Avec l’appui financier de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de Beneva qui y injectent chacun 250 000 $ sur une période de cinq ans, un Laboratoire en droit des services financiers voit le jour à l’Université Laval. L’une de ses missions sera d’approfondir les recherches dans le domaine de l’assurance et une clinique vouée à la protection des consommateurs y sera lancée l’an prochain.

Cinthia Duclos

Cette unité mixte de recherche (UMR) qui fera à la fois de l’enseignement et de la recherche et qui aspire à transmettre les connaissances qu’elle va acquérir à l’industrie de l’assurance et ses représentants, sera dirigée par Cinthia Duclos, avocate et professeur à la Faculté de droit. Elle s’est dite très heureuse d’avoir à la fois l’appui d’un partenaire provenant du public et d’un autre issu du privé. 

Beneva y voit un projet novateur. « Les produits d’assurance ne sont pas toujours faciles à comprendre, a expliqué son vice-président exécutif, Pierre-Marc Bellavance, au sujet de cet appui financier. Il est important que toutes les parties prennent les mesures appropriées afin que le consommateur soit bien informé et protégé. Le laboratoire pourra assurément l’aider à mieux comprendre cette industrie ». 

Sa création a été annoncée à la mi-juin, mais son lancement officiel aura lieu le 20 septembre. À cette occasion, le laboratoire tiendra une première activité : une table ronde sur la protection des consommateurs à l’ère des fintechs. Un représentant de Beneva et un autre de l’AMF y prendront part. En octobre, il offrira un colloque sur la protection des épargnants, l’encadrement juridique et les possibilités qui se présentent pour les consommateurs qui ont été floués. 

Ce laboratoire de la Faculté de droit ne doit pas être confondu avec la Chaire iA Groupe financier en assurance et services financiers qui relève, pour sa part, de la Faculté des sciences de l’administration. 

Davantage de recherches en assurance 

À ce jour, la Faculté de droit s’était surtout investie dans le volet investissements des services financiers, mais le laboratoire permettra d’approfondir les recherches dans le domaine de l’assurance, ce qu’elle avait peu fait à ce jour. 

« C’est probablement le secteur que l’on a le moins développé, précise Cinthia Duclos. Nous n’avions personne au niveau du corps professoral en droit qui s’intéressait à tout ce qui touche les assureurs et la distribution des produits d’assurance. Avec le laboratoire, on veut faire plus de recherches de ce côté, car il n’existe pas tant de littérature scientifique sur le sujet et on pourra faire découvrir davantage le secteur de l’assurance à nos étudiants du baccalauréat ».

Faire le pont avec l’industrie 

Le nouveau laboratoire ajoute une autre dimension majeure par rapport à l’ancien groupe de recherche en droit des services financiers qu’il intègre : l’enseignement.

« Nous avions déjà cette volonté d’aller vers l’assurance et on voulait se donner un tremplin pour pouvoir davantage transmettre le savoir que nous allons développer, explique sa directrice. C’est bien de faire de la recherche et de rédiger des articles, mais il faut amener nos étudiants du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat à être en contact avec l’industrie, car l’assurance est un joueur majeur des services financiers au Québec et à Québec. La création du laboratoire permet de faire le pont entre les activités de recherches et d’enseignement ».

La distribution des produits d’assurance, ça ne dit rien aux étudiants en baccalauréat, ajoute-t-elle. Des cours sur le sujet leur permettront de découvrir ce milieu, de s’y intéresser et de devenir eux-mêmes chercheurs dans le futur.

Une vision large de la protection du consommateur 

Il est déjà prévu que dans son plan d’action le laboratoire mettra sur pied l’an prochain une clinique destinée à aider les acheteurs de produits financiers. Dès que l’on évoque la protection du consommateur, on songe immédiatement au détournement d’argent, au vol des données et à certains pièges qui guettent la clientèle. Mais pour Cinthia Duclos, la notion de protection est beaucoup plus large.

« C’est de s’assurer que le consommateur ne soit pas victime de fraude, mais aussi qu’il reçoive un service de qualité, donc qu’il ne soit pas victime de négligence ou d’incompétence de la part des conseillers ou des entreprises qui vont interagir avec lui, insiste-t-elle. C’est aussi important qu’il reçoive des services à un prix abordable ». 

Un secteur plus à risque d’infractions ? 

Le Portail de l’assurance rapporte souvent des cas d’amendes et/ou de suspensions qui ont été imposées à des conseillers ou des cabinets pour diverses infractions ou manquements à l’égard de leurs clients. Le secteur de l’assurance serait plus à risque d’infractions que d’autres ?

« Vous saisissez par votre question pourquoi on veut développer les recherches au niveau de l’assurance, répond Cinthia Duclos. En ce moment, je suis incapable de vous répondre et je pense que c’est important que je puisse le faire. Il faut que l’on développe davantage nos connaissances dans le domaine de l’assurance et que l’on compare avec ce qui se fait à l’extérieur pour avoir une meilleure idée ». 

Selon elle, le nombre d’amendes n’est pas forcément un indicateur d’un problème important dans ce milieu. Il peut dépendre de la qualité des organismes de surveillance et du travail qu’ils accomplissent. Elle ne saurait affirmer pour l’instant si la quantité d’infractions signifie que l’on détecte bien les problèmes ou que l’industrie déborde de gens qui commettent des fautes. 

Des bombes majeures ont éclaté dans le secteur des services financiers au Québec au cours de la dernière décennie, l’affaire Norbourg, le vol massif de données chez Desjardins, mais à ce jour, aucun scandale de cette taille n’a jamais touché le secteur des assurances, a-t-elle constaté.

Il existe déjà dans la province de nombreux organismes de réglementation, de surveillance et de discipline dans le domaine de l’assurance. Quel rôle additionnel de protection des consommateurs pourra jouer la future clinique ? Tout en reconnaissant l’évolution positive des choses en ce domaine ces dernières années, elle croit qu’il y a encore des enjeux. « Je dirais qu’en ce moment, il faut être alerte au niveau des nouvelles technologies, tout ce qui touche les fintechs. On peut penser à la cryptomonnaie. Il y en a d’autres ».