Alors que l'incendie de Fort McMurray continue de progresser, l’industrie de l'assurance tente d’évaluer l’ampleur d’un sinistre qui est probablement la catastrophe naturelle la plus coûteuse dans l'histoire du Canada. Il en résulte pas moins que l'estimation des pertes financières s’avère être une tâche difficile tant que les différents foyers d’incendie ne sont pas totalement sous contrôle.
En fin de semaine passée, c’est BMO Capital Markets qui réalisait une première estimation sommaire des pertes, annonçant une facture qui pourrait être comprise entre 2,9 et 9,3 milliards de dollars (G$).
Depuis, un chiffre, 9 milliards, circule dans de nombreux médias. Tout comme l’estimation faisant état de 1 600 maisons détruites ou endommagées qui circule dans la majorité des articles et bulletins de nouvelles consacrés au sujet.
Des estimations préalables
François Dagneau, premier vice-président chez Aon Benfield, a lui estimé, dans un entretien accordé au Journal de l’assurance, que les sommes assurées seraient plutôt comprises entre 10 et 15 G$. Ce qui représenterait des pertes assurées comprises entre 5 et 7,5 G$ si au moins une maison sur 2 avait brûlé à Fort McMurray. Dans ce cas encore, il ne s’agit que d’estimations préalables.
Lundi, c’est Intact qui a communiqué une première estimation de ses pertes nettes après impôt à hauteur de 130 à 160 millions de dollars, une évaluation basée sur l'imagerie satellitaire des zones sinistrées et le géocodage des risques assurés. Intact a toutefois souligné que cette analyse supposait la fin définitive des feux de forêt à Fort McMurray.
Le coût exact dans une dizaine d’année
« Quand j’entends des estimations allant de 2,9 à 9 milliards, je ne sais pas trop quoi penser. Personne ne peut savoir pour le moment, affirme Paul McDonald, vice-président principal et responsable en chef des sinistres chez RSA Canada. La seule chose que l’on sait c’est que les pertes seraient plus élevées encore si l’aéroport, l’usine de traitement des eaux ou d’autres infrastructures majeures étaient touchées. Je crois qu’on ne connaitra pas le coût exact de la catastrophe avant plusieurs années. »
Un avis largement partagé par André Soucisse, vice-président, comptes nationaux et développement des affaires, chez Crawford Canada. « Je ne sais pas sur quoi ces estimations sont basées. Je pense qu’ils prennent un facteur comme le nombre de maison, puis ils le multiplient par le prix d’une maison à Fort McMurray, explique-t-il. Personne aujourd’hui ne peut savoir le coût global de cette catastrophe. Je pense qu’il est encore trop tôt. »
Pour le restaurateur après-sinistre, Pierre Bédard, président de Groupe Urgence Sinistre (GUS), il est impossible de connaître le montant des pertes pour la simple et bonne raison que les assureurs ne le savent pas eux-mêmes.
« Nous n’avons aucune information sur des volumes précis, c’est de la spéculation. Il est impossible de savoir. Avec le verglas, on a mis 12 ans à savoir, alors pour Fort McMurray, on ne saura pas le coût exact avant une dizaine d’années. » Pour l’instant, et de l’aveu même de son président, GUS attend désormais des dossiers, et notamment que les assureurs lui donnent des volumes.
Une grande part pour les réassureurs
Si la répartition des pertes assurées entre les assureurs et les réassureurs n’est pas totalement établie, Fitch Ratings estime que l'ampleur de l'événement conduit à une plus grande proportion des pertes supportées par les réassureurs. Un marché de la réassurance qui ne devrait pas être affecté par la catastrophe de Fort McMurray, selon François Dagneau.
« Le marché de la réassurance est un marché mondial, et le contexte mondial est très favorable depuis plusieurs années, souligne le premier vice-président d’Aon Benfield. Fort McMurray est un grave sinistre au niveau canadien, mais un petit sinistre au niveau mondial. En comparaison avec un ouragan en Floride, il s’agit d’un petit événement. »
Parmi les compagnies d'assurance qui ont la plus grande part de marché en Alberta en assurance résidentielle, on notera notamment Intact, Wawanesa, Co-Operators, Assurances générales TD, Aviva Canada et Lloyds Underwriters. Ensemble, ces compagnies représentent environ 60% des primes directes souscrites en 2014 dans la province, selon Fitch Ratings.