Deux personnages de l’industrie de l’assurance de dommages nous ont fait part de leurs préoccupations à l’égard des contraintes qui nuisent à la rétention des représentants. Selon eux, un peu de lest de la part de la Chambre de l’assurance de dommages et de l’Autorité des marchés financiers ne ferait pas de tort à cet égard. 

Lors de notre entretien tenu à la mi-novembre avec le président de la Coalition pour une relève en assurance de dommagesRobert LaGarde mentionnait qu’à son avis, le régulateur et l’organisme d’autorégulation devraient se montrer plus accommodants envers les vétérans de l’industrie si l’on veut faciliter leur rétention dans la profession. 

Robert LaGarde relate une conversation en 2020 qu’il a eue avec un cadre supérieur au sein de l’Autorité. « J’avais obtenu de sa part un engagement pour assouplir les règles d’encadrement. Par exemple, quelqu’un de 62 ans qui a 40 ans de métier, qui est même chargé de cours parfois, pourquoi le forcer à suivre 20 heures de formation continue, alors que c’est lui qui donne les cours? C’est un emmerdement », indique-t-il. 

M. LaGarde trouve aussi inutile l’obligation imposée aux vétérans de se doter d’une assurance en responsabilité professionnelle de 5 M$ alors qu’ils commencent à ralentir leurs activités.

Les plaintes au syndic 

Au congrès du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), Yves Gagnon était l’un des invités au panel des assureurs. Le président et chef de l’exploitation de L’Unique Assurances générales et d’Unica a parlé à deux reprises de son malaise à l’égard de la publication des décisions disciplinaires par la Chambre de l’assurance de dommages. 

Au moment où il était question du durcissement du marché en assurance aux entreprises, Yves Gagnon notait que ce sont les courtiers qui doivent convaincre les entrepreneurs d’accepter des contrats avec des garanties réduites et des primes plus élevées. En sus, si les mauvaises nouvelles arrivent dans un délai très court avant le renouvellement, il y a des chances pour que le client porte plainte au syndic de la Chambre, ajoute M. Gagnon.

« Parfois, tu vois un courtier qui a fait une infraction mineure, il écope d’une amende de quelques milliers de dollars. Il se fait crucifier sur la place publique comme un criminel », déplore-t-il en mentionnant les publications des Éditions du Journal de l’assurance et le site web de la Chambre.

Selon lui, dans le dernier rapport annuel de la Chambre, la moitié du document rapporte des décisions disciplinaires. « Ce sont des histoires qui vont dans le fin détail, pour des affaires qui me semblent souvent mineures. John Morin appelle ça des péchés véniels. Je pense la même chose », dit-il. 

« Le courtier qui fait une vraie fraude envers le consommateur, lui, on veut savoir son nom. Affichez son nom, car il doit sortir de notre industrie. On n’en veut pas, il faut que ça sorte », ajoute M. Gagnon. 

« Mais pour les petites infractions, quand on rend ça public, c’est l’équivalent du traitement du goudron et des plumes. Je trouve que ça n’a pas de bon sens. Vous devriez modifier cette pratique. Ça n’a pas de bon sens », lance M. Gagnon dans son appel à la Chambre. 

Les retards 

Plus tard durant le panel, il a aussi été question des échanges parfois acrimonieux entre le souscripteur de l’assurance et le courtier à cause des retards du premier à fournir une soumission au second. 

« Je suis conscient que les autorités réglementaires en mettent épais sur le dos des courtiers. Ce n’est pas possible, toute la responsabilité réglementaire que les courtiers ont sur le dos. Il s’en ajoute chaque année », souligne M. Gagnon. 

Les courtiers « sont des gens sur la coche, qui travaillent bien. Leur photo est placardée comme un criminel sur la place publique. Tu vois “spinner” ça et tu te dis : voyons donc, ça n’a pas de maudit bon sens », dit-il. 

Réaction de la Chambre 

Nous avons fait suivre à la Chambre de l’assurance de dommages ces commentaires exprimés par MM. LaGarde et Gagnon. Lisane Blanchard, porte-parole de la Chambre, nous a transmis une réponse par courriel.

« Nous sommes conscients de la pénurie de main-d’œuvre qui frappe l’industrie depuis plusieurs années déjà », dit-elle. Elle souligne qu’Anne-Marie Poitras, PDG de la Chambre, est membre du conseil d’administration de la Coalition et collabore avec M. LaGarde « afin de trouver des solutions et former une relève et des professionnels dynamiques et investis ». 

Mme Blanchard ajoute que l’industrie est confrontée à de nombreux changements, notamment reliée à l’utilisation des technologies. La formation continue est nécessaire si l’on veut que les professionnels continuent à informer et à conseiller adéquatement leurs clients. 

« La protection du public passe par des professionnels qui sont certifiés, encadrés, formés et respectueux de leur Code de déontologie », précise-t-elle. 

La Chambre est très sensible au resserrement du marché qui touche particulièrement les courtiers. « Nous continuons donc à les outiller pour les aider dans leur pratique professionnelle », poursuit-elle. 

La porte-parole rappelle que la très grande majorité des agents, des courtiers et des experts en sinistre respectent leur Code de déontologie. Une vingtaine d’entre eux doivent passer devant le comité de discipline en moyenne chaque année, soit environ 10 % des plaintes reçues par le syndic. 

« Il faut se rappeler que les sanctions imposées et leur communication visent à corriger un manquement déontologique, à encourager l’exemplarité de la pratique professionnelle et à dissuader d’autres représentants d’agir ainsi », explique Lisane Blanchard.