La volatilité des marchés a rendu de nombreux investisseurs inquiets. Certains ont d’ailleurs retiré leur avoir des fonds communs de placement vendus individuellement. Toutefois, on observe que ceux qui ont investi dans des fonds de fonds conservent leurs placements.Dans sa revue annuelle de l’industrie des fonds communs de placement, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) rapporte que les acquisitions de fonds de fonds ont surpassé les ventes de fonds vendus individuellement par environ 12 pour un en 2007, et ce, par fonds. Les ventes moyennes dans le segment des fonds de fonds durant l’année ont atteint 5,1 M$ par mois. Par comparaison, les ventes moyennes de fonds à long terme vendus individuellement se sont chiffrées à 429 000 $ par mois.

Les nouveaux placements nets dans les fonds de fonds ont progressé pour l’année, atteignant 16,2 milliards de dollars par rapport à 9,6 milliards en 2006. Les investisseurs ont aussi transféré 4,2 milliards additionnels dans les fonds de fonds.

Ce type de produit l’emporte aussi sur les fonds vendus individuellement sur le plan de la stabilité. Si la volatilité du marché a suscité le rachat de placements dans des fonds à long terme pendant certains mois de 2007, les fonds de fonds ont continué d’afficher des ventes positives.

« Même dans les mois comme août lorsque le resserrement du crédit a commencé à faire sentir ses effets sur les marchés à l’échelle mondiale, les ventes de fonds de fonds ont atteint 787 M$, tandis que les rachats nets d’actifs de fonds vendus individuellement et de fonds du marché monétaire se chiffraient respectivement à 1,4 milliard et 916 M$», souligne le rapport de l’IFIC.

Ce n’est qu’en janvier 2008 que les fonds de fonds ont enregistré des rachats nets, ce que l’IFIC qualifie d’anomalie s’expliquant par la fermeture de certains fonds.

Souvent utilisés comme une partie centrale du portefeuille d’un investisseur, les fonds de fonds, aussi appelés fonds intégrés ou fonds portefeuilles, offrent aux investisseurs un panier de placements qui mise sur un ensemble de fonds diversifiés par catégories d’actif, secteurs géographiques et styles de gestion. Les fonds de fonds offrent souvent des services de rééquilibrage des actifs et de gestion active et tactique. Certains de ces produits ou programmes tiennent aussi compte du degré de tolérance à l’égard du risque ou d’autres facteurs comme le nombre d’années avant la retraite d’un investisseur.

Comment s’expliquent les ventes stables des fonds de fonds malgré la volatilité du marché? Notamment par la diversification de ces fonds, et par la psychologie du placement, explique Dennis Yanchus, analyste de statistiques à l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC). « Les gens trouvent difficile de voir un fonds (vendu individuellement) s’effondrer. Mais avec les fonds portefeuilles, c’est le rendement entier qu’ils considèrent. »

Si ces produits diversifiés n’ont pas affiché les rendements très élevés que les fonds d’actions canadiennes traditionnels pourraient avoir enregistrés au cours des dernières années, ils n’ont pas connu les fléchissements qui ont touché de tels fonds depuis qu’est apparu le fiasco des prêts à haut risque en août dernier. « La volatilité a été beaucoup plus faible », précise M. Yanchus.

Le service de rééquilibrage des actifs intégré à ces solutions est un avantage non négligeable, ajoute M. Yanchus. Rééquilibrer un portefeuille suppose d’acheter à bas prix et de vendre cher. Mais pour les investisseurs individuels, « c’est difficile à mettre en pratique ». Peu d’entre eux auront le courage de transférer de l’argent d’un fonds traditionnel au rendement satisfaisant dans un fonds au rendement médiocre.

Par exemple, un investisseur qui gère lui-même son portefeuille comportant cinq fonds traditionnels ne verra pas forcément le rendement global de 12 % que le groupe de fonds a obtenu. Il se souciera plutôt du fonds qui a perdu 30 % et vendra ses actifs, alors qu’il serait préférable d’en acheter.

En revanche, il est probable que le détenteur d’un produit bien diversifié de fonds de fonds au rendement global de 12 % en soit satisfait et conserve ses placements. En fait, ces produits aident à tempérer l’instinct de vendre à prix bas et d’acheter cher, explique M. Yanchus. « Les investisseurs réagissent aux pertes absolues. »

Les besoins à la retraite des baby-boomers

Ces produits comblent aussi le vide créé par la tendance à délaisser les régimes de retraite à prestations déterminées, poursuit-il. Le nombre croissant de Canadiens dépourvus de ce genre de régimes de retraite doit épargner plus d’argent dans un REÉR. Les produits de fonds de fonds sont gérés par des gestionnaires professionnels qui assument un rôle exercé traditionnellement par des gestionnaires de régimes de retraite, indique M. Yanchus.

Les fonds à échéancier visant à financer les besoins à la retraite sont un exemple de ce type d’approche. Ils sont sélectionnés en fonction du nombre d’années restant avant la retraite. Les actifs dans ces fonds sont redistribués vers des placements plus prudents à mesure que le client se rapproche de la date d’échéance. De tels fonds encouragent évidemment la stabilité des ventes en mettant au centre des préoccupations des investisseurs une date qui correspond à leur retraite prévue, et ce, des années avant.

Nombre de baby-boomers préparant leur retraite trouvent séduisante la simplicité de ces fonds, surtout s’ils ne désirent pas gérer activement leurs placements, ajoute M. Yanchus. Vous achetez un produit et, par ricochet, vous obtenez une diversification, un seul relevé de rendement des fonds et le rééquilibrage de votre portefeuille par un gestionnaire.

Duane Green, vice-président des alliances stratégiques chez Placements Franklin Templeton, reconnaît que ces produits procurent aux investisseurs le style de gestion qu’ils recherchent pour leur épargne-retraite.

La société Franklin Templeton propose depuis 2002 ses portefeuilles Quotentiel dont les actifs sous gestion se chiffrent à 8,2 milliards. C’est la solution gérée numéro un en dehors des banques, indique M. Green. Ces produits sont des « solutions polyvalentes pour répondre aux besoins de la retraite », dit-il.

Les fonds Quotentiel sont gérés activement par la société Fiduciary Trust, une filiale de Franklin Templeton.

Les avantages de la stabilité

Comme les fonds de fonds existent seulement depuis 2002 et que l’essor des ventes date des dernières années, c’est donc la première fois que l’industrie a pu observer le comportement de leurs détenteurs en période de volatilité. Selon M. Yanchus, l’afflux positif de capitaux dans ces fonds malgré la situation du marché est de bon augure pour l’industrie. « Les sociétés de fonds de placement commun en retirent de la stabilité sur le plan des ventes, ce qui les aide pour ce qui est de la gestion des portefeuilles. »

Il explique que l’instabilité des ventes « est difficile pour les gestionnaires de fonds ». Leur problème lorsque le marché est à la baisse, ce sont les nombreux investisseurs nerveux qui transfèrent leurs actifs ailleurs. Comme un marché baissier offre la possibilité d’acheter à bas prix, les investisseurs qui devraient en profiter ont ainsi moins d’argent pour ce faire. En revanche, un marché à la hausse incite les investisseurs à acquérir des fonds, et les gestionnaires se retrouvent avec une augmentation des dépôts, mais moins d’occasions intéressantes sur le marché.

Cependant, la régularité des ventes de fonds de fonds « améliore la capacité des gestionnaires de fonds à gérer leurs portefeuilles », souligne M. Yanchus.

M. Green, de Franklin Templeton, reconnaît que cette stabilité est un avantage. « Les gestionnaires peuvent rééquilibrer des fonds au moyen de nouveaux mouvements de capitaux, plutôt que de vendre une position. »

John Rees, directeur des ventes de placements chez Équitable Vie, dit que les fonds de fonds sont également de plus en plus populaires dans le marché des fonds distincts. Sa compagnie offre 24 fonds communs de placement traditionnels de tiers dans une enveloppe de fonds distincts et un programme de portefeuilles : les fonds Quotentiel de Franklin Templeton.

La société Équitable Vie propose aussi le portefeuille Quotentiel depuis trois ans et demi. Elle a commencé à l’offrir dans son produit d’assurance vie universelle comme une option de placement, puis comme un fonds distinct. « Les résultats de nos ventes sont formidables; Quotentiel représente près de la moitié de nos ventes », précise M. Rees.

Le rôle principal d’un conseiller

Équitable Vie vend ses fonds par l’intermédiaire d’un conseiller, et le réseau des agents généraux et les conseillers aiment vraiment le concept de portefeuilles, dit-il. Qu’est-ce qui explique cette popularité chez les conseillers? Dans un marché variable comme le présent, certains conseillers « voient leurs limites en tant que concepteurs de portefeuilles », indique M. Rees.

Mais, ajoute-t-il, de nombreux conseillers sont des concepteurs très compétents de portefeuilles. « Nous proposons à ces conseillers une excellente sélection de fonds qui peuvent servir à concevoir un portefeuille adéquat, ou à combler une partie manquante du portefeuille d’un client. »

Néanmoins, M. Rees estime que la fonction principale d’un conseiller n’est pas de concevoir des portefeuilles. C’est plutôt de déterminer les besoins et les solutions et d’inciter le client à passer à l’action.

Nombre de conseillers constatent qu’ils maîtrisent plus aisément les placements de leurs clients lorsqu’ils doivent s’occuper d’une brève liste de fonds portefeuilles plutôt que d’une longue liste de fonds traditionnels qui nécessitent d’être rééquilibrés.

Michael Aziz, vice-président régional, ventes et produits de placement chez Desjardins Sécurité financière (DSF), souligne que les fonds portefeuilles distincts de tiers font fureur chez les conseillers. Ils sont heureux de ne pas avoir à faire de recherches ni de rééquilibrage et de laisser cela à un gestionnaire professionnel, explique-t-il. « À mon humble avis, les conseillers qui essaient de réunir des actifs et de planifier la retraite de leurs clients n’ont pas toujours le temps d’être au courant des plus récentes informations concernant les marchés. » Les fournisseurs de portefeuilles ont accès à des gestionnaires du monde entier, aux meilleurs modèles et à la meilleure recherche, ajoute-t-il. « Pourquoi ne pas les laisser faire leur travail ? »

À peine plus de 30 % des ventes de fonds distincts de DSF vont dans des portefeuilles, précise-t-il. Il pense que la tendance en faveur de ces produits gagnera du terrain, car ces solutions permettent aux conseillers de « consacrer plus de temps aux clients et à la prospection ».

S’il reconnaît que les fonds de fonds sont « très populaires », David O’Leary, chef du Service d’analyse des fonds chez Morningstar Canada, se montre peu enthousiaste au sujet de la tendance. À la question de savoir si ces fonds représentent un bon choix pour un investisseur qui ne veut pas gérer activement ses placements, il répond que « les gens devraient devenir des investisseurs plus actifs ». Ces fonds sont préférables à des CPG conservés pendant plusieurs années, ou au maintien de quelques fonds communs de placement détenus depuis votre adolescence, mais ils ne sont pas la meilleure solution, soutient-il. « Vous pourriez faire pire que les fonds de fonds. Vous pourriez faire beaucoup mieux si vous avez un bon conseiller et si vous vous documentez un peu. »

Si un conseiller ou un investisseur choisit la voie des fonds de fonds, M. O’Leary a quelques conseils. « Faites attention à la sur-diversification. S’il y a plus de 10 fonds (dans le portefeuille), je commencerais à me poser des questions. Vingt, c’est trop, 15 c’est discutable. Ce serait une question à poser. »

Les fonds devraient être dissemblables pour améliorer la diversification. Il n’y a pas d’avantage à avoir deux fonds qui sont presque identiques en ce qui a trait à la répartition des actifs.