Les primes annualisées de l’assurance vie entière au Canada ont été en hausse de 35 % au quatrième trimestre de 2010 et de 27 % pour l’année entière. C’est ce qu’indiquent les plus récentes statistiques du groupe de recherche de l’industrie LIMRA. Les intervenants du marché interrogés par le Journal de l’assurance attribuent cette croissance à une combinaison de deux facteurs : l’incertitude qui se maintient sur le marché et les données démographiques.Les statistiques de LIMRA, qui ont été publiées dans le rapport Canadian Individual Life Insurance Sales Annual 2010, montrent que la croissance de l’assurance vie entière distance de loin les résultats des autres produits. L’assurance vie temporaire a vu ses primes croitre de 8 % de 2009 à 2010, tandis que la hausse est de 14 % pour la vie universelle.

L’assurance vie entière a aussi été la seule gamme de produits à connaitre une augmentation du nombre de polices émises en 2010 par rapport à 2009, soit 1 %. L’assurance vie universelle et l’assurance temporaire ont enregistré des reculs respectifs de 4 % et 3 %.

Grâce à la vigueur de ses ventes, l’assurance vie entière a accru sa part de marché. « La persistance de la vigueur des ventes d’assurance vie entière s’est traduite par une augmentation de 3 points de pourcentage de la part du marché, aux dépens de l’assurance temporaire et vie universelle », indique le rapport.

Karen Terry, gestionnaire en recherche de produits pour LIMRA et coauteur du rapport, dit que la remontée des ventes d’assurance vie entière est tributaire de la conjoncture économique. « Le ralentissement économique a suscité un réel désir de stabilité et de garanties. L’assurance vie entière est un produit stable. Il offre une prime garantie. Depuis les dernières années, il y a eu un véritable engouement pour la sécurité et un abandon des produits d’assurance vie universelle plus souples au profit de l’assurance vie entière. »

Selon elle, lorsque les clients achètent de l’assurance vie entière, ils ont une meilleure compréhension des primes qu’ils paieront et des garanties associées au produit qu’ils auraient d’un produit plus complexe comme l’assurance vie universelle. Elle ajoute que la tendance à la hausse des ventes d’assurance vie entière a débuté il y quelques années lorsque la conjoncture économique a commencé à se détériorer. Le même phénomène a aussi eu lieu au début de la dernière décennie, lors de la récession de 2001-2002, rappelle-t-elle.

Selon Mme Terry, l’assurance vie entière maintiendra vraisemblablement son élan cette année, particulièrement en raison de la retarification actuellement en cours dans le marché de l’assurance vie universelle (voir Journal de l’assurance, février 2011). Une tarification plus élevée aura probablement pour effet d’exercer une pression à la baisse sur les ventes d’assurance vie universelle, ajoute-t-elle. « Les ventes d’assurance vie entière en profiteront probablement. »

Succès rapide

La vigueur des ventes dans le marché de l’assurance vie entière attire de plus en plus l’attention des assureurs pour cette catégorie de produits, dit Mme Terry.

C’est assurément le cas de la Financière Sun Life du Canada. Elle a lancé deux nouveaux produits d’assurance vie entière avec participations destinés au réseau de distribution indépendant en 2010. Ceci marque pour l’assureur un retour dans ce marché. Deux des ses produits avec participations avaient été retirés en 2003, et jusqu’à l’an dernier, l’assureur était uniquement présent dans le marché sans participations avec son produit Assurance vie permanente SunSpectrum, vendu par son réseau de carrière.

Paul Fryer, vice-président, assurance individuelle chez Sun Life, dit que le retour au marché de l’assurance vie entière avec participations a suscité un grand intérêt des conseiller et a généré plusieurs ventes. Dans les premiers six mois après leur lancement à la fin de juin 2010, les deux produits – Vie Protection et Vie Capitalisation Sun Life

avec participations – ont généré des primes de neuf millions de dollars (M$), dont la majeure partie au quatrième trimestre. « Nous étions vraiment ravis. Les ventes ont été nettement plus fortes que prévu et nous continuons de profiter de cet élan à la hausse. »

Le produit Vie Protection convient particulièrement aux clients qui recherchent une valeur de rachat à long terme, une croissance du capital-décès et une protection de leur patrimoine. Des deux produits, c’est celui qui se vend le mieux. « C’est notre produit dominant », dit M. Fryer. Il ajoute que le produit Vie Capitalisation avec participations est plus un produit de niche orienté sur les propriétaires de petites entreprises ou les personnes aisées, qui pourraient être intéressées à accéder à leur valeur de rachat brute. Par exemple, pour faire le pont avant de toucher un revenu de retraite ou pour répondre aux besoins en évolution de liquidités d’une entreprise. Ce produit est offert avec un capital-décès minimum de 500 000 $, tandis que le produit Vie Protection est offert avec un capital-décès minimum de 50 000 $.

