’IBM en ce qui a trait aux assureurs. Ces derniers veulent tirer profit de la masse de données qu’ils ont sur les consommateurs pour mieux les connaitre. De plus, ils veulent revoir leurs façons de faire pour interagir avec eux.
Au cours de la dernière décennie, les assureurs canadiens ont misé sur l’amélioration de leurs systèmes, tant sur le plan de l’informatique que de la gestion des polices et des réclamations. Certains assureurs sont encore plongés dans ce travail, dit M. Hogg, notamment SSQ, Co-operators, Intact, Economical et Manuvie. Il s’agit toutefois d’un cycle qui se termine, croit-il.
Les assureurs cherchent à en savoir plus sur les consommateurs, maintenant que leurs systèmes arrivent à la fin de leur vie utile. « Plusieurs PDG nous ont parlé de l’importance de la relation qu’ils entretiennent avec le consommateur. Ils souhaitent ainsi obtenir plus d’informations sur lui. Ils veulent aussi voir quelles sont les différentes façons avec lesquelles ils pourront entrer en contact avec lui », dit-il.
Il donne en exemple le cas de AllState, qui a acheté Esurance, en 2011. « AllState a beaucoup investi en technologie au cours des dix dernières années. Ils sont plus ouverts à cela. Ils ont ainsi changé leur modèle d’affaires. Ils ne sont toutefois pas devenus une compagnie virtuelle. Ils ont plutôt opté pour en acheter une, pour étendre la portée de leur marché. Cet intérêt pour la technologie est une tendance qu’on va voir de plus en plus au fil du temps », dit M. Hogg. Ces changements n’enlèvent rien au rôle de l’agent, dit M. Hogg. « Les assureurs ne cesseront pas de faire affaire avec les agents, mais on voit que les assureurs ont un intérêt pour les médias sociaux et les nouveaux modes de communication. Ils veulent améliorer le design de leur produit en fonction de cette nouvelle donne », dit-il.
« En analysant les données sur leurs clients (data mining), les assureurs devront de plus en plus faire appel à la technologie. C’est pourquoi ils peuvent commencer à rechercher de nouveaux types de partenariat, comme AllState l’a fait », dit M. Hogg.
La stratégie des joueurs les plus performants
IBM a aussi analysé les pratiques des entreprises les plus performantes qui ont participé au sondage. La performance a été déterminée en fonction du rendement de l’avoir des actionnaires (ROE) et IBM s’est attardé au tiers le plus performant. Trois éléments en sont ressortis, dit M. Hogg. « Ces entreprises avaient une importante capacité à aller chercher des données. Elles étaient ensuite capables de les ventiler pour en ressortir les éléments les plus importants. Finalement, nous avons constaté qu’elles passaient aux actes à la suite de leurs analyses », dit-il.
M. Hogg a relaté qu’un PDG voyait la vente de l’assurance comme la vente d’un risque. « Il trouvait que l’assurance devenait de plus en plus un produit de commodité. En allant chercher des données, ça demeure un produit. C’est pourquoi nous croyons que les départements de markéting seront de plus en plus impliqués dans le développement des produits d’assurance, avec les actuaires et les gens dédiés à leur conception », dit-il.
Dans les priorités identifiées par les PDG, 78 % ont répondu qu’il était important pour eux d’améliorer les relations de leur entreprise avec leurs clients. De plus, 72 % des PDG ont dit vouloir investir dans le talent de leur équipe, dans les années à venir. Ils sont aussi 71 % à vouloir améliorer leur réponse au client et 69 % à vouloir améliorer leur compréhension des besoins des consommateurs.
Comment réussiront-ils à augmenter cette compréhension? En interagissant avec eux sur le Web, avance M. Hogg. « Plus de 55 % des PDG nous ont dit vouloir emprunter cette voie. L’intérêt pour les médias sociaux n’est pas encore marqué. Pourtant, nous nous attendons à ce que les assureurs doublent leur utilisation des médias sociaux, d’ici trois à cinq ans. Ils comprennent que les médias sociaux peuvent leur permettre d’accéder à de nouvelles niches. Ils ne sont toutefois pas rendus à ce point, en ce moment », dit-il.
L’exemple de Progressive
Pour les assureurs, le grand défi est d’être capable d’analyser les données disponibles pour trouver des façons d’interagir avec le consommateur. « Progressive est probablement l’assureur qui sait le mieux analyser ses données. Ils ont un excellent branding et font de très bonnes annonces publicitaires », dit-il.
Comment y sont-ils parvenus? « À la base, Progressive était un assureur qui s’intéressait aux particuliers qui présentaient des risques élevés. Ils ont développé une expertise à bien souscrire les risques pour cette classe de gens. Si Progressive offrait une prime au client, tout le monde savait qu’ils allaient faire de l’argent avec. S’ils sentaient qu’ils ne feraient pas d’argent, ils le tarifaient très haut pour s’assurer que ce client se ramasse chez un concurrent, en se disant que ce client ferait perdre de l’argent au concurrent. La tarification du produit est à la base de leur approche », dit M. Hogg.
Cet exemple fait dire à M. Hogg que les assureurs doivent apprendre à tirer parti des données qu’ils ont entre les mains. Leur croissance en dépend, dit-il.