« Parmi tous les risques, ce sont ceux liés à l’environnement qui vont le plus entrainer le monde vers la catastrophe. » C’est le Forum économique mondial qui le dit, dans son rapport The Global Risks Report 2019 – 14th Edition. D’autant que dans le Top 5 des risques mondiaux établis par la fondation, les trois premiers risques les plus susceptibles de se produire durant les dix prochaines années sont liés à la menace climatique.
Il s’agit des évènements météorologiques extrêmes, tels que les canicules ou les vagues de froid, des catastrophes naturelles majeures, tels que les inondations ou les tremblements de terre, mais aussi de l’incapacité des gouvernements et des industries à prendre des mesures pour atténuer le changement climatique et aider les entreprises touchées par ce phénomène à s’adapter.
L’industrie de l’assurance est l’une de celles qui devront continuer de faire face à cette menace majeure, durant l’année 2020 — et toutes celles à venir.
Souscription, réputation, règlementation...
Dans l’article Les changements climatiques et l’industrie de l’assurance de dommages au Canada, publié par l’Institut canadien des actuaires (ICA), Paul Kovacs, directeur général de l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques (IPSC) de l’Université Western Ontario, prévoit que « les changements climatiques engendreront d’importants nouveaux risques et nouvelles opportunités pour les sociétés d’assurance de dommages pendant les dix prochaines années, et au-delà ».
Plus précisément, M. Kovacs prédit que le chamboulement du climat aura des retombées grandissantes sur six domaines : la souscription, le règlement des sinistres, les opérations, les placements, la réputation et la règlementation.
Souscription
« Le risque croissant de dommages matériels offre aux sociétés d’assurance une opportunité de croissance », dit M. Kovacs. Les Canadiens pourraient être plus nombreux à se tourner vers l’assurance pour se prémunir des intempéries et des évènements naturels majeurs.
Pour tirer pleinement profit de cette opportunité, les compagnies d’assurance devront cependant s’assurer qu’elles offrent la bonne tarification tout en disposant de la bonne couverture de réassurance.
Règlement des sinistres
La hausse des demandes d’indemnisation est également à prévoir. Du fait de la hausse des souscriptions, mais pas que. « On s’attend à ce que de nombreux facteurs contribuent à l’augmentation des demandes d’indemnisation, y compris le vieillissement d’infrastructures de moins en moins capables d’affronter des évènements météorologiques violents, l’évolution du comportement des consommateurs, comme la conversion des sous-sols en espaces de vie, et les risques de phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents », avance M. Kovacs.
Ce risque devrait toutefois être atténué par la rénovation de bâtiments actuellement peu adaptés à la menace, voire la construction de nouveaux édifices. Pour que ces démarches d’adaptation soient pleinement bénéfiques, le monde de l’assurance devra là encore « déployer beaucoup d’efforts pour s’assurer que la tarification de l’assurance tienne bien compte du risque de perte » lié aux bâtiments neufs ou fraichement rénovés.
Opérations
Les opérations des compagnies d’assurance seront de fait amenées à changer. Avec la hausse des réclamations, les compagnies devront prendre des mesures pour être à même de gérer efficacement les dossiers à la suite d’évènements majeurs. Cette gestion des demandes de règlements « continuera d’évoluer, y compris pour la mise sur pied d’équipes d’intervention en cas de catastrophes et le recours à un soutien externe spécialisé », dit M. Kovacs.
Comme les clients, les compagnies d’assurance elles-mêmes sont sous le coup de la menace grandissante. Leurs infrastructures et réseaux peuvent être endommagés, tout comme les biens personnels de leurs employés. M. Kovacs prévient : « Les plans actuels de continuité des activités pourraient être insuffisants pour rencontrer les risques futurs prévus. » Voilà un autre chantier auquel les entreprises devraient s’atteler sans tarder.
Placements
« La transition vers une économie à faibles émissions de carbone engendrera un risque de placements et des opportunités pour les assureurs, les prêteurs et les investisseurs », dit le directeur général de l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques de l’Université Western.
Si les changements climatiques font peser des risques financiers sur les institutions, les entreprises et les particuliers, ils peuvent également pousser ces acteurs à investir en vue de soutenir la résilience climatique, ce qui engendrerait des rendements économiques importants. « Les gouvernements cherchent des partenaires pour investir dans le renouvèlement des infrastructures, y compris des projets qui réduiront le risque de dommages météorologiques extrêmes », donne-t-il pour exemple.
Réputation
Aussi, les entreprises qui n’œuvrent pas en faveur de l’environnement pourraient voir leur notoriété entachée. M. Kovacs parle de « risque d’atteinte à la réputation pour les entreprises ».
On s’attend à ce que de plus en plus d’entreprises, et notamment des compagnies d’assurance, s’inquiètent des effets qu’elles peuvent avoir sur le bon fonctionnement de notre planète. S’engager à atteindre la carboneutralité, par exemple, pourrait devenir la norme dans un futur proche.
Règlementation
« L’incapacité de composer avec les changements climatiques engendre des risques et opportunités règlementaires pour les sociétés d’assurance », dit M. Kovacs, terminant ainsi sa liste de choses à prendre en compte durant la prochaine décennie.
Récurrentes et couteuses, les inondations sont surement le dossier qui prend le plus de place sur les tables à dessin des décideurs canadiens aux prises avec les changements climatiques. Sous-assurance des Canadiens, construction dans des zones inondables, éducation aux bonnes pratiques... En 2020, le Journal de l’assurance fera le point sur les travaux entrepris par le Bureau d’assurance du Canada (BAC), les différents gouvernements canadiens pour tenter d’apporter une réponse coordonnée aux inondations.