Au cours du quatrième trimestre, les nouveaux produits d’assurance vie entière avec participations de la Sun Life ont pris une part de marché de 8 % comparativement aux ventes de produits comparables de la

London Life, de la Great West, de Canada-Vie, d’Empire Vie et d’Assurance vie Équitable du Canada, ainsi qu’au produit sans participations de la Financière Manuvie, a révélé M. Fryer au Journal de l’assurance.

Selon M. Fryer, la Sun Life a réintégré le marché de l’assurance vie avec participations afin de combler un manque dans sa gamme de produits. « Nous nous rendions compte que les consommateurs canadiens démontraient un intérêt renouvelé pour l’assurance vie entière avec participations », dit-il.

Alors, pourquoi la Sun Life a-t-elle tourné le dos à ce marché en 2003? Selon M. Fryer, à ce moment, les tendances dans les ventes favorisaient l’assurance vie universelle et les ventes d’assurance vie entière avec participations reculaient rapidement. « Lorsque, à ce moment, nous avons considéré la tendance des ventes, le contexte des taux d’intérêt et les échelles de dividendes, nous avons pris la décision de concentrer nos efforts à la consolidation du reste de nos produits », dit-il.

La situation a changé depuis. « Nous constatons que ces produits traditionnels d’assurance vie entière avec participations intéressent vraiment les clients, en particulier ceux qui approchent de leur retraite. Le produit devient plus populaire pour des raisons démographiques. Les gens ont de l’argent qu’ils veulent placer dans des investissements avantageux fiscalement comme l’assurance vie entière avec participations », dit-il.

L’actif du compte de polices d’assurance vie avec participations de Sun Life s’élève à environ 16 milliards de dollars (G$). L’assureur est dans ce marché depuis très longtemps. Il assure aussi le service pour quelque 1,6 million de titulaires de polices avec participations de la Sun Life et de trois de ses acquisitions, soit Clarica, Metropolitan Life et la Prudentielle.

Sun Life dit avoir des objectifs élevés pour ses nouveaux produits avec participations. « Nous plaçons la barre très haute. Notre but est de voir jusqu’où nous pouvons aller », dit M. Fryer.

Unité-Vie du Canada est un autre assureur qui accroit son orientation sur l’assurance vie entière. Brock Campbell, vice-président, marketing, solutions de produits et assurance crédit collective de l’assureur, dit que son entreprise a pour objectif d’ajouter deux nouveaux produits avec participations d’ici la fin de l’année.

Avant son acquisition par Foresters en 2008, Unité-Vie était surtout une compagnie d’assurance vie temporaire qui n’était pas très présente dans le marché de l’assurance vie entière, alors que Forester offrait un produit de vie entière, qui n’avait pas été mis à jour depuis plusieurs années, explique M. Campbell.

Aussi, Unité-Vie et Foresters chercheront à lancer cette année quelques nouveaux produits sur le marché de l’assurance vie avec participations. Il ajoute que le processus de développement est au stade préliminaire, mais que l’un des produits d’assurance vie avec participations sera une version simplifiée tandis que l’autre comprendra une gamme plus complète de caractéristiques.

Un marché concurrentiel

Depuis la crise de 2008, le marché de l’assurance vie entière est devenu fort concurrentiel, ajoute M. Campbell. « Lorsque la bourse s’est effondrée, plusieurs se sont demandé si l’assurance vie universelle était le bon produit à offrir, simplement parce que nous sommes actuellement exposés à des taux de rendement incroyablement bas. C’est un facteur qui a porté les gens à se tourner vers l’assurance vie entière. Certains des avantages antérieurs à la surcapitalisation d’une assurance vie universelle ne sont probablement plus aussi importants qu’ils l’étaient il y a quelques années. Par exemple, les comptes d’épargne libres d’impôts donnent maintenant aux clients un autre endroit pour investir et profiter d’avantages fiscaux », indique-t-il.

M. Campbell ajoute que le marché de l’assurance vie entière a atteint sa maturité. Bien qu’une croissance des ventes de 35 % au quatrième trimestre s’avère convaincante, on doit chercher à comprendre ce qui se cache réellement, derrière ce résultat. « Si on regarde les chiffres, on voit en gros une stagnation du nombre de polices émises ce qui est une indication que le marché a atteint sa maturité. »

C’est le cout par 1 000 $ d’assurance qui augmente et qui indique que les gens investissent davantage dans leur assurance vie entière, souligne-t-il. Il y a aussi un mouvement vers des programmes de paiements plus limités, ce qui entrainerait une hausse du cout par 1 000 $, puisque ces polices sont payées sur une plus courte période.

« Ce que nous percevons dans ces chiffres, c’est un envol vers la sécurité. Les consommateurs cherchent des régimes qui sont moins influencés, moins dépendants de l’échelle des dividendes », dit M. Fryer.