Marianne Harrison, PDG de la division canadienne de la Financière Manuvie, compte bien mettre la clientèle « au cœur de toute sa démarche ». Une telle stratégie a provoqué d’importants changements dans son organisation, et ce, sur plus d’un plan.Parmi les grands changements amorcés l’an dernier figure la restructuration complète de la division canadienne autour de sa clientèle, tant du côté institutionnel que des particuliers. Dans une entrevue au Journal de l’assurance, Mme Harrison, entrée en poste en janvier 2013, explique que la division était traditionnellement organisée en fonction de ses gammes de produits, alors qu’elle fonctionne désormais de façon plus holistique. Le segment des particuliers comprend maintenant les produits d’assurance et la gestion du patrimoine.

« En regroupant toutes les ventes au détail dans une même plateforme de services partagés, on permet au client de sentir qu’il traite avec l’ensemble de la compagnie et non uniquement avec le petit bloc lié à l’une de ses gammes de produits. On ne veut pas que le client se dise qu’il fait affaire seulement avec le volet assurance vie, ou simplement avec les fonds communs. Nous voulons qu’il se voie comme un client de Manuvie », dit-elle.

Mme Harrison ne cache pas que la réorganisation a connu quelques incidents de parcours. Elle rappelle toutefois que beaucoup de chemin a été parcouru en un an. « Je veux que nos employés se mettent dans la peau du client. Je veux les amener à penser davantage de cette façon. »

La réorganisation des activités canadiennes de Manuvie a aussi eu des impacts concernant la gestion de sa technologie. Auparavant, en raison de sa structure par gammes de produits, l’information client était stockée en différents endroits. Manuvie réorganise le tout de façon à ce que les renseignements sur un client soient réunis en un dossier.

Manuvie possédait 22 centres d’appels au Canada, un par porduit. Il n’y en aura plus qu’un seul au cours des prochaines années.

Mme Harrison tient à ce que Manuvie offre à sa clientèle canadienne une gamme de produits diversifiée, tant en assurance qu’en gestion de patrimoine. L’assureur souhaite traiter les besoins financiers du consommateur tout au long de sa vie. Cette stratégie fait place à un intérêt croissant à servir la génération Y.

Manuvie mène actuellement diverses études visant à mieux comprendre cette tranche générationnelle pour cerner ses besoins et les produits qu’elle recherche. « Manuvie connait à fond les groupes d’âge où se retrouvent les retraités et les préretraités. On a ici une autre réalité démographique qui se répercute sur les produits », dit-elle.

Ces clients plus jeunes sont au moment de leur vie où ils pensent à acheter une maison et à fonder une famille; ils ne cherchent généralement pas des produits d’assurance très compliqués, comme une assurance vie universelle élaborée, précise Mme Harrison. « Il pourrait y avoir lieu de changer certaines façons de faire », dit-elle.

Elle donne en exemple son produit Synergie. Lancé en 2011, celui-ci réunit assurance vie, assurance maladies graves et assurance invalidité en un même produit. « Fait à noter, ce produit n’a pas vraiment ‘‘levé’’ lorsque nous l’avons présenté à notre réseau de conseillers. On peut imputer cela à la tranche d’âge visée. Les conseillers s’occupent généralement de clients assez bien nantis et plus âgés. Il aurait fallu diriger ce produit vers les plus jeunes », dit Mme Harrison.

L’attrait qu’un produit suscite ou non ne dépend pas uniquement de ses qualités, mais aussi de son mode de distribution, fait-elle remarquer. « Nous commençons à réorienter Synergie, et ce sera probablement en l’éloignant du réseau de conseillers. Je pense que le produit suscitera de meilleurs échos si on l'envoie dans un autre réseau. » Manuvie n’a pas encore décidé de ce qui sera fait. Mme Harrison affirme que le produit sera probablement repositionné sous la marque Pourmeprotéger, commercialisée en souscription directe auprès des consommateurs. »

En adoptant une telle stratégie d’accroissement des ventes, Manuvie ne laisse pas pour autant son réseau de conseillers indépendants sur la touche. Mme Harrison signale que le volume de ventes directes de Manuvie est encore très limité et qu’il ne vise qu’à permettre d’offrir des produits simplifiés à ceux qui ne veulent pas de services-conseils. « C’est vraiment là tout l’intérêt du direct. Nous ne cherchons pas à faire concurrence à la vente-conseil », dit-elle.

Mme Harrison dit aussi voir une relation entre les deux approches. Lorsque les besoins en assurance et en placement des jeunes clients deviennent plus complexes, Manuvie prévoit leur transition progressive vers des conseillers.

« Nous voulons nous assurer d’être en mesure de répondre à leurs besoins, et ce, dans tous les aspects de leur vie. Ils se retrouveront devant différents défis financiers au cours de leur vie, et nous voulons pouvoir les accompagner durant tout ce temps », précise Mme Harrison.

Dans sa réflexion stratégique, Manuvie a divisé ces besoins en trois catégories. La première vise les clients qui fondent une famille et achètent une maison. « C’est ici que la présence de notre banque est particulièrement intéressante. C’est aussi ici que certains de nos produits très simples, comme Synergie, seront utiles », dit Mme Harrison.

La seconde catégorie se destine aux clients qui avancent en âge et qui veulent davantage de conseils. « À cette étape, le réseau de conseillers peut vraiment servir. Nous pouvons participer à la création d’un lien qui les dirigera en toute souplesse vers un conseiller », dit la PDG de Manuvie au Canada.

La dernière catégorie traite de planification successorale, d’héritage et du passage de flambeau à la prochaine génération. Là aussi, les conseils seront nécessaires à cause de la complexité du processus, prévoit Mme Harrison.

Manuvie n’applique pas sa stratégie axée sur le client au seul marché des particuliers. En collectif, la compagnie a annoncé en avril la mise sur pied d’une équipe nationale de spécialistes en santé mentale devant appuyer ses clients en assurance collective et leurs employés. L’initiative, qui vise à accélérer le retour à la santé et au travail des employés touchés, s’inscrit elle aussi dans les efforts déployés par la compagnie pour orienter son action autour du client, dit Mme Harrison.