Les consolidateurs continueront d’avaler les cabinets fragilisés par la réglementation, la conformité et la nécessité d’investir en technologie pour suivre la parade. Plusieurs acquisitions ont déjà eu lieu pour cette raison. La tendance se poursuivra en 2017.

Le volume manquera cruellement aux agents généraux sans créneau, et qui n’ont que deux ou trois contrats de distribution directe, croit Yan Charbonneau, PDG de Groupe AFL. « Ils seront avalés parce qu’ils ne pourront survivre au poids de la conformité. Si les agents généraux ne se consolident pas, plusieurs institutions financières pourraient bientôt faire la file pour acquérir ces cabinets fragiles. La journée où les banques pourront acheter des cabinets, elles le feront à rythme accéléré. »

M. Charbonneau rappelle que des assureurs le font à grands pas, comme iA Groupe financier, par le biais de Centre national de courtage d’assurance. « RBC Assurances et BMO Assurance n’ont pas réagi encore. Ils finiront par le faire. Cabinet d’assurance Banque Nationale achète des cabinets d’assurance collective. Sur 15 agents généraux au Québec, il en restera peut-être la moitié, dont guère plus de cinq indépendants. »

Bonis maximums

Obtenir les bonis maximums auprès des assureurs est le nerf de la guerre, selon lui. « Les critères des assureurs ont changé. Ils laissaient autrefois un contrat direct à l’agent général en échange d’un gros volume de primes en vigueur. Ils exigent maintenant des quotas de vente aux agents généraux pour aller chercher des bonis additionnels. Il faut alors vendre dans les tranches de pleine rémunération pour les obtenir. Même les plus gros agents généraux du Québec n’ont pas le maximum des bonis avec toutes les compagnies », révèle M. Charbonneau.

Les seuls qui les ont sont les plus gros agents généraux pancanadiens, ajoute-t-il. « Souvent, les agents généraux devront concentrer leur production chez certains assureurs, dans des produits vedettes. »

Au cours des cinq dernières années, Financière Hub a acquis cinq cabinets. L’agent général dit vouloir réaliser d’autres acquisitions, a confié sa PDG, Terri Botosan, en entrevue au Journal de l’assurance. Le Québec est une cible, ajoute-t-elle. L’agent général veut y accroitre sa présence.

Quelle que soit sa grosseur, tout agent général devra avoir une discipline de fer en matière de contrôle des couts pour relever tous les défis qui se dressent sur sa route, dit Mme Botosan. Elle estime que les consolidateurs ne seront pas nécessairement les seuls à survivre aux enjeux qui menacent les agents généraux.

Qui survivra?

Il est difficile de prédire qui restera ou survivra, dit Mme Botosan. « Il y a plusieurs excellentes entreprises dans le réseau qui sont des joueurs régionaux, ou qui desservent un créneau très précis, et qui font un excellent travail pour les clients. Acquérir est un long processus. Il faut planifier l’acquisition minutieusement et évaluer ses options. Il faut s’assurer de choisir le bon partenaire et d’amener une valeur supplémentaire aux conseillers. C’est ce qui fera croitre leurs revenus et ceux de votre firme », dit-elle.

La croissance et la rentabilité deviennent un passage obligé pour un agent général, renchérit le président de Qualified Financial Services (QFS), Kevin Cott. « Si votre marge bénéficiaire est mince et votre rentabilité faible, vous serez acheté. Peu de mes acquisitions étaient des cabinets rentables. Dans les deux qui l’étaient, les propriétaires vivaient sur leur marge bénéficiaire et il ne restait pas d’autres profits », relate M. Cott.

Le réseau des agents généraux a beaucoup changé depuis dix ans, au gré de la consolidation et de la réglementation, poursuit-il. « Si vous êtes un petit agent général, vous avez toujours les mêmes dépenses qu’un plus gros : la conformité, la technologie, les opérations, les immobilisations. Toutefois, un plus gros agent général est en meilleure posture de les absorber, avec un impact minimal sur sa rentabilité », dit le PDG de QFS.

Au fil de six acquisitions réalisées dans les cinq dernières années, dont le Groupe Goldman au Québec en 2014, il dit compter en 2017 plus de 1 000 conseillers actifs. Il dit aussi gérer un actif de 1,5 milliard $ en fonds distincts.

« L’an passé, nous avons eu deux fois plus de conseillers à produire plus de 100 000 $ de commissions de première année. Nous avons pu offrir nos conférences annuelle et biannuelle, avoir une plateforme technologique de haut niveau pour nos conseillers, et mener une campagne de vente et plusieurs événements de développement professionnel. Nous avons pu leur fournir aussi un excellent soutien personnalisé et leur payer des surcommissions très concurrentielles, tout en demeurant très rentables », affirme M. Cott.

Président de l’association pancanadienne d’agents généraux CAILBA et PDG de BridgeForce Financial Group (BFG), Michael Williams se dit un acquéreur très actif. « Nous avons fait une acquisition l’an passé et en préparons deux autres », a-t-il révélé. Ce qui n’est pas une mince affaire. Il insiste sur le travail intensif que requiert une acquisition. BFG met normalement deux ans à compléter une acquisition.

Culture différente

La culture de BFG est très différente de celle des autres consolidateurs, a par ailleurs insisté son PDG. « Nous sommes un agent général régional. Notre stratégie est un peu différente. Nous pensons que nous n’avons pas à être les plus gros. Il y a assez de potentiel d’affaires au Canada pour faire vivre à la fois les plus gros agents généraux et les joueurs de niche », dit M. Williams.

Joueur régional, M. Williams affirme avoir la taille critique pour absorber par exemple les couts de conformité, même s’il n’est pas un joueur national. Il ajoute maximiser ses contrats de distribution avec tous ses fournisseurs, et précise que les huit plus gros comptent pour 83 % de son chiffre d’affaires.

« Les acquisitions sont toujours en branle. Cette année, nous voulons rationaliser nos opérations, a confié M. Williams. Nous avons deux systèmes d’arrière-guichet. Au troisième trimestre, nous migrerons vers un seul pour tous nos bureaux, soit WealthServ de Bluesun. Nous avons des changements en cours et cherchons des façons d’aider les conseillers à faire croitre leurs affaires. »


Il existe une autre façon de grossir, affirme Yan Charbonneau

Toujours à l’affût de la montée des banques dans la distribution de produits d’assurance, Yan Charbonneau, PDG du Groupe AFL, entend leur donner la répartie en développant de concert deux lignes d’affaires distinctes : l’assurance de personnes et l’assurance de dommages.

C’est pourquoi il a acquis en 2016 des mains de Robert Bournival le cabinet de courtage Deslauriers et associés. « Les banques vendront de l’assurance simplement parce que les gens se déplacent spontanément vers leurs succursales. Les indépendants devront gagner la confiance des clients en leur offrant un modèle différent. C’est pourquoi j’ai décidé de faire de l’assurance de dommages. Le client estime qu’il devrait avoir toutes ses affaires d’assurance chez nous, même si ces deux lignes d’affaires sont totalement différentes. Si je grossis les deux de façon égale, je développerai du même coup des spécialistes des deux côtés. »

AFL met actuellement sur pied une entreprise avec des amis férus de technologie de l’information. Ils développeront ensemble une plateforme qui permettra d’héberger tous les produits, a révélé M. Charbonneau. « Ce sera pour usage interne seulement. Pour l’instant dans l’industrie, les systèmes ne parviennent pas encore à se parler entre eux. En assurance de dommages, il y a un langage commun. En assurance vie, les fichiers dans les normes CITS préconisés par CLIEDIS semblent un bien bel objectif, mais verrons-nous le résultat avant notre retraite ? »

Or, il estime possible pour un agent général de développer à l’interne une plateforme qui permet d’uniformiser les échanges de données informatisées, en provenance de diverses sources. Et cette possibilité peut amener selon lui beaucoup de croissance. « J’ai acquis 15 000 clients avec Deslauriers et associés, a souligné M. Charbonneau. Je peux effectuer des ventes croisées entre dommages et vie avec ces clients. J’ai par exemple un conseiller en sécurité financière qui a 15 ans d’expérience en assurance aux entrepreneurs qui travaille en tandem avec un courtier en dommages qui a aussi 15 ans d’expérience ».

Yan Charbonneau compte aussi sur les services du conseiller Hugo Neveu, qu’il a recruté pour diriger et développer ses activités d’assurance et prêts hypothécaires. M. Neveu sera entre autres responsable d’identifier les clients et les situations qui se prêtent aux ventes croisées dans toute l’organisation.