Robert Bazinet a eu une longue carrière comme intermédiaire en assurance, principalement chez des agents généraux. Le principal changement qui le frappe est la diminution spectaculaire du nombre de compagnies en assurance. Ce changement n’est toutefois pas sans réduire l’influence des conseillers, a-t-il confié au Journal de l’assurance.L’adoption de la loi 188 en 1998 a entrainé la création de la Chambre de la sécurité financière et de l’Autorité des marchés financiers. M. Bazinet déplore la disparition de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes (AIAPQ) qui regroupait tous les représentants, avant la création de la Chambre. « La Chambre n’est plus une association, il n’y a rien qui se compare à ce que faisait l’AIAPQ. » Il déplore ainsi un certain manque de direction dans l’industrie.

Le manque de connexion entre la Chambre et les conseillers explique peut-être certains problèmes. « Le resserrement des exigences n’était pas réaliste au début, car il n’a pas été conçu avec le milieu. Quand on dit qu’il faut contacter les clients à peu près tous les ans, ça peut se faire pour les fonds, mais en vie, c’est plus difficile. »

Il reconnait toutefois que les conseillers doivent se rapprocher de leurs clients, sinon, ils les pousseront dans les bras des représentants en placements des institutions financières. « La proximité des banques avec les clients est presque quotidienne, ce n’est pas le cas du conseiller. »

Le degré de concentration plus élevé dans l’industrie n’est pas une bonne chose pour les conseillers, qu’ils travaillent dans des cabinets indépendants ou pour des agents généraux, selon M. Bazinet. « Il y a 20 ans, il devait bien y avoir 75 compagnies d’assurance, mais il doit en rester 15 ou 20. La concentration augmente le contrôle des assureurs sur le réseau de distribution. On en voit certaine traiter leurs intermédiaires de manière assez cavalière. Elles ont besoin des conseillers, mais elle s’en fout. Ce n’est plus un partenaire. On ne parle plus d’égal à égal. »

La situation des intermédiaires ne sera pas meilleure pour ceux qui travailleront dans des filiales de grandes banques. « Les banques ont des exigences de rentabilité plus fortes. Ce n’est pas bon pour les distributeurs, ni pour les clients. Les conseillers ne sont plus considérés comme des partenaires des assureurs », insiste-t-il.

Moins d’agents généraux

M. Bazinet dit aussi constater la diminution du nombre d’agents généraux. « Il y en pas mal moins, mais ceux qui restent sont très bons », dit-il.

M. Bazinet affirme que les courtiers ne doivent pas craindre la concurrence des institutions financières comme RBC ou BMO, dont les forces de vente en assurance sont encadrées par les mêmes exigences de conformité. Par contre, il constate que pour la Banque Nationale, « c’est une autre paire de manches. Ce n’est pas nécessairement très étanche entre les succursales bancaires et le réseau de distribution d’assurance. Ce n’est pas bétonné, c’est un peu perméable. Quand vous êtes sur un gros dossier de financement qui concerne la Banque Nationale, pas trop longtemps après, un représentant en assurance se pointe ». Même si les ventes liées ne sont pas permises, « ce n’est pas du tout surveillé », ajoute-t-il.

Il note cependant que si la Banque Nationale augmente son réseau en assurance, les gens qu’elle embauche sont de grande qualité. « Ils ciblent clairement le marché de l’assurance aux entreprises. » Les courtiers ne doivent pas délaisser la clientèle des entrepreneurs. « Mais se limiter à assurer les enfants de leurs clients, ça ne suffit plus pour faire fonctionner un bureau de courtage. Vous seriez surpris de voir combien de conseillers ont des revenus plutôt modestes », dit-il.

Il donne l’exemple d’un vieux courtier de 82 ans qui fonctionnait sans ordinateur ni courriel. Le jour où les compagnies ont arrêté d’expédier par la poste des relevés à leurs représentants, il a dû demander à son agent général de les imprimer pour lui. « Comprenez-moi bien : il y a plusieurs vétérans qui sont encore très bons. » Il souligne que ces mêmes vétérans de l’assurance ont graduellement perdu un autre marché au profit du milieu bancaire : les placements à terme, un produit délaissé par les assureurs.

La réduction du nombre d’assureurs nuit également au recrutement de la relève, estime M. Bazinet. Non seulement les assureurs utilisaient leur « réseau carrière » pour recruter les meilleurs candidats dans les collèges et universités, mais ils finançaient aussi leur démarrage en affaires. En assurance vie, déplore-t-il, les institutions financières ne prêtent plus pour aider le jeune représentant à acheter la clientèle d’un vétéran.

« Ce qui m’énerve, c’est qu’on ne connait pas les intentions des compagnies d’assurance à l’égard du réseau de distribution. Les agents généraux n’ont plus l’impression d’être partenaires des assureurs. Cela n’aide pas pour créer un milieu de travail stimulant qui attire les recrues », reconnait M. Bazinet